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EesiaEskiss![]() Spectacles![]() Academy Universe - nouveau lore
![]() ![]() Monde brisé(par Eesia et Eskiss)Noir. Une abomination insondable, des abîmes de ténèbres, un monde qui se déchire. Un cri. La douleur, qui monte, me brûle, un flot qui me propulse dans des affres plus atroces encore, mal, si mal, mon bras, mon…. bras !
Je me réveille en sursaut, me rends compte d’un poids sur moi. Je panique, me débats avant de finir par réaliser que je me bats contre mon drap. Je le repousse et me redresse doucement. Je tremble, mes vêtements trempés de sueur collent à ma peau. Le lit grince malgré mes efforts pour me lever sans bruit. Je traverse le dortoir silencieux et entre dans les sanitaires. La lumière crue me blesse les yeux, je les plisse le temps de les laisser s’adapter. L’eau coule, doucement, je regarde l’évier se remplir avec fascination, puis me décide à en prendre au creux de la main et me la passer sur le visage. D’un geste vif, je me débarrasse de mon haut et m’asperge le torse. Mes doigts tentent machinalement de se poser sur mon bras gauche, d’en effleurer la peau et ne rencontrent que le vide. Je frémis. M’y habituerai-je un jour ?
La lune pleine et ronde attire mon regard par la fenêtre et je me décide à sortir. Je sais que je ne parviendrais pas à me rendormir. Après un détour pour récupérer une chemise et un manteau plus chaud, je sors discrètement par la porte, regrettant l’espace d’un instant de ne pas disposer des pouvoirs de certains de mes compagnons de dortoir - me changer en chauve-souris ou me déplacer instantanément pourrait s’avérer utile en de telles circonstances. Il fait frais dehors, une brise légère parcourt les abords de l’Académie. J’hume l’air avec délectation ; cent fragrances délicates, chèvrefeuilles, violettes, jasmins, s’invitent dans mes narines. La beauté de ce monde ne cesse de me surprendre, tout comme les magies qui l’habitent. J’espère ne jamais m’en lasser. Mes pas me mènent jusqu’à un petit banc en pierre, posé sous un chêne à l’imposante ramure. Je m’assois, contemple le panorama. Face à moi, une montagne, colosse d’argent et de vert paré, ses neiges étincelantes au sommet sous les pâles rayons de la lune. Et d’un coup, le noir. Je frissonne, lève la tête. Un nuage vient obscurcir le ciel, éteignant toute lumière. Me frappe alors un souvenir, celui d’une nuit lumineuse devenue noirceur insondable. Une montagne brisée, une ombre vicieuse, des étoiles dévorées. Notre première rencontre.
Une pierre posée devant moi, je me force à me concentrer malgré le sommeil qui persiste à vouloir m’envahir. Plus de trois mois que je cherche à en comprendre la nature, et je sens que je vais y parvenir. Je ne ressens même plus le besoin de la toucher, je la sens entre mes doigts, rugueuse, ses aspérités, sa dureté. Son goût sur ma langue. Son odeur, minérale. Il faut que j’y parvienne. Je veux pouvoir arborer mon premier tatouage pour mes douze ans, leur prouver ma valeur. Intégrer les rangs des Eclaireurs, aller de monde en monde pour sauvegarder les savoirs et les gens de mon peuple. Mon rêve depuis mes dix ans. La nuit scintille de mille étoiles, la lune ronde veille sur moi. Je me sens calme, serein. La brise glaciale qui descend depuis la montagne dans laquelle notre vallée se niche me fait à peine trembler. Encore un peu, quelques minutes. Mes tempes luisent de sueur sous la concentration, mon cœur bat la chamade, le sang à mes temps, des coups sourds qui me font vibrer jusqu’au creux de l’âme, de plus en plus fort. Et soudain, la révélation, un monde infini qui s’ouvre devant moi, je tends la main et je SAISIS la pierre, son essence, son être... son Nom. J’explose de joie, me lève pour aller annoncer la nouvelle à mes parents. Me fige. Le martèlement se poursuit. Pas ma tête donc… mais quoi ? S’y mêle un crissement, long, strident et soudain une cloche sonne.
Le village s’anime tout Ă coup, les gens s’interpellent, des portes claquent. Je reste immobile, peinant Ă reprendre mes esprits. Une main puissante se pose sur mon Ă©paule, me pousse dans la direction de la place centrale : “Rejoins les autres, Eskiss. Il faut qu’on parte.” Je me retourne, regarde RafaĂ«l, un des Tatoueurs. Je balbutie : “Pourquoi… je ne comprends pas ce qu’il se passe… Mes parents, ma sĹ“ur, ils… — Va sur la place, tu les retrouveras lĂ -bas. Il faut que tout le monde puisse Ă©vacuer avant qu’Il arrive. Allez, dĂ©pĂŞche-toi.” Et sans un regard en arrière, il s’éloigne rapidement. J’obtempère, accĂ©lĂ©rant au fur et Ă mesure que je me rends compte que sous l’air calme des villageois, la panique affleure. Je me surprends Ă frissonner, la sensation qu’un regard hostile et profondĂ©ment rĂ©pugnant m’observe. Je presse encore plus le pas pour y Ă©chapper, ferme mes oreilles au rythme qui Ă©branle la vallĂ©e. Un nouveau crissement, une femme qui prend son enfant dans ses bras et commence Ă courir. Il pleure, sa petite remorque en bois peint gisant sur le pavĂ©. La sensation se fait insistante alors, n’y tenant plus, je me retourne. Et la montagne se fend en mille morceaux.
Le ciel se fragmente, cristal brisé, tableau saccagée, un groupe d’étoiles disparaît, avalé par quelque chose, le monde hurle de douleur et j’hurle avec lui, mon cœur écrasé par la pression de ce que je ressens derrière le mur, derrière la fine barrière de la réalité qui tient encore bon, à l’agonie. Nouveau coup de boutoir, les lézardes s’agrandissent, les trous se multiplient, mon corps se tend, j’essaie tant bien que mal de reprendre l’ascendant sur mes jambes, fuir, loin, le plus loin possible. Ne pas me retourner. Impossible. Je reste pétrifié, ébloui par la noirceur totale de ce qui se cache derrière. Soudain le silence reprend ses droits, vite couvert par les cris de panique et les bruits de fuite. J’entends une cavalcade derrière moi, des bras puissants me prennent et m’emportent, je pleure et à travers mes larmes, je vois le ciel voler en mille éclats scintillants, remplacé par une créature de cauchemar. Non., LE cauchemar, celui qu’ils font tous, Papa, Maman, les anciens, Pieter le fou qui erre la nuit, les larmes sur son visage ravagé, sa famille disparue... un, dix, mille tentacules abominables de noirceur, huileux, visqueux, un goût de pourriture dans ma bouche… le Dévoreur. Je ferme les yeux, fort, priant pour que cette vision disparaisse, que je puisse l’oublier. Sachant pertinemment qu’elle restera gravée dans mon âme et dans mes nuits.
« Tes pensées semblent être palpitantes. Tu sais que fixer cette montagne indéfiniment ne t’aidera pas à la gravir ? » Je sursaute et me retourne avec vivacité. Ma main se pose sur ma cuisse gauche, au contact de la peau, prête à activer le Mot gravé dans ma chair. Un sourire se dessine sur ses lèvres fines et ses yeux d’ambre rouge croisent les miens. Je me détends. Sannah. Chevelure de feu, tenue toujours élégante, démarche dansante. Son regard sur ma nuque en classe, sans que je puisse jamais l’y surprendre directement. Même là , elle semble hésitante malgré ses efforts pour ne rien laisser paraître. Comme si elle attendait quelque chose de moi… quoi ? Elle s’approche d’un pas flâneur. Lent. Irrésistible. Son sourire s’agrandit quand elle s’aperçoit que je la contemple et je m’empourpre. Son odeur… Je frémis. Un souvenir flou, déformé. L’impression de la connaître. Déjà croisée, dans un monde ou un autre ? Impossible. Et pourtant ? « Puis-je me joindre à ta réflexion nocturne ? Pour une fois que je ne n’erre pas seule... » J'acquiesce sans un mot. On reste silencieux pendant quelques minutes et je sens les dernières bribes de mon cauchemar se dissiper. Elle tourne la tête vers moi, esquisse une moue. J’inspire. Léger. Et je m’enivre de ses yeux, de son sourire et de la douceur de la nuit. Cette histoire fait partie d'un tout plus grand !
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