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![]() ![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Une vie simple dans une ville compliquĂ©e(par Esprint)Le soleil inondait de ses rayons matinaux la citĂ© millĂ©naire de Brahami. Les tempĂ©ratures, très basse pour les moyennes de saison, arrangeaient bien Lahumu Miri. La jeune femme accueillait cette fraicheur avec joie, le mercure pouvait parfois afficher jusqu’à quarante-cinq degrĂ©s au zĂ©nith. Cette jeune femme de race ferienne supportait très mal la chaleur. La peau de Lahumu Ă©tait grise, elle tirait vers le bleu en cas de fraicheur. Ses cheveux cyan se rĂ©unissaient en deux chignons symĂ©triques, cette coiffure traditionnelle fĂ©rienne mettait Ă nu ses longues oreilles pointues. Elle portait une large veste grise, un sarouel vert s’arrĂŞtant aux genoux, et des cothurnes en cuir. Lahumu remit ses lunettes rondes en place, et elle sortit de sa maison construite en grès, de forme cubique, et munie d’une terrasse sur le toit. La douce lumière Ă©clairait son visage. Le ciel Ă©tait bleu et sans nuage, on pouvait y voir des wyvernes s’élancer dans les airs. Au bout de 5 minutes de marche, elle arrivĂ© Ă la porte de la sortie du quartier. L’ouverture creusĂ©e dans la muraille matĂ©rialisait la frontière entre deux mondes, les fĂ©riens et les autres. Si le ghetto avait une dĂ©mographie homogène, l’extĂ©rieur Ă©tait un pĂŞle-mĂŞle de peuples originaire des quatre coins de l’empire. S’y croisaient des zirniens, des feriens, des humains et des thĂ©iens. Au-delĂ des murs, l’architecture restait inchangĂ©e. Le parcellaire s’agençait autour de larges routes capables d’accueillir d’énormes animaux de trait. L’avenue principale de Brahami donnait sur un grand complexe religieux, bâti dans le centre historique de la ville. C’était un ensemble de terrasses supportant de gigantesques ziggourats construit Ă son sommet. Elle y arriva en demi-heure de marche. Avant de pĂ©nĂ©trer dans le sacrosaint pĂ©rimètre, Lahumu sortit un couvre-chef de sa besace. Il Ă©tait d’un blanc immaculĂ©, elle le posa sur ses cheveux turquoise. Un voile fin attachĂ© au chapeau couvrait l’arrière de sa tĂŞte et ses Ă©paules. Elle pĂ©nĂ©tra dans la première chambre du temple principal, une salle quadrangulaire de quinze mètres de haut. Elle Ă©tait vide, seule une statue gĂ©ante trĂ´nait en son centre. Ă€ part quelques fĂ©riens Ă©parses, toute la foule Ă©tait zirrniene, la race majoritaire de l’empire. Ils avaient une peau mate et rugueuse, une musculature dĂ©veloppĂ©e, et une protubĂ©rance au niveau de l’arcade sourcilière. Ils s’habillaient avec des toges colorĂ©es et un couvre-chef, les hommes portaient de longues barbes, ils rĂ©citaient en chĹ“ur des mantras d’une voix rocailleuse. Lahumu lava son visage Ă l’aide d’une fontaine sacrĂ©e creusĂ©e dans le mur d’entrĂ©e. Elle prosterna devant la statue et effectua Ă son tour le rituel. Les mains jointes, les premières paroles de la journĂ©e Ă©taient rĂ©servĂ©es Ă la divinitĂ© protectrice de la ville : « Ă” Zarna, Ă´ protectrice de la connaissance, accorde-moi ta bĂ©nĂ©diction pour honorer ta volontĂ©, » entonna-t-elle d’une voix discrète et monocorde. Lahumu se dirigea vers la salle d’archives situĂ©e Ă gauche. MalgrĂ© ses innombrables visites, la jeune femme Ă©tait toujours Ă©bahie devant le fourmillement d’ouvrages qui comblaient les Ă©tagères. Les bibliothèques s’élevaient si haut qu’elle devait lever la tĂŞte pour en apercevoir le sommet. Elle avança de trois rangĂ©es Ă gauche, puis quatre devant elle avant de retrouver sa table habituelle. Son poste de travail se tenait Ă l’écart des visiteurs, ce qui l’arrangeait. Son responsable l’attendait, c’était un vieux zirrnien Ă la barbe grisonnante. « Mes divines salutations Lahumu, lança-t-il en souriant. —  Mes… Mes divines salutations Ă vous aussi… maĂ®tre, rĂ©pondit-elle d’une voix tremblante. —  Aujourd’hui vous continuerez le recopiage du cantique d’Iraza. J’ai jetĂ© un Ĺ“il Ă ce que vous avez fait hier, et je suis vraiment satisfait de votre travail. Continuez comme cela, et Zarna vous le rendra au double. —  Votre bĂ©nĂ©diction m’honore, maĂ®tre. » Lahumu se mit Ă l’ouvrage sans discuter, et sortit un grand parchemin de la troisième Ă©tagère. Elle le posa dĂ©licatement sur la table en bois massif. Vieux de dix siècles, l’air chaud et sec de Brahami l’avait bien conservĂ©. Le parchemin restait tout de mĂŞme très fragile, la moindre mauvaise manipulation pouvait le dĂ©truire. Sa mission de recopiage Ă©tait d’une importance capitale, sans son travail, ce savoir inestimable pourrait se perdre Ă tout jamais dans les limbes de l’histoire.
Les heures passèrent sans que Lahumu ne prenne de pause, elle restait concentrĂ©e. La chaleur l’accablait et elle s’essuyait le visage Ă l’aide d’une serviette. Sa plume imitait Ă la perfection la calligraphie et les illustrations de l’auteur. Elle recopiait dans un Ă©pais codex les vers de ce poème millĂ©naire. « Mes salutations divines, savez-vous oĂą je peux trouver ce livre ? » s’exprima un inconnu qui se tenait juste derrière Lahumu. C’était un jeune homme zirrinien, il lui tendit un morceau de papier avec le nom de l’ouvrage recherchĂ©. Elle resta muette, la tĂŞte baissĂ©e, et prit la note de sa main sans se retourner. Pendant qu’elle lisait, le voyageur la voyait trembler. « Je vois, vous ne me comprenez pas ma langue… C’est pas grave, rendez-moi le papier, je trouverai un traducteur… » ajouta-t-il en soupirant. Lahumu se leva d’un coup et se prĂ©cipita d’un pas pressĂ© vers l’étagère indiquĂ©e. Elle lui donna l’ouvrage et retourna Ă sa place. « Euh… merci… rĂ©pondit le voyageur interloquĂ©, je pensais que vous ne parliez pas ma langue… » ajouta-t-il en partant. Le maitre de Lahumu revint aussitĂ´t, il tenait un petit livre. Il croisa l’inconnu et leva les sourcils en se tournant vers Lahumu. « Tu as rĂ©ussi Ă parler Ă un inconnu ? —  J’ai juste accĂ©dĂ© Ă sa requĂŞte. » Il poussa un soupir. « En parlant de requĂŞte, j’en ai une demande spĂ©ciale, » rĂ©pondit-il en lui donnant un livre. Il Ă©tait de petite taille et avait une couverture souple et cartonnĂ©e. Lahumu feuilleta l’ouvrage et bondit de sa chaise. « Un livre imprimĂ© ? Mais c’est rarissime ! —  Oui, il vient de Tanokyo. On a très peu d’informations sur ce pays isolĂ©. Comme tu es une experte en langue, j’aimerais que tu le lises et que tu me dises de quoi il parle. —  Mais il risque d’y avoir des paroles impures ! De ce qu’on sait sur eux, ce sont des athĂ©es ! —  Notre devoir est d’accumuler les connaissances du monde entier, y compris celles venant de peuples qui se sont dĂ©tournĂ©s de la bonne parole. Telle est la volontĂ© de Zarna. Si tu ne te sens pas capable, je comprendrais. —  Non, je le ferais, faites-moi confiance, » rĂ©pondit-elle avec assurance. Le savant repartit et Lahumu s’attela Ă la tâche.
Au bout de quelques minutes de lecture, elle n’y comprenait rien. Elle arrivait Ă dĂ©chiffrer leur Ă©criture, le sens des phrases, mais les concepts abordĂ©s par l’ouvrage lui Ă©chappaient, tout juste savait-elle que ça parlait d’économie et de politique. MĂŞme le titre Ă©tait abscons : « Compagnie minière Kinia – Rapport d’audit interne ». Elle tremblait de peur. Qu’allait dire le maĂ®tre si elle Ă©chouait ? Allait-il douter de ses compĂ©tences ? Tant de questions la stressaient au plus haut point. « J’ai Ă©tĂ© trop arrogante… Il va me renvoyer, ça m’apprendra… » Des larmes coulèrent sur ses joues, elle manqua de tacher le papier qu’elle Ă©tait en train de lire. Elle resta plantĂ©e durant une heure devant la feuille blanche censĂ©e recueillir ses notes. Elle finit par prendre son courage Ă deux mains, et elle se rendit Ă l’entrĂ©e de la bibliothèque. Le savant discutait avec d’autres Ă©rudits zirrniens. Lahumu resta cachĂ©e derrière une Ă©tagère. Elle s’inventait d’innombrables excuses pour ne pas aller le voir. Elle devait lui parler, mais un mur invisible semblait la retenir. Le maitre s’apprĂŞtait Ă sortir de la bibliothèque. C’était le moment ou jamais, elle marcha tĂŞte baissĂ©e, et lui rendit le livre. « Je n’ai pas rĂ©ussi Ă le lire je suis dĂ©solĂ©e je ne suis pas digne de vous, s’exclama-t-elle en bafouillant. —  Parle moins vite, on n’est pas pressĂ© ! rĂ©pondit-il avec le sourire. —  Je suis dĂ©solĂ©e… » Il soupira et posa sa main sur son Ă©paule. Son geste la fit encore plus paniquer. « Ce n’est pas grave, ça peut arriver Ă tout le monde d’avoir des moments de creux… Tu es une brillante jeune fille. Va, repose-toi, tu as bien travaillĂ© aujourd’hui. —  Je vous remercie maĂ®tre ! » s’exclama-t-elle en se prosternant devant lui.
Le crĂ©puscule commençait Ă dorer les murs du ghetto, Lahumu marchait Ă vive allure. Elle se dirigeait non pas chez elle, mais vers la maison de ses parents. SituĂ©e Ă deux quartiers de son appartement, elle avait quittĂ© la demeure familiale pour gagner en tranquillitĂ© et en intimitĂ©. MalgrĂ© les inconvĂ©nients de la vie en communautĂ©, elle adorait revoir ses proches pour partager le repas. Quand elle passa devant un temple fĂ©rien, son regard croisa ceux des ecclĂ©siastiques. Une vague de frisson parcourra son corps frĂŞle et elle baissa la tĂŞte en accĂ©lĂ©rant le pas. Les passants toisèrent Lahumu avec dĂ©gout avant de faire des messes basses. Les informations circulaient très vite dans le ghetto, ils fuyaient comme la peste leurs congĂ©nères convertis Ă l’obĂ©dience de l’occupant. Elle se dĂ©pĂŞcha de rejoindre la bonne rue. Lahumu entendait depuis la rue le chahut de ses cadets. Elle se dĂ©sespĂ©ra des graffitis Ă©crits sur les murs de la demeure familiale. On pouvait y lire des mots tels que « hĂ©rĂ©tiques » ou bien encore « traitre ». La foi zirnienne de sa famille avait compliquĂ© la vie dans ce quartier, mais les choses allaient s’arranger, ils avaient prĂ©vu de dĂ©mĂ©nager hors du ghetto. Lahumu rentra et vit sa mère cuisiner dans la grande pièce Ă vivre. « Mes salutations divines, maman. —  Tu peux juste dire salut tu sais, on n’est pas au temple ! —  DĂ©solĂ©e… J’ai Ă©tĂ© stressĂ©e par le travail. —  ArrĂŞte de t’excuser pour rien. Tiens, aide-moi Ă couper les lĂ©gumes ! —  Il rentre quand Papa ? demanda Lahumu en se saisissant d’un couteau. —  Dans un mois, il y a des conflits religieux Ă la capitale impĂ©riale, ils ont encore besoin d’interprètes. » Le repas se dĂ©roula dans le brouhaha, ses sept frères et sĹ“urs, tous moins âgĂ©s qu’elles, se chamaillaient autour d’une grande table ronde. Assis en tailleur sur des coussins, tous se servaient dans d’immenses plats de lĂ©gumes. « Bon sinon Lahumu, quand est-ce que tu nous ramènes un homme Ă la maison ? Tu as vingt et un ans, il va falloir y penser ! lança la mère de famille. —  Je… Je n’ai pas encore trouvĂ© quelqu’un qui me plaise… » murmura-t-elle en se servant dans le plat principal. Sa cuillère croisa celle de Tana sa sĹ“ur, elle avait deux ans de moins qu’elle. Cette dernière lui lança un sourire narquois. « C’est pas demain la veille qu’on verra un humain Ă la maison ! » —  Co… comment ça ? balbutia Lahumu en paniquant. —  T’es Ă fond sur eux, fais pas semblant. C’est leur peau beige et leurs petites oreilles qui te font de l’effet ? — Ce ne sont pas tes affaires ! » s’écria Lahumu, embarrassĂ©e. Les joues de Lahumu se teintèrent de bleu, elle Ă©tait gĂŞnĂ©e. « Peu importe sa race. Tant qu’il la bonne religion, c’est tout ce qui compte. De toute façon après le dĂ©mĂ©nagement on pourra accueillir qui on voudra, » rĂ©pondit sa mère en enfournant une bouchĂ©e.
Le reste du diner se dĂ©roula comme d’habitude. Après mangĂ© et aidĂ© pour la vaisselle, Lahumu s’apprĂŞta Ă repartir chez elle. « Je te remercie pour ce repas ! —  Tu vas quand mĂŞme pas rentrer aussi tard ! C’est dangereux ! —  Ne t’en fais pas… je serais prudente… » Lahumu rentra chez elle la boule au ventre, elle angoissait Ă l’idĂ©e de faire une mauvaise rencontre. L’arrivĂ©e Ă son appartement sonna pour elle comme un soulagement. Elle pĂ©nĂ©tra dans sa maison plongĂ©e dans le noir avec nonchalance avant de s’effondrer dans son lit. Elle s’endormit après deux bonnes heures d’insomnie, prĂŞte Ă enchainer une nouvelle journĂ©e.
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