Quatre fois ! Cela faisait quatre fois que Jacques le Lapin de Pâques ne se rendait pas Ă  la rĂ©union de mi-saison sur les diffĂ©rentes affaires concernant les enfants. Le Père NoĂ«l, en tant que prĂ©sident de l'association des LĂ©gendes RĂ©elles pour Enfants, ne pouvait en tolĂ©rer plus. C'Ă©tait dĂ©cidĂ©, il allait porter plainte au Bureau des DĂ©rives Comportementales, pour qu'un avertissement soit donnĂ©. Mais avant, il voulait comprendre. Jacques avait toujours fait son travail avec beaucoup de de sĂ©rieux, et cela fendait le coeur Ă  JoĂ«l de devoir le dĂ©noncer. Alors, il lui rendit visite, le lendemain de ladite rĂ©union.

Toc, Toc, Toc.

— Jacques ? Tu es lĂ  ? demanda JoĂ«l.

— Ou... Oui, oui... J'... J'arrive... rĂ©pondit le lapin d'une voix embuĂ©e.

Il ouvrit la porte, et le fit entrer, mais le Père Noël comprit instantanéement que quelque chose n'allait pas.

— Mais... enfin, que t'arrive-t-il ? s'inquiĂ©ta-t-il.

— Oh... oh rien... Ne t'inquiète pas. C'est juste que ça redescend.

— Comment ça, ça redescend ? Tu as bu ou quoi ?

— Pas... pas tout Ă  fait...

— Pas tout Ă  fait ? Mais enfin, qu'est ce que ça veut dire ? Exprime toi clairement !

— Pour tout te dire... J'ai peut-ĂŞtre un tout petit peu très lĂ©gèrement consommĂ©... des substances illicites...

— P... Pardon ? s'Ă©touffa JoĂ«l avec sa barbe. Tu as fait quoi ? Tu es pas sĂ©rieux quand mĂŞme ?

— Disons que... que j'avais besoin d'inspiration pour la dĂ©coration de mes futurs oeufs, alors je suis allĂ© la chercher lĂ  oĂą je pouvais la trouver...

— Et... Ca fait combien de temps que ça dure, ce comportement ?

— Quel...quelques...

— Heures ? Jours ? Non... Pas quelques semaines quand mĂŞme ?

— Je dirais plutĂ´t quelques mois... A moins que ce soit des annĂ©es... Oh je ne sais plus !

— Des annĂ©es ???? Mais tu n'es pas sĂ©rieux ! Tu te rends compte que tu t'occupes d'enfants ? Tu te rends compte que si tu brises la foi qu'ils ont en nous, tu les dĂ©truiras pour toujours ?

— Rohh....Oui je sais... Mais, c'est bon, pas la peine d'en faire tout un drame. Au final, ils sont plutĂ´t contents, les enfants, d'avoir de jolis Ĺ“ufs bariolĂ©s. Et ces couleurs, je les trouve entre les licornes et les arbres bonbons qui sont dans ma tĂŞte.

— Des... des licornes, tu dis ? Donc... Tes magnifiques et absolument mignonnes licornes du dernier Pâques venait... de ça ?

— Exact ! Pour... Pourquoi, tu veux essayer ?

— Et bien... Si cela peut me permettre de satisfaire les dĂ©sirs toujours plus excentriques des enfants, je pourrais essayer... Mais non ! Qu'est ce que je raconte ? Pourquoi j'essayerais cette abomination ? Pourquoi je commence Ă  dire des ânneries pareilles ?

— Oh, ne t'in... t'inquiète pas, c'est juste l'effet de l'atmosphère chill qui règne chez moi, dĂ©tends toi.

— Atmosphère... Chill ? Qu'est ce que ça veut ça ? Et c'est quoi cette odeur bizarre ?

— DĂ©tends toi, je te dis... Je diffuse juste mes substances dans l'air...

— Quoi ? Et tu ne pouvais pas me...me prĂ©venir ?

Joël avait de plus en plus de mal à respirer. La pièce tournait, rien n'allait plus. Et ce sourire. Le sourire satisfait qui ornait le visage de Jacques.Ce fut la dernière chose qu'il vit, avant de s'évanouir.

Le Père Noël ne réapparut pas avant plusieurs jours. Et quand il revint enfin à son atelier, il était légèrement différent. Trop pour que cela passe inaperçu, mais pas assez pour que son entourage s'en inquiète. Mais l'affaire des absences de Jacques aux réunions ne fut plus jamais évoquée.

Et, le jour de Noël suivant, étrangement, les enfants du monde entier reçurent des cadeaux déjantés. Pas forcément ceux qu'ils avaient commandés, mais de ceux dont on se souvenait toute sa vie.

En voyant ce rĂ©sultat, Jacques se fĂ©licita d'avoir fait connaĂ®tre Ă  ce vieux bougon de Père NoĂ«l le monde enchantĂ© des hallucinations. Il se dit mĂŞme :

— Comme quoi, la drogue fait des ravages, mais pas que !