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FaucheuseElinor![]() Spectacles![]() La boucle
![]() ![]() C’est à croire que les tours ne sont que des prétextes pour construire les escaliers.
Mon bras droit, depuis longtemps perdu dans un tragique accident en était la parfaite illustration. Cela fait des siècles maintenant que l’humanité rêvait de s’améliorer. Quel meilleur prétexte pour cela que d’avancer vouloir vaincre la mort elle-même. Le membre cybernétique qui le remplaçait était plus performant dans tous les domaines. Ma dextérité était inégalée, ma force démesurée. Machine à plus de 60 %, qu’est-ce que la mort aurait pu vouloir prendre de moi ? Je regarde le paysage à travers la vitre de mon petit appartement miteux. Car nous en sommes là … Il est devenu moins coûteux d’être amélioré que de vivre sainement. Les bâtiments s’entassent aussi loin que mon regard peut se poser. Et pourtant mon acuité visuelle est supérieure à celle d’une personne lambda… En supposant qu’une personne lambda existe encore, bien sûr. Trouver de la vie… de la vraie vie… Est-ce seulement encore possible ? Mais quelque chose d’étrange me sort soudainement de mes rêveries. Une sorte d’éclair qui apparaît par intermittence entre deux bâtiments éloignés. Je tente de l’analyser, mais seuls les mots « analyse impossible » apparaissent dans mon regard. Je décide donc d’aller voir de quoi il s’agit par moi-même. Je ne trouve de toute façon pas le sommeil… Une balade dans la nuit ne me fera pas de mal. Et s’il y a quelque chose à voir… ça promet une soirée qui change du train-train habituel. Lorsque je ferme la porte de mon appartement, je sens le regard d’un de mes voisins se poser sur mes courbes. Dommage pour lui, il ne m’intéresse pas.
J'ai pris ma décision. Je ne peux plus rester en ce monde. Je ne sers plus à rien. Depuis que le transhumanisme s'est développé...je ne sers simplement plus à rien. La mort ne prend jamais. Et quand elle prend... ce n'est pas moi qui suis chargée de la mission. Je suis chargée des êtres vivants, pas des machines qui utilisent le peu de leur corps humain qui leur reste. Alors... je n'ai plus de raison d'exister. C'est pour cela que je suis ici. Sur ce pont. Je sais ce que vous vous dites... Une Faucheuse qui se suicide ? Pathétique. Et pourtant... c'est ce que je m'apprête à faire. J'espère vraiment que ma Déesse aura pitié de moi, et qu'elle me laissera rejoindre une personne particulière dans le monde des morts. Plus rien ne me retient ici. Et puis tout à coup, je ressens quelque chose. Une âme pure. Sans aucun lien avec des machines quelconques. Ce n'est pas un humain, j'en suis certaine. Sûrement un animal. Je le chasse de mes pensées, et me reconcentre sur ce qui m'occupe. Mais le petit animal que j'ai perçu ne veut sortir de ma tête. Pour une raison que j'ignore, j'ai pitié de lui. J'ai honte de le laisser comme cela, seul, dans un monde qui n'en a rien à faire de lui. Alors je fais une chose complètement stupide. Je décide de partir à sa recherche pour lui épargner les souffrances de ce monde cruel. Un dernier acte de bonté dans ce monde pourri. Et oui, même la grande Faucheuse peut être sympa, si elle en a l'occasion et qu'elle n'a plus rien à perdre. Je parcours les rues de la ville, sondant les alentours pour le retrouver. Son âme émet un faible signalement. Mais tout à coup, je sens une présence derrière moi. Je me retourne doucement, et je vois une de ces créatures diaboliques pour moi. Un bras en métal. Retouchée de partout, une femme se dresse en face de moi. Mais étonnamment, elle n'est pas seule. Un magnifique petit chien l'accompagne. Et encore étonnant, elle semble vouloir le protéger. Que fait-elle donc ?
Je passe presque deux heures Ă dĂ©ambuler Ă travers les rues de la ville Ă rechercher la source de cet Ă©clair. C’est loin d’être facile. Je dois me contenter du message « analyse impossible » qui me permet de trouver les rĂ©sidus d’énergie, pour me repĂ©rer. Et je finis par tomber sur un animal… Un simple et mystĂ©rieux animal… Mais ce qui est Ă©trange, c’est qu’il ne s’agit pas d’une machine reproduisant le comportement de l’ancienne forme de vie appelĂ©e Chien… Non, c’est un vrai animal, de chair et de sang, chargĂ©e d’une Ă©nergie quantique qu’aucun de mes circuits ne parvient vraiment Ă analyser. Je sais qu’il ne peut pas provenir d’ici. De ce monde. C’est totalement impossible… MĂŞme les naissances humaines doivent ĂŞtre assistĂ©es par des machines pour pouvoir ĂŞtre menĂ©es Ă terme. Mais si un fragment de vraie vie s’est glissĂ©e, il faut tout faire pour le prĂ©server. Et l’ombre qui apparaĂ®t devant moi n’a pas l’air d’être amicale. Cette ombre prend forme et je la dĂ©taille. Mon Ĺ“il cybernĂ©tique ne peut la distinguer, mais l’autre, bien plus humain la voit. Une femme au longs cheveux de jais me fait face. Elle est vĂŞtue d’une longue cape noire Ă capuche qui la recouvre jusqu’aux pieds… et dans ses mains, une Ă©norme faux mĂ©tallique. Et surtout… selon l’analyse qui m’en est faite… Pas un gramme de cybernĂ©tique chez elle. C’est suffisamment rare pour que je le note. Mais rapidement, je prends le chien dans mes bras et l’entoure du mieux que je le peux pour le protĂ©ger. Car cette femme n’a pas d’intention pacifique, Ă l’évidence. Elle est prĂŞte Ă frapper. Je rĂ©alise alors que j’ai dĂ©jĂ vu la reprĂ©sentation de cet ĂŞtre dans de vieilles archives… C’est la faucheuse… La grande faucheuse… Celle qui prend les vies pour les mener de l’autre cĂ´tĂ©. Est-ce pour cela que les circuits en moi ne peuvent pas la voir ? Est-ce une forme de vie surnaturelle ? Je n’y avais jamais vraiment cru, mais elle est face Ă moi en ce moment. Étant donnĂ© le peu de personnes qui n’ont pas les deux yeux amĂ©liorĂ©s… Elle aurait pu passer des dĂ©cennies Ă arpenter notre monde sans que personne ne la remarque jamais. — Je vous en prie, Grande Faucheuse, ne faites pas de mal Ă cet animal. Il est vivant. Il faut que la vie soit prĂ©servĂ©e.
Je crois mal entendre. Cette humaine ne peut pas rĂ©ellement souhaiter protĂ©ger la vie de cet animal. Je n'ai jamais vu une de ces crĂ©atures s'inquiĂ©ter pour un ĂŞtre autre que lui, Ă fortiori lorsqu'il s'agit d'un simple animal. L'espèce humaine est pourrie jusqu'Ă la moelle. Les technologies lui ont fait perdre tout son aspect positif en mĂŞme temps que son indĂ©pendance. Alors pourquoi ? Pourquoi cette humaine voudrait le protĂ©ger ? Ça n'a aucun sens... Alors je dĂ©cide de m'adresser Ă elle : — Qui es-tu pour espĂ©rer me donner des ordres ? Pour qui te prends-tu ? Et que sais-tu de mes intentions ? RĂ©ponds-moi, ou tu ne connaĂ®tras pas une nuit de plus dans ce monde ! De toute Ă©vidence, elle ne sait pas que je n'ai pas le droit de m'en prendre Ă elle. Son Ĺ“il humain est empli de peur. Elle ne sait pas quoi rĂ©pondre. Et je dois bien avouer que cela m'amuse. Pour la première fois depuis des annĂ©es... je ressens ce sentiment. Et cela me fait du bien. Alors, j'invoque ma voix d'outre-tombe, qui ne m'a pas servi depuis bien trop longtemps, et je reprends : — Parle, ou tu subiras ma colère ! Elle est sans voix. Ses yeux cherchent Ă m'analyser, je le vois. Mais elle n'y arrivera pas. Je suis bien trop vieille... et je ne suis pas humaine. Je ne suis mĂŞme pas vivante. Mais elle trouve quand mĂŞme la force de dire : — Loin de moi l'idĂ©e de vous offenser, Ă´ Frande Gaucheuse... pardon, Grande Faucheuse, mais vos intentions sont tout Ă fait claires : vous voulez le tuer, mais je ne vous laisserai pas faire. DĂ©cidĂ©ment, elle ne manque pas d'impertinence. Elle ose mĂŞme Ă©corcher mon titre. Mais j'apprĂ©cie l'audace. Alors, je dĂ©cide de lui expliquer ce qui se passe, pour la rĂ©compenser de son courage : — Tu oses me rĂ©pondre... J'aime ça. Et bien... l'humanitĂ© est pourrie de l'intĂ©rieur. Depuis bien longtemps. Elle est irrĂ©cupĂ©rable. Et je refuse de laisser des ĂŞtres innocents comme cet animal dans ce monde de brutes. Alors, j'ai dĂ©cidĂ© de lui Ă´ter la vie, pour lui Ă©pargner bien des souffrances, avant de disparaĂ®tre de ce monde. Mes paroles ont l'air de l'atteindre. Et c'est Ă mon tour de rester sans voix en entendant ce qu'elle me rĂ©pond.
J’avais bien raison. Son intention Ă©tait bien d’ôter la vie Ă ce petit ĂŞtre inoffensif. Le chien regarde tour Ă tour mon visage et celui de la faucheuse… Il a l’air paniquĂ©. Je ne sais pas d’oĂą il provient mais je prĂ©fère encore qu’il y retourne plutĂ´t que de voir sa vie ĂŞtre prise. Je rĂ©flĂ©chis un instant et dĂ©cide d’ouvrir mon cĹ“ur : — Grande Faucheuse… Vous avez raison… L’humanitĂ© est foutue. Et sans doute va-t-elle vers son agonie. Mais cet animal… Ce gentil animal n’y est pour rien. J’ai l’impression qu’il vient d’un autre monde… Un endroit plus Ă mĂŞme d’accueillir la vie. Épargnez-le… Laissez-moi trouver un moyen de le ramener chez lui… Ou aidez-moi Ă l’y renvoyer, mĂŞme… Je vous en prie… Non, je vous en supplie. Si vous faites cela, je vous aiderai Ă faire votre vendetta contre l’humanitĂ©. Je n’attends pas la rĂ©ponse de mon interlocutrice. Je sens qu’elle pourrait nous faucher comme toute rĂ©ponse… Je dĂ©cide alors d’utiliser le temps de sa rĂ©flexion pour commencer mes analyses. Champ Ă©lectromagnĂ©tique, champ quantique, rayons X… Tout y passe, vraiment tout… Je dois trouver oĂą se trouve le passage qui a menĂ© cette petite bĂŞte jusqu’à notre monde. Je trouve des fragments d’énergie rĂ©miniscents un peu partout autour de nous. C’est comme si l’énergie qui avait emmenĂ© le chien ici avait explosĂ© pour se ficher dans les murs, le sol et les panneaux publicitaires… Je ne peux pas y faire grand-chose. J’ai des Ă©quipements de haute technologie, mais rien qui ne me permettrait d’accomplir un miracle comme celui de manipuler et rassembler de l’énergie. J’ignore mĂŞme si qui que ce soit dans ce monde le pourrait. Puis, une rĂ©flexion me vient. Et si cet ĂŞtre qui est Ă mes cĂ´tĂ©s avait le pouvoir qu’il me semble ĂŞtre requis pour cette opĂ©ration ? Et si notre rencontre n’était pas fortuite ? Mais simplement le destin qui a voulu que cet animal ait une ultime chance ? — Madame, accepteriez-vous de nous aider ? Je vois de l’énergie dissĂ©minĂ©e partout autour de nous… Avez-vous le pouvoir de la rassembler ?
Une vengeance contre l'humanitĂ©... Cette idĂ©e ne m'avait jamais effleurĂ©e, mais elle me sĂ©duit. Si j'arrivais Ă l'accomplir, ma DĂ©esse comprendrait qu'elle n'aurait pas du me laisser sur le cĂ´tĂ©. Depuis que je ne peux plus faucher, je ne peux plus rejoindre le royaume des Morts, et je disparais peu Ă peu de sa mĂ©moire. BientĂ´t, elle aura oubliĂ© jusqu'Ă mon nom et alors... je cesserai d'exister. Ni morte, ni vivante, simplement inexistante. Sans jamais revoir la personne qui compte le plus pour moi. Cette idĂ©e n'est pas envisageable. Alors si je dois juste sauver ce chien pour atteindre mes objectifs... Je suppose que c'est un pari Ă prendre. Mais je veux m'assurer de ses intentions avant de commencer quoi que ce soit. Alors je dis : — Qu'est ce qui me dit que tu es sincère et que tu ne cherches pas Ă m'entourlouper ? J'ai besoin d'une preuve. Elle hĂ©site. Et elle demande : — Quelle est cette preuve ? Un sourire macabre apparaĂ®t sur mon visage. Si elle demande, c'est qu'elle est prĂŞte Ă le faire. Je lui rĂ©pond : — La signature d'un contrat. Par le sang. Es tu prĂŞte Ă le faire ? Elle ne sait pas. Mais dans ses yeux brillent une Ă©trange lueur. Elle me tend son doigt. J'apprĂ©cie le geste. La suite des Ă©vènements risque d'ĂŞtre très intĂ©ressante.
La femme fait apparaĂ®tre de nulle part un parchemin dans sa main gauche. Tendant sa faux vers mon doigt, elle me l’entaille juste assez pour que je puisse apposer une goutte de sang sur le contrat. Je ne prends mĂŞme pas le temps de le lire. La sauvegarde de cette petite Ă©tincelle de vie me semble plus important que tout. Une fois cela fait, elle fait disparaĂ®tre le parchemin et semble concentrer un quelconque pouvoir. Mon Ĺ“il cybernĂ©tique parvient Ă voir ce qu’elle fait, sans arriver Ă comprendre comment cela est ne serait-ce que possible. Cela provoque une multitude de bugs dans mon affichage optique. Les particules Ă©nergĂ©tiques se rassemblent dans la main de la Faucheuse, crĂ©ant une boule incandescente orangĂ©e. Lorsqu’elle le projette contre un mur, un portail s’ouvre… Microscopique, bien trop petit pour me permettre de m’échapper. Mais pour le chien en revanche… Il saute hors de mes bras et court en jappant jusqu’au passage. Avant de le franchir, il se tourne vers moi et nous regarde tour Ă tour. Son regard semble nous remercier, puis il hoche la tĂŞte et traverse le portail qui se referme derrière lui. — J’ai tenu mon engagement, mortelle. Ă€ ton tour, maintenant. — Très bien… Elle a raison, je dois tenir mon propre engagement, dĂ©sormais. Je manipule mon bras, qui s’ouvre littĂ©ralement en deux. Personne ne peut corrompre ces circuits-là … Personne Ă part sans doute cet ĂŞtre surnaturel qui me fait face. Et comme tous les humains sont liĂ©s par notre cybernĂ©tique, la Faucheuse peut nous pousser Ă tous nous entretuer. DĂ©clencher une guerre terrible.
Elle s'apprĂŞte Ă effectuer le geste qui sera fatal pour toute l'humanitĂ©. Je la regarde toucher Ă ses branchements dĂ©moniaques. Je devrais ĂŞtre heureuse de ce qui va se produire. Je devrais. Et pourtant... Pourtant, je ne profite autant du moment que je ne le voudrais. Tout est trop simple. Trop rapide. Je ne veux pas de ce genre de victoire. Je veux qu'on se souvienne de moi. Alors, je la stoppe d'un geste. J'ai une idĂ©e. Elle me regarde, le visage interrogatif. Je lui explique : — Cette victoire serait trop aisĂ©e. Et absolument pas amusante. Je veux que les gens se souviennent de moi, du temps oĂą ma rĂ©putation n'Ă©tait plus Ă faire. Et cette façon de faire ne me correspond pas. Tu as signĂ© un contrat, mais je prĂ©fère le savoir. Est tu prĂŞte Ă tout faire pour m'aider Ă atteindre mon but ? Son regard brille toujours d'une drĂ´le de lueur. RĂ©signĂ©e, dĂ©terminĂ©e ou simplement neutre, je ne saurais la reconnaĂ®tre. Mais une chose est sĂ»re, elle ne doute plus. Elle a acceptĂ© son sort. Je souris. L'avenir s'annonce bien plus radieux que prĂ©vu. BientĂ´t, mĂŞme la Mort regrettera de m'avoir dĂ©laissĂ©e. Et je retournerai au royaume des morts. Je reverrai la personne qui hante mes pensĂ©es. Ce n'est plus qu'une question de temps. Et ce temps sera occupĂ©. Une course de longue haleine nous attend. Mais pour l'heure, tout est calme. Trop calme peut-ĂŞtre. Certains diraient que c'est le calme avant la tempĂŞte. Et quelle tempĂŞte...Rien ne m'arrĂŞtera. Mais tout cela sera pour plus tard. Pour l’instant, je laisserai la paix rĂ©gner. Car dans certaines circonstances... Oui, je crois que je peux le dire...
La paix peut ĂŞtre pratique quand mĂŞme. Cette histoire fait partie d'un tout plus grand !
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