Atchoum
(par Ellumyne)(Thème : DĂ©fi de Sourne et Awoken)
L'herbe haute et dense formait un épais et confortable tapis sous moi. J'avais presque honte d'en écraser les brins d'un vert tendre, mais l'envie de faire une sieste à l'ombre d'un grand chêne avait été la plus forte. Dans quelques minutes sonnerait l'heure de la rentrée, et j'irai rejoindre mes camarades dans la salle de classe, au cœur de l'Académie. J'avais hâte de tous les rencontrer, mais en même temps, les doux rayons du soleil filtrant à travers le feuillage de l'arbre ainsi que la légère brise qui caressait mes longs cheveux noirs ne m'encourageaient pas à quitter cet îlot de quiétude. Il le fallait pourtant, sinon je risquais d'arriver en retard. Je me redressai et consultai l’heure sur ma montre. Dix minutes, c’était amplement suffisant pour redescendre de cette petite butte.
Ma besace, toute aplatie après m'avoir servi d'oreiller, reprit sa forme habituelle lorsque je la tapotais pour en enlever la végétation accrochée. Passant la bandoulière autour de mon cou, je m'apprêtais à rejoindre l'édifice principal, quand tout à coup, le murmure du vent dans les feuilles se fit plus puissant, apportant avec lui un tourbillon de poussière. Je plissai les yeux tandis que mes narines frémirent de mécontentement.
— Oh non, ça ne va pas recommenc...aaahh TCHAAA !
Mon chapeau à larges bords fut éjecté de ma tête par la puissance de l’éternuement. Un fourmillement parcourut la peau de tout mon corps, lorsqu'un poil couleur noisette poussa à la vitesse de l’éclair, la recouvrant intégralement. Les ongles de mes doigts s'allongèrent soudainement, avant de fusionner en un bloc compact. Mon cou s’étira et s'épaissit tandis que mon nez s'éloignait de plus en plus de mes yeux. Je basculai en avant, emportée par le poids de mon propre corps, et atterris sur mes mains. Ou plutôt… mes sabots ?
— Hiiiii ! hennissai-je dans un mélange de colère et de frustration, en secouant ma longue crinière d’un noir de jais.
Une porte en bois vermoulu menant à une pièce sombre. Des volutes de fumée provenant de bâtons d’encens. Des symboles dessinés au sol. Une jeune femme habillée de noir, dont seuls les longs cheveux argentés dépassaient de sa capuche. Une litanie, douce et envoutante. Tout ceci n'avait aucun sens pour moi. Plus j'essayais de me concentrer sur cette vision, plus les images filaient entre mes doigts. Tout ce dont je me souvenais, c'était qu'après avoir fait ce rêve pour la première fois la semaine dernière, une sorte de malédiction m'était tombée dessus. Chaque éternuement me faisait changer d'état. Cheval, humaine, parfois, je ne savais plus trop qui j’étais réellement. Et seule l'Académie pouvait m'aider à trouver des réponses à mes questions. Mais là , tout de suite, ce n'était pas le moment de penser à ça et je frappai le sol du sabot.
Mon couvre-chef en paille oscillait au sol, menaçant de s’envoler à la moindre bourrasque. Le saisissant du bout des lèvres, je le jetai en l’air et il retomba miraculeusement sur le haut de mon crâne. Dressant mes oreilles pointues pour le maintenir en place, je relevai la tête et observai les alentours.
— Hiiiii ! tonitruai-je en direction du bâtiment pour prévenir mes camarades de ma présence.
Une cloche sonna au loin, annonçant le début des cours. J'allais vraiment être en retard. Je bondis en avant, pressée de rejoindre les autres. Mauvaise idée. Dans ma précipitation, je m'emmêlai les pinceaux et c'est à contre-cœur que je fus obligée de m'arrêter. Marcher avec quatre pattes n'était pas une mince affaire pour qui n'avait pas l'habitude. Allez, un sabot après l'autre.
Un cahier, secoué de toutes parts par mon agitation, se fraya un chemin vers la liberté, hors de ma besace, et chuta au sol. Il ne manquait plus que ça… Je l'attrapai à pleines dents, arrachant une haute touffe d'herbe par la même occasion. Mmhhh, pas mauvais. Je humai l'air tout en mâchouillant le cahier qui s'imbiba de salive, scellant définitivement son destin. Le cours ! Reprenant mes esprits, je me mis à trotter vers les derniers retardataires, de plus en plus vite à mesure que je prenais confiance en moi.
Un brin d'herbe dans ma bouche se trémoussait au gré de mes enjambées, chatouillant dangereusement l'un de mes naseaux dilatés par l'effort. Je secouai vivement la tête pour m'en débarrasser, mais celui-ci étant prisonnier entre une molaire et une couverture gondolée, ce fut un échec. Pressée d'arriver à destination, j'inspirai une grande goulée d'air frais, et le brin d'herbe en profita pour venir se planter dans ma cavité nasale.
— HiiiitchoUUUM !
Un caillou me fit trébucher. A moins que ce ne soit ma retransformation en humaine ? Toujours est-il que je fis un roulé-boulé au sol, lâchant mon sac dont le contenu se répandit tout autour de moi. Je ramassai mes affaires en vitesse, et c’est rouge de honte, que je pénétrai enfin dans l'Académie. Difficile de faire pire comme rentrée scolaire… Courant dans le hall principal, j’aperçus au loin l'éclat d'un dragon portant un sweet rouge qui maintenait une porte ouverte. Ouf, le cours n’avait pas encore commencé.
Cette histoire fait partie d'un tout plus grand !