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Ellumyne![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Le cours du vendredi soir(par Ellumyne)Le brouhaha montait crescendo dans le couloir empli d'élèves surexcités. Il s'agissait de leur dernière heure de cours avant le week-end et ils trépignaient d'impatience à l'idée de passer deux jours à s'amuser. L'arrivée de leur professeur ne sembla pas les calmer, bien au contraire. Et c'est aussi bruyant qu'un troupeau d'éléphants, qu'ils entrèrent en classe.
— Du calme, du calme les enfants. Sortez vos affaires. Matthieu, retourne-toi s'il te plaît, le tableau est de ce côté.
— Ouais, mais m'sieur, c'est la fin de la semaine. On veut pas travailler, nous ! s'exclama un élève au fond de la salle.
— "On ne veut pas travailler", n'oubliez pas la négation Edgard, le reprit M. Duchêne.
— Il a raison, on est fatigués... gémit une jeune fille.
La tension monta encore d'un cran et une boulette de papier atterrit sur le bureau du professeur tout aussi épuisé que ses élèves.
— Ça suffit tout le monde ! Puisque personne ne veut étudier, alors ce sera une dictée surprise. Sortez une feuille.
— Mais ! s’étrangla à moitié un élève.
— Je ne veux rien entendre ! Commençons. Il s'agit d'un texte de Guy de Maupassant : "Il n'est point besoin de vocabulaire..."
— Vous allez trop vite, M’sieur, on n'arrive pas à suivre.
— Chuuuut. Je reprends : "Il n'est point besoin de vocabulaire bizarre, compliqué, nombreux et chinois..."
Un élève au deuxième rang semblait faire preuve d'une concentration extrême. Appuyant avec force sur son stylo à bille au risque de transpercer sa feuille, il s'appliquait à écrire chaque lettre de manière lisible. Le jeune Hugo savait que son orthographe n'était pas exceptionnelle et comptait bien obtenir un point supplémentaire pour la présentation.
— "... nombreux et chinois, pour fixer toutes les nuances de la pensée", continua le professeur d'une voix lente, en insistant sur chaque syllabe.
— Ça veut rien dire vot' truc, là , ronchonna un garçon.
— Les auteurs que je vous présente ne vous paraissent tout de même pas si amphigouriques que cela, si ?
— Maupassant était une grenouille ? demanda naïvement une petite brune au premier rang.
— Pardon ? Mais non... ce n'était pas un amphibien...
— Vous voyez m'sieur ? Même la meilleure de la classe comprend pas vot' cours !
— Reprenons. "Mais il faut discerner...".
— Ça je connais. C'est comme la semaine dernière, quand on m'a discerné un prix à la fin du tournoi de basket !
— Je... Non, Guillaume.
— Si ! J'ai eu un prix ! Même que je l'ai posé sur ma table de nuit !
— Oui... mais... on décerne un prix. Et on discerne deux choses. Bon, "discerner avec une extrême lucidité"...
— Thé ! s'exclama une voix aiguë au fond de la salle.
M. Duchêne s'arrêta, coupé au milieu de sa phrase, et chercha l'élève qui l'avait interrompu. Son regard tomba sur une fille aux cheveux d'un blond peroxydé méchés de rose bonbon, du plus mauvais goût.
— Vous disiez Lucie ?
— Bah rien. Vous avez dit "Lucie, dit thé", alors je dis "thé".
Des rires plus ou moins discrets traversèrent la salle et le professeur se laissa choir de dépit sur sa chaise inconfortable. Se prenant la tête entre les mains, il tenta de faire passer un mal de tête qui pointait le bout de son nez.
— Monsieur ? Monsieur, ça va ? s'enquit Hugo.
— Hum, oui. Merci.
Ce jeune garçon était prometteur. Malgré les difficultés liées à sa dyslexie, il faisait preuve d'une ténacité inégalée. Jamais M. Duchêne n'avait eu un élève aussi opiniâtre, aussi travailleur, et aussi imperturbable malgré le manque de motivation de ses camarades.
— La dictée est terminée. C’est inutile de continuer, je ne tirerai rien de bon de vous ce soir.
— Piou ! Piou-piou !
— Maxime ! Que faites-vous ? Sortez de sous cette table et rasseyez-vous correctement je vous prie. Et vous me nettoierez ces boulettes de papier que vous avez lancé partout.
— Mais c’est pas moi m’sieur ! C’est Julien ! C’est lui qui a une sarbacane ! se récria Maxime en pointant du doigt un camarade de classe qui se défendait en présentant un sourire trop angélique pour être vrai.
— C’est vous que j’ai entendu faire piou-piou, Maxime !
— C’est pas « piou-piou », là , on dirait un oisillon qui réclame à manger. C’est « pfrrriouuuu- pfrrriouuuu », expliqua le jeune impertinent en mimant des tirs de lance-roquette. — Puisque personne ne souhaite travailler ce soir, vous me ferez ces exercices là , chez vous. Je les veux lundi matin à la première heure.
M. Duchêne écrivit une liste au tableau pendant que la colère des élèves grondait dans son dos. Mais il ne se laissa pas abattre et, la tête haute, continua de faire courir la craie blanche sur l’antique peinture verte. La cloche sonna soudainement, marquant la fin du cours.
— Monsieur, c’est quoi…
— Quoi encore ? s’exaspéra le professeur. Ah… Euh… Excuse-moi Hugo. Que voulais-tu ?
— Ce n’est rien monsieur. Je voulais juste savoir ce que vous aviez écrit entre l’exercice numéro 4 et le numéro 5.
— Oh, c’est juste une esperluette, les lettres « e » et « « t » qui sont attachées. Cela signifie juste que les deux exercices sont à faire. Tu as fait de gros progrès cette année. Je suis fier de toi.
— Merci monsieur. Passez un bon week-end !
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