L'Académie de Lu





Pas encore inscrit ? /


Lien d'invitation discord : https://discord.gg/5GEqPrwCEY


Tous les thèmes
Rechercher dans le texte ou le titre
Expression exacte
Rechercher par auteur
Rechercher par type de défi
Tous les textes


PseudoMot de passe

Mot de passe perdu ?

Vie et mort d'Ester

Les portails d'Ester


2° portail

(par Ellumyne)
(Thème : Ester)



Le portail me recracha sans mĂ©nagement dans un tourbillon de tĂ©nèbres. J'ouvris la bouche pour inhaler une goulĂ©e d'air frais, mais la refermai brutalement quand je sentis un liquide glacial se frayer un chemin dans ma gorge. De l'eau ! J'Ă©tais sous l'eau ! Incapable de respirer, les yeux Ă©carquillĂ©s pour essayer de me repĂ©rer, je battis des bras et des jambes. Il faisait sombre, mais quelques rayons de lumière dansaient devant mes yeux. Le choc me faisait-il perdre la raison ? Ou bien Ă©tait-ce la surface ? Reprenant courage, je me mis Ă  nager dans cette direction, malgrĂ© mes membres ankylosĂ©s. A mon grand soulagement, ma tĂŞte se retrouva Ă  l’air libre et j'observai les alentours, la respiration saccadĂ©e. Sur ma gauche, une cascade grondait le long d'une falaise escarpĂ©e. Les remous formaient un tapis d’écume blanchâtre tout autour de moi. Le bord n’était qu’à une dizaine de mètres de ma position et je me propulsai en avant, jusqu’à atteindre la terre ferme, oĂą je m'Ă©croulai sur l’herbe humide.

Ce portail ne m'avait pas amenée là où je l'aurais voulu... J'allais devoir en trouver un autre. Un grognement sourd retentit derrière moi, et je me redressai d'un bond, soudainement sur mes gardes. A l'orée de la forêt, un animal au pelage gris-acier, de la taille d'un renard, me fixait de ses yeux jaunes. Son museau, long et pointu, possédait de longues vibrisses bleutées. Le poil hérissé, il baissa la tête en grondant à nouveau. Manifestement, ma présence ne l'enchantait guère. Je me relevai et m’éloignai le long un sentier rocheux qui serpentait jusqu'en haut de la falaise, tout en continuant à faire face à l'animal pour éviter qu’il ne me prenne en chasse.

Je continuai mon escalade et, c'est le cœur battant la chamade et ruisselante de sueur, que j'arrivai en haut. Le chemin en terre battue longeait la rivière avant de bifurquer vers une petite cabane en bois. Je m'approchai et m'éclaircis la gorge avant de lancer un appel.

— HĂ© ho ! Il y a quelqu'un ?

Aucune rĂ©ponse. Je fis le tour de l'habitation avec curiositĂ©. Elle semblait bien entretenue et je souhaitais ardemment rencontrer son propriĂ©taire. Peut-ĂŞtre en sauraitil plus sur le portail ? Un petit coup d'Ĺ“il Ă  travers la fenĂŞtre ne pouvait pas faire de mal. Plaçant mes mains de part et d'autre de mes yeux, je plaquai mon nez contre la vitre dans l'espoir d'apercevoir quelque chose Ă  l'intĂ©rieur, mais il faisait trop sombre. NĂ©anmoins, j'entendais comme une espèce de vrombissement dont je n'arrivais pas Ă  dĂ©terminer l'origine. Je m'apprĂŞtais Ă  abandonner quand soudainement, une petite boule de poils violette heurta avec fracas la vitre Ă  l'endroit exact oĂą se trouvait mon visage quelques secondes auparavant. La gueule bĂ©ante, elle martela la cloison avec fureur, et c'est non sans effroi que j'aperçus une longue langue fourchue ondoyer entre une double rangĂ©e de petites dents pointues. La vision se troubla sous l'effet de l'important dĂ©pĂ´t de bave de la bĂŞte, mais je pouvais toujours entendre ses cris survoltĂ©s.

— Kriii ! Kriii !

— Mais qu'est-ce que c'est que ce truc ? murmurai-je en essayant de calmer les battements de mon cĹ“ur.

— Kriii ! Kr…

— La ferme Krirok ! Tu vois pas que je faisais une sieste ? tonna une voix excĂ©dĂ©e. Tu as encore bavĂ© partout, tu es infernal. Allez, dehors ! Ouste !

— Hey ! Je… Euh Monsieur, attendez ! criais-je pour attirer l'attention du bonhomme.

Je n'avais pas la moindre envie de rencontrer la créature de plus près. Trop tard. La porte d'entrée s'ouvrit à la volée et la boule de poils fonça sur moi, toutes dents dehors, à une vitesse stupéfiante compte tenu de la taille ridicule de ses ailes. Je reculai en hurlant, tout en essayant de me protéger avec mon bras, mais elle se faufila et termina sa course dans le creux de mon cou. Ma vie défila devant mes yeux et j'imaginais déjà le pire, quand une langue râpeuse me lécha la joue.

— Kriii ! Kriii ! fit la bestiole en se lovant contre moi.

— Ah, je vois que vous vous êtes fait un ami, marmonna le vieil homme.

— Euh… Oui, on dirait, répondis-je bêtement.

L'inconnu claudiqua jusqu'à un banc et s'assit en soupirant de douleur. Je m'empressai de le rejoindre, prête à le bombarder de questions. Mais il me devança.

— N'est-ce pas lĂ  une belle journĂ©e ? me demanda-t-il d'une voix fatiguĂ©e.

— Euh, si, probablement. En fait, je m'appelle Ester et je viens tout juste d'arriver… Par un portail dimensionnel. D'ailleurs…

— Enfin les beaux jours…

— Oui, oui, bien sûr, mais le portail, sous la cascade. Vous le connaissez sûrement, vous habitez juste à côté.

— Le portail, oui, le portail, murmura-t-il, perdu dans ses pensées.

— Oui ! Le portail ! Vous savez comment le rĂ©activer ? J'ai besoin de le rĂ©utiliser, pour rentrer chez moi. Vous comprenez ?

Tout en essayant de me dépêtrer avec la boule de poils volante qui me harcelait pour avoir des câlins, je fixais le vieil homme du regard, mais mon optimisme s’amenuisa au fur et à mesure de la conversation. Dans un dernier soubresaut de lucidité, il doucha ce qu'il me restait d'espoir.

— Il ne s'ouvre qu'une fois l’an, le premier jour du printemps, lorsque le soleil est au zénith.

— Qu… Quoi ? Non ! Il doit y avoir un moyen de le rĂ©ouvrir ! gĂ©mis-je abattue.

— Mmmh, fit l'homme, un sourire au coin des lèvres.

— Il y a un moyen, c'est ça ? Dites-moi lequel ! S'il vous plaĂ®t !

Il planta ses yeux vert émeraude dans les miens et m'expliqua la marche à suivre. L'entité féérique qui gardait le portail accepterait peut-être de le réouvrir si je lui faisais une offrande. Elle raffolait des baies de Combaras, mais ces dernières ne se trouvaient que dans une clairière magique, à une demi-journée de marche d’ici, et qui était hors de sa portée. Il me dessina un plan et je m’apprêtais à débuter mon périple quand une clameur résonna dans mon dos. Au loin, je vis un jeune homme bien bâti courir dans notre direction.

— Papy ! Papy ! C’est qui celle-lĂ  encore ?

— Mmh. Personne, voyons… bougonna le vieil homme dans sa barbe.

— Ça suffit maintenant ! Combien de fois faudra-t-il que je te rĂ©pète de ne pas embarquer les voyageurs perdus du portail dans tes histoires loufoques ! Je sais que notre habitation est isolĂ©e et que tu as tendance Ă  t’ennuyer, mais ce n’est pas une raison ! Qu’as-tu demandĂ© cette fois ci ? Une peau de Brigososaur ?

— J’ai froid la nuit… ronchonna l’aïeul.

— Des baies de Combaras, expliquai-je d’une voix fluette.

— Les tartes sont excell… maugréa l’ancien.

— Ça va, il aurait pu vous demander une coupe de lait de licorne !

— C’est bon pour mes rhumatismes…

— La pauvre fille de la dernière fois a fini embrochĂ©e ! J’en ai ma claque de creuser des tombes ! s’emporta le jeune homme.

Le visage rouge de colère, il se retourna vers moi et m’invita à le suive.

— Venez, je vais vous faire retraverser le portail. Oh, et faites attention au Krirok, une fois sa bave durcie, elle devient solide comme de la pierre. Papy est guérisseur et s’en sert pour faire des plâtres.

Il attrapa la créature dans ses bras et m’emmena en haut de la cascade avant de me faire entrer dans la rivière.

— Voilà, maintenant, sautez.

— Pardon ? rĂ©pliquai-je Ă©berluĂ©e. De cette hauteur, je vais me tuer !

— Mais non, considérez ça comme un saut de la foi. Vous ne risquez rien, le portail s’ouvrira de lui-même.

J’observai les remous quinze mètres plus bas d’un œil sceptique en me demandant s’il se moquait de moi.

— Kriii ! pleurnicha le Krirok en se dĂ©battant.

— HĂ©, reste-lĂ , toi ! cria le jeune homme en le lâchant.

La boule de poils me percuta de plein fouet, mettant un terme à mon hésitation. Je basculai dans le vide en faisant des moulinets ridicules avec les bras. La chute me parut interminable avant que je ne sois finalement aspirée par un vortex.










Cette histoire fait partie d'un tout plus grand !

























© 2021 • Conditions générales d'utilisationsMentions légalesHaut de page