Un nouveau jour se leva sur l’animalerie. Mais ce jour n’était pas comme les autres. Lorsqu’il se réveilla, il vit que tout n’était pas normal. Ou plutôt, il ne vit pas. Il, c’était ce chat, qui avait connu tellement de foyers qu’il n’espérait plus rien de la vie. Il n’avait même pas de nom.

Mais ce jour là, rien n’était normal. Il avait de nombreux défauts… Mais aucune cécité. Et ce matin là… Il ne voyait rien. La lumière avait été éteinte. Il était incapable de distinguer quoi que ce soit. Il ne s’en inquiéta pas. Il comprit très vite que l’animalerie avait simplement atterri dans un nouveau monde. Encore.

Il aurait pu rester là, à attendre que la nuit tombe, que l’animalerie change encore une fois d’endroit… Mais quelque chose retint son attention. Une mélodie. Une simple mélodie. Mais elle était si envoûtante, si entraînante… Qu’il se laissa guider par son son si incroyable pour en trouver la source.

Il alla ainsi, se déplaçant dans ce qui lui semblait être une ville, évoluant de rue en avenue, de pavés en gravier, d’avenues ensoleillées en recoins sombres… Jusqu’à trouver l’origine de ce son. Un violon. S’il n’avait pas réussi à reconnaître l’instrument jusqu’à maintenant… Cette fois, il en était sûr, il s’agissait d’un violon. Un violon qui semblait… enchanté. Il ignorait qui tenait l’archet, ou même s’il y avait un musicien, mais il en était sûr, cette mélodie ne pouvait être qu’une parmi tant d’autres. Elle avait quelque chose de spécial, de vraiment spécial.

Reste ici, et Ă©coute ta vie.

Il sursauta, du moins comme pouvait en être capable un chat. Il avait entendu une voix, une phrase… Sans l’entendre. Comme si elle venait du plus profond de sa vie… ou du plus profond de la musique. Il ne comprit ce que signifiait cette phrase. Ecouter sa vie, c’était tout simplement impossible…

Reste ici, et Ă©coute ta vie.

La même phrase se répéta, avec la même profondeur mystique. Il ne savait pas ce que cela signifiait, mais il comprit une chose : si elle s’adressait à lui, c’était qu’il s’agissait de quelque chose d’important. Alors, il se coucha, et, bercé dans cette obscurité si fantastique, il se laissa emporter par la musique. Et il comprit.

Lorsqu’il écoutait cette musique, c’est toute sa vie qui s’écoulait devant lui. De son premier instant à celui présent, et même à celui d’après… Ses différents foyers, ses craintes de ne jamais trouver un lieu pour lui, un foyer, un accueil… Et puis son désespoir de vivre une vie heureuse, de sortir pour de bon de cette animalerie. Et au fur et à mesure qu’il se laissait emporter par la musique, il avait l’impression de le trouver, cet endroit dont il avait toujours rêvé, cet endroit fait pour lui. Ces notes qui s’enchaînaient… C’était comme si elles avaient été écrites rien que pour lui. Et pour la première fois depuis longtemps, il se sentit bien, vraiment bien, et heureux.

Il ne sut déterminer avec précision combien de temps il passa à écouter cette musique ensorcelante. Mais, à un certain moment, l’intensité diminua, de plus en plus, pour ne devenir qu’un murmure, un souffle… Et puis plus rien. Il rentra alors, sans vraiment savoir comment. Il retrouva son chemin sans vraiment y faire attention, toujours dans ses pensées avec cette musique.

Lorsqu’il pénétra dans son animalerie, il ressentit pour la première fois depuis très longtemps une émotion bien particulière… De l’espoir. Lorsqu’il ferma les yeux pour s’endormir, il croyait de nouveau en la possibilité de retrouver ce sentiment de sécurité, de bonheur qu’il avait ressenti avec cette musique. Il voulait y croire, alors il y croirait. Il s’engouffra alors doucement au pays des songes. La nuit tomba sur l’animalerie silencieuse.