Depuis le haut de la butte du quartier résidentiel, je jette un regard en arrière. Les gratte-ciels du centre-ville sont minuscules. On approche vraiment de la bordure extérieure de la banlieue. D’ici quelques semaines – peut-être quelques jours – on aura atteint la campagne.
Barwane, qui ouvre la marche, ne regarde même pas devant lui. Il fixe quelque chose sur notre droite. Un brin inquiète, j’accélère pour arriver à son niveau et l’interroger à voix basse.
— Tu as vu quelqu’un ?
— Que’qu’chose, plutôt.
— Genre quoi ?
— Genre une maison que j’comprends pas comment elle est faite. Pis elle a de drôles d’antennes d’ssus.
Je hausse un sourcil avant de chercher, dans les multiples pavillons qui nous entourent, une construction insolite. Rien ne me saute aux yeux. Peter, qui s’est approché pour entendre la conversation, semble ne pas trouver d’anomalie non plus. Je n’ai pas fini de me tourner vers le grand gaillard aux cheveux tressés que je sens deux mains larges comme des assiettes m’attraper par la taille. Sans effort apparent, Barwane me soulève de terre, ignorant ma surprise et mes demandes de rester en contact avec le plancher des vaches.
— Là -bas, me pointe-t-il après m’avoir fait asseoir sur une de ses épaules comme si j’avais cinq ans.
Je cache tant bien que mal mon embarras – j’entends Peter qui pouffe de rire – pour suivre le doigt tendu. Ouais… c’est pas depuis mon petit mètre cinquante-six que je risquais de voir ça : il y a une bâtisse parfaitement cylindrique et au toit pointu qui s’élève au milieu des petites maisons carrés aux toits-terrasses. Et ce que notre gardien a pris pour des antennes sont les pales dénudée de cet antique moulin à vent.
— C’est un vieux moulin. Un musée, sans doute.
Peter a eu droit au même traitement enfantin que moi – heh ! bien fait pour toi – avant que l’on décide d’aller voir de plus près. Pas la moindre idée de ce qu’on va pouvoir trouver là -bas, mais on tente. On est plus à ça près.
On enjambe la petite haie de lavande desséchée qui cercle la construction antique, arrivant devant une petite porte. Le quartier à l’air vide, mais on est jamais sûr de rien. Barwane passe devant, Peter et moi en garde derrière lui. Le battant pivote avec un grincement de gonds rouillés. Personne.
La pièce qui s’offre à nous est rendue étroite par toute la machinerie en bois qui occupe l’espace central.
— C’est quoi tout ça ? demande Peter, fasciné, en passant la main sur un engrenage large comme sa tête.
C’est la première fois que j’en visite un “en vrai”, mais mes souvenirs d’une visite virtuelle me permet de répondre avec une certaine assurance : avant l’ère industrielle, et même avant l’électricité, l’Homme avait eu l’idée d’utiliser la force du vent pour l’aider à moudre du grain.
Les rouages de bois qui nous entourent, bien que couverts de poussière et de toiles d’araignées, ont été entretenus. Un vrai petit bijou d’Histoire. J’aimerais y emmener Methew…
Mes réflexions sont interrompues par un “aïe” discret. Le colosse qui nous sert de garde du corps, avachi sous le plafond trop bas, vient de percuter une poutre.
— Je pense pas qu’il y ait du grain moulu à l’étage, alors… on s’en va ?