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Eskiss![]() Spectacles![]() La vie du chat
![]() ![]() Un nouveau jour se leva sur l’animalerie. Ses pensionnaires commencèrent à s’agiter, d’abord avec langueur, puis de plus en plus énergiquement. Des aboiements, miaulement, pépiements en tout genre envahirent rapidement l’espace quand la porte de l’arrière-boutique s’ouvrit, signalant l’arrivée du propriétaire – et du petit-déjeuner. Le vieil homme aux tempes dégarnies s’affaira un moment, distribuant consciencieusement graines et croquettes à chacun, remplissant avec soin les fontaines à eau. Puis il bailla largement, se frotta les yeux et grimpa l’escalier menant à son bureau en grommelant dans sa barbe.
Un grincement se fit entendre et une porte s’ouvrit. Un chat sortit de sa cage en s’étirant paresseusement, un peu étonné de cette liberté nouvelle. Pourquoi ce jour-là pouvait-il se promener alors que les autres il devait les passer dans son réduit sombre à grignoter son herbe fadasse ? Le matou écaille-de-tortue l’ignorait – et s’en fichait, à vrai dire. D’un mouvement souple, il bondit sur une table puis, de là, par la fenêtre.
Dehors, tout était sombre et froid. De gros flocons mouillés tombaient paresseusement du ciel, lui faisant un tapis moelleux mais gelé qui le fit frissonner quand il y posa les pattes. Il s’aventura un peu plus en avant, manqua de trébucher en descendant du trottoir et, ses moustaches frémissantes, s’élança vers
CRIIIIIIIIIIIIIIIISSSSSSSSSSS
Aouch. Il l’a pas raté là. Adieu petit chat – et bonjour les travaux de peinture sur la camionnette blanche qui vient de l’écraser. L’homme qui en sort en se grattant la tête d’un air perplexe a encore les yeux bouffis de sommeil. Quelle idée aussi de rouler aussi vite dans une rue comme ça ? Enfin, c’est pas comme si c’était mon problème…oh. IL est là.
Un petit homme à la face congestionné, suant, les mots se bousculant dans sa bouche, se ruait à grandes enjambées sur le malheureux propriétaire de l’assassin véhicule : « Mais qu’est-ce que t’as foutu, malheureux crétin ? Mon chat ! T’as tué mon chat ! » Son vis-à-vis recula lentement, décontenancé par l’agressivité du rougeaud personnage. Celui-ci leva la tête et hurla : « Et toi le Narrateur, je t’entends. Rappelle-toi que c’est moi qui paie ton salaire, alors tes commentaires sur moi, on s’en passera. Contente-toi de décrire ! Sinon… je te renvoie aux rayons de la bibliothèque rose. »
Horreur, damnation. L’outrecuidant osait me menacer…et il avait raison. Je n’avais aucune envie de retourner dans ces ouvrages où j’avais failli mourir d’un diabète malgré une cure drastique à base de concombres et de pommes. Reprenons donc. Là-bas, le pauvre hère ayant déclenché la colère de mon irrasc…charmant employeur essayait tant bien que mal de comprendre ce qui lui arrivait.
« Mon chat. Avait. Un. Rôle. Ok ? — Euh... c’est-à-dire Monsieur… quel rôle ? parvint à bégayer l’infortuné. — Je suis l’Auteur. Je lui avais prévu une histoire sympa, un truc pour enfant, style la Belle et le Clochard tu vois ? J’avais tout prévu, le décor, les rencontres, TOUT ! Et toi tu arrives et tu me l’écrases au troisième paragraphe ! » Les yeux de sa victime s’écarquillèrent tout rond : « Vous êtes... l’Auteur ? De cette histoire ? Mais alors… » Il se tordit les mains, marque manifestement chez lui d’une intense réflexion et reprit : « Mais alors... vous pouvez le... ressusciter non ? Ou revenir dans le temps ? Ou… pourriez pas me ramener ma Jacqueline ? Ça fait deux ans qu’elle est partie chercher des cigarettes, je commence à m’inquiét… — Ca marche pas comme ça, le bas du plafond ! T’as jamais entendu parler de « plausibilité » ? De « suspension consentie de l’incrédulité » ? Moi je suis dans le registre réaliste, je peux pas juste ressusciter ce tas de poils en claquant des doigts ! Il est mort, je peux RIEN faire ! » Il s’interrompit un instant pour reprendre son souffle et commença à se masser les tempes tout en marmonnant puis releva la tête, l’air décidé, et apostropha son vis-à-vis : « Bon, tu sais quoi ? Je veux bien passer l’éponge dessus si tu me ramènes un chat dans cette animalerie d’ici… ce midi. T’as donc quatre heures. Tu fais ce que tu veux, tu vas voir un marabout, tu pries la Vierge, je m’en fous, MAIS JE VEUX UN CHAT DANS CETTE ANIMALERIE A MIDI ! » Et il disparut d’un pas rageur.
Le conducteur resta interdit quelques secondes, marmonna un « Et Jacqueline alors ? » puis retourna d’un pas lourd près du chat et [bruit de pas précipités. Une porte claque. Quelques minutes passent. Le robinet coule et la porte s’ouvre à nouveau> Pitié qu’il s’éloigne, je veux pas regarder à nouveau, j’ai plus rien dans l’estomac de toute façon... Ouf. Il remonta dans son véhicule, l’air désemparé. Il avait manifestement compris que, malgré tous ses efforts, il ne parviendrait à rien pour ranimer le …bref. Cinq minutes passèrent. Dix. Il semblait incapable de prendre une décision, son regard bovin fixé sur les tâches rouges sur son capot. Il s’ébroua et sortit de la cabine avec un chiffon pour s’acharner jusqu’à les faire disparaître. Il se permit un sourire et grimaça quand il constata qu’il ne pourrait pas en faire autant pour son pare-chocs. Puis soupira et leva la tête : « Euh… il a parlé de Narrateur… tu pourrais pas m’aider toi ? »
Finalement il est peut-être bien aussi obtus que le pensait mon employeur. Je suis le Narrateur, je ne peux que décrire, rien inventer ! Et encore moins intervenir directement. Navrant. J’espère qu’il va trouver une solution…. Pas sûr que je sois payé si l’Auteur n’écrit pas le texte convenu… Là-bas, Robert – un nom qui ma foi lui collait bien – continuait à regarder le ciel d’un air désespéré. Finalement il se ravisa, comprenant – enfin ! – qu’il ne pouvait que se fier à lui-même. Soudain, son regard s’illumina : « Il a dit un chat ! Il a pas précisé « ce chat » ! Suffit que je trouve un chat ! ». Pas si bête que ça finalement le bougre… Et il grimpa avec vivacité dans sa camionnette, esquiva d’un grand coup de volant les restes de sa victime et s’engouffra à toute trombe sur l’avenue adjacente.
Après dix minutes à faire hurler son moteur, il se gara sur le parking d’une SPA, sauta hors de sa cabine et se dirigea en sifflotant vers le bâtiment. Il en ressortit vingt minutes plus tard, trimballant à la main une petite cage en plastique d’où provenait des miaulements désespérés. Il la jeta sur le siège passager, enclencha la seconde et redémarra sur les chapeaux de roues. Un quart d’heure lui suffit à regagner l’animalerie, à s’y engouffrer et à poser le plus discrètement possible son passager clandestin dans un coin, puis il repartit dans un vrombissement.
Un nouveau chat sur les lieux, ça veut dire qu’on va pouvoir reprendre l’écriture demain. Pas mécontent de finir plus tôt, allez hop, ce soir en plus sur Arte ils passent [la porte se referme, étouffant le bruit de voix. Puis elle se réouvre> Mes clés, mes clés... Voilà. Tiens, c’est quoi ce papier… ah ! Oui ! C’est vrai ! La phrase finale, j’ai failli l’oublier, suis-je bête. Ahum… alors…
La nuit tomba sur l’animalerie silencieuse Cette histoire fait partie d'un tout plus grand ! |