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Ellumyne![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Une amie comme on les aime(par Ellumyne)Pourquoi faut-il toujours que je sois en retard ? Est— ce qu'un jour j'arriverais Ă ĂŞtre organisĂ©e et Ă partir de chez moi Ă l’heure ? Tu vas t’inquiĂ©ter, je le sais, je te connais trop bien. Comme si je t’avais faite, alors mĂŞme que tu as le triple de mon âge. Ça y est, je vois le bus arriver ! A toutes jambes, je cours pour l’attraper. Me pose enfin sur un siège dont le tissu effilochĂ© et râpĂ© par les annĂ©es, avait troquĂ© sa belle couleur d’antan pour un rose pâle et maladif. Jus de pomme dans une main, un petit garçon m’observait, assis sur les genoux de sa mère. J’ai reçu un message ce matin. Et bien Ă©videmment, j’en ai oubliĂ© la moitiĂ© du contenu. Me flagellant pour ma mĂ©moire dĂ©faillante, j’allume l’écran de mon tĂ©lĂ©phone et le lit Ă nouveau quand soudainement, s’élève quelques rangĂ©es plus loin, un… Cri ? — T’y crois Ă autant de maladresse ? Qu’est— ce qu’as encore foutu avec ta bouteille, hein, tu l’as renversĂ©e ? Constamment en train de faire des bĂŞtises cet abruti de mioche ! Je soupire face Ă l’incapacitĂ© de certains ĂŞtres humains Ă ĂŞtre de bons parents, avant de reprendre ma lecture. N’en dĂ©plaise Ă quelques vieux nostalgiques qui dĂ©plorent que les jeunes d’aujourd’hui sont scotchĂ©s Ă leur smartphone et passent Ă cĂ´tĂ© de belles rencontres comme ils avaient pu en faire jadis dans les transports. Peu, très peu pour moi. Plus que tout au monde, Ă cet instant prĂ©sent, je prĂ©fère rester seule plutĂ´t que de croiser le regard de cette marâtre qui se prend pour la maman de l’annĂ©e. De Madeleine, Ă 10h17. « De quoi as-tu envie aujourd’hui, ma belle ? Voire mĂŞme, de quoi as-tu besoin ? Port d’une Ă©charpe et de gants obligatoire ! Tes chaussures sont fourrĂ©es j’espère. Un vent glacial m’a gelĂ© jusqu’aux os ce matin en allant au marchĂ©. Masques par-ci, toux par-lĂ , je crois que la Covid n’a pas encore totalement disparu, mais on y survivra. En allant nous promener, ça revigorera notre système immunitaire. T’as vu qu’ils avaient installĂ© les chalets de NoĂ«l, alors… PrĂ©sence requise Ă 13h pĂ©tantes ! » Pourquoi la circulation en ville Ă©tait toujours si laborieuse ? Tant que je n’arrive pas avec trois heures de retard, tu ne me diras rien. TĂŞtes blondes qui traversent la rue. Tu rigolerais si tu les voyais, ces petits ĂŞtres d’une mignonnerie infinie qui sautent et courent au milieu des premiers flocons de dĂ©cembre et tu me dirais que ça te rappelle ta jeunesse. Ah, je vois enfin l’arrĂŞt de bus au loin quand un bip retentit. « Vous ĂŞtes oĂą, chère amie ? Loir un jour, marmotte toujours ? ». Meuh non, il n’est que 13h03 pourtant quand je zippe ma veste fatiguĂ©e… Mode, hum, je crois que je peux oublier les dĂ©filĂ©s, avec mes cheveux en bataille, mes aisselles transpirantes et ma respiration saccadĂ©e par mon sprint jusqu’à la petite maison au coin de la rue. Euh, je crois que je devrais arrĂŞter de courir, je ne fais qu’aggraver la situation. Lait bien chaud et petit cookie, voilĂ ce qu’il me faut pour me requinquer ! Selon tes premiers mots Ă mon encontre, tu sembles t’être inquiĂ©tĂ©e de mon retard. Taie d’oreiller en main, tu finis de plier mĂ©ticuleusement ton linge tandis que je m’installe Ă la table du salon. — DĂ©sires— tu un chocolat chaud ? — Par ce temps, il n’y a rien de tel pour se rĂ©chauffer. PitiĂ©, avec beaucoup de sucre, j’ai besoin d’énergie pour affronter Ă nouveau ce froid tout Ă l’heure. — Permet— moi de te dire que c’est très mauvais pour les dents, mais bon… Moi, je dis ça, après c’est toi qui vois. D’être accro Ă toutes ces saletĂ©s Ă un si jeune âge, cela me dĂ©passe… — Qui allons-nous voir cette après-midi ? demandĂ©-je pour changer de sujet. — Je te propose d’aller voir le Père NoĂ«l au petit village des chalets, c’est un camarade de classe de ma fille et il est extrĂŞmement gentil. Suis— moi jusque lĂ -bas et tu verras. — Vraiment ? Je ne savais pas que tu connaissais le Père NoĂ«l en personne ! dis-je avec une pointe d’humour. — Je ne crois pas que tu ais compris, c’est juste un monsieur dĂ©guisĂ© en Père NoĂ«l, pas le vrai Père NoĂ«l. Me reculant dans ma chaise, je baisse les yeux sur mon breuvage et le bois en silence. Cent fois que je me le rĂ©pète, pourtant. Nulles, mes piètres tentatives de blagues sont minables et tombent systĂ©matiquement Ă plat avec toi ! A quoi bon m’obstiner Ă essayer ? — T’es prĂŞte ? me demande-t-elle. CĂ´tĂ© timing, on doit se dĂ©pĂŞcher ! — Hein ? rĂ©pondĂ©-je mon cookie Ă la main avant de me lever rapidement pour laver ma tasse. Capable de l’enfourner tout entier dans ma bouche pour avoir les mains libres, je savais pourtant que ce serait mal vu de la part de Madeleine. De mes doigts longs et fins, je dĂ©pose l’objet en porcelaine fine sur l’égouttoir en rĂŞvant de notre sortie oĂą j’allais enfin ĂŞtre heureuse, m’acheter une boĂ®te de chocolats et… M’épanouir, rire et virevolter dans une neige pour le moment aussi timide et invisible que moi ? — Complètement marteau celle-lĂ Â ! s’exclame Madeleine dans mon dos. Je t’ai expliquĂ© qu’il fallait prendre ce chiffon pour sĂ©cher la vaisselle, sinon l’eau laisse des traces. Ne retiens-tu donc rien ? — Te crois sur parole… rĂ©pliquĂ©-je Ă voix basse en allant m’habiller et en te laissant rĂ©parer mon ignominie. — Supportes— tu vraiment ce froid de canard avec si peu de vĂŞtements ? — Plus que tu ne le crois, oui. Laisse— moi faire, je t’assure que je ne suis pas frileuse. — Moi, si je n’ai pas ma grosse Ă©charpe, mes gants en laine et mes bottes fourrĂ©es, je ne mets pas le pied dehors, et te voir si peu habillĂ©e me rend malade. Tranquilles, nous sortons enfin, sous un dĂ©luge de flocons dont le tourbillonnement rapide, prĂ©cis et pourtant aussi alĂ©atoire qu’un banc de poissons, me fait sourire. Et voilĂ , nous sommes au cĹ“ur de l’hiver, et le vent nous fouette les joues jusqu’à les rendre rubicondes. — Disparait, petit nuage, laisse-nous voir un petit rayon de soleil s’il te plait, s’amuse Ă demander Madeleine, le nez vers le ciel. De toutes les saisons, celle-ci est celle que j’apprĂ©cie le moins. Mon humeur a tendance Ă se caler sur la couleur du ciel : grisâtre. Existence morne et triste jusqu’à ce que l’astre cĂ©leste daigne nous passer le bonjour et ne fasse Ă©clore les premières fleurs de printemps. — Aujourd’hui, tu as l’air fatiguĂ©e, tu ne nous ferais pas une dĂ©pression, j’espère ! me demande mon amie d’un Ĺ“il inquisiteur. — Je ne sais pas, je ne suis pas dans mon assiette. — Prend des vitamines, il y en a plein dans les oranges et les clĂ©mentines. Une ou deux par jour, tu verras, c’est miraculeux ! DĂ©cision sensĂ©e, et pourtant, quelque chose me dit que ce ne sont pas quelques agrumes qui vont changer le cours de ma vie. Inconcevable de croire que cela suffirait Ă balayer d’un revers de main la morositĂ© qui colle Ă ma peau. Mais dans l’immĂ©diat, cela importait peu. Le chemin devant nous se couvre d’un fin manteau blanc. Souhaitais— tu commencer par le village des chalets ou par le vendeur de marrons chauds ? Je te regarde, et sans rĂ©ponse de ta part, mes pas m’emmènent vers le doux fumet des châtaignes grillĂ©es qui titille mes narines gourmandes. Vraiment, c’était la gourmandise suprĂŞme Ă mes yeux, celle qui, Ă elle seule, symbolisait les fĂŞtes de fin d’annĂ©e. La salive monte dans ma bouche Ă la vitesse de l’éclair. Peur, timiditĂ©, anxiĂ©tĂ© sociale, tout volait en Ă©clat Ă l’idĂ©e de sentir ces friandises craquer sous mes doigts et rĂ©chauffer mes mains, au risque de les brĂ»ler. — Me dis pas que t’as dĂ©jĂ faim ? m’arrĂŞta Madeleine avec un air suspicieux. Pince— moi, je rĂŞve, tu viens juste de prendre un goĂ»ter ! — Le monsieur n’en aura plus tout Ă l’heure, si on passe trop tard. — Ventre sur pattes ! Va, allez, de toutes façons, ce ne serait pas plus mal que tu grossisses un peu, tu ressembles Ă un squelette… — Tu en veux aussi ? — Me demande pas ça voyons, tu sais que j’essaye de me dĂ©barrasser de mon embonpoint. — Manquait plus que ça, râlĂ©-je en cherchant mon porte-monnaie. Trop pressĂ©e, comme d’habitude, je l’avais bien Ă©videmment oubliĂ© sur la table en partant de chez moi Ă la va-vite. Tard, il est tard, je vais ĂŞtre en retard, je suis trop lente, je ne suis pas organisĂ©e, j’oublie toujours la moitiĂ© des choses, surtout ce qui est important. — C’est tout toi, ça, ma petite ! se moqua gentiment mon amie. Fais— moi plaisir et suis-moi maintenant, avant qu’il y ait trop de monde aux chalets. Tu as sĂ»rement raison, je ne dois pas me laisse abattre pour si peu alors qu’il reste tant de merveilles Ă aller voir. Ne serait-ce pas lĂ ton ami bedonnant qui fait rire les enfants avec sa fausse barbe blanche et son costume rouge ? Comprends bien que je n’ai pas hâte de le rencontrer. Pas que je ne l’aime pas, a vrai dire, je ne le connais pas, mais… Mon petit doigt me dit que tu as quelque chose derrière la tĂŞte. Choix cornĂ©lien, dois-je te suivre dans la gueule du loup, ou bien battre en retraite dès maintenant, au risque de passer pour une illuminĂ©e ? Aucun moyen d’y Ă©chapper, tes petites enjambĂ©es nous ont menĂ©es jusqu’au trĂ´ne en bois recouvert de guirlandes et de neige synthĂ©tique. Retour Ă la case dĂ©part, celle oĂą je ne suis qu’une poupĂ©e de chiffon subissant les assauts d’un marionnettiste fou. — En quoi puis-je vous aider, mesdames ? demanda le Père NoĂ«l avec un grand sourire. Arrière, les enfants, calmez-vous, il y en aura pour tout le monde ! — N’est— ce pas un bel homme ? me murmura Madeleine Ă l’oreille, tandis que le jeune acteur se dĂ©battait avec un troupeau de gamins surexcitĂ©s. — Possible, ouais, difficile Ă dire sous un costume intĂ©gral, grommelĂ©-je, sachant pertinemment oĂą tu allais en venir. — Mon ange, il serait temps que tu aies quelqu’un dans ta vie, quand tu seras vieille, il sera trop tard. La phrase rĂ©sonna dans ma tĂŞte tel un marteau sur une enclume et mon corps tout entier subit un soubresaut. Coup de poignard dans mon cĹ“ur. Peu importe que ce soit le premier, ou le vingtième de la journĂ©e, c’est celui qui m’a fait un Ă©lectrochoc. Et mes pieds, selon leur volontĂ© propre, dĂ©cident de m’éloigner de cette toxicitĂ© ambiante, qui me pourrit l’existence depuis plus longtemps que mon esprit ne l’aurait imaginĂ©. Pleine d’un mĂ©lange de ressentiments, de peur, de colère, je ressens Ă©galement un apaisement bienvenu, de la joie et surtout, une certaine forme de dĂ©livrance. Mon corps se dĂ©tend soudainement, comme libĂ©rĂ© après des annĂ©es d’enfermement dans une cage trop petite. Soulagement dans mon cĹ“ur, aussi Ă©trange que libĂ©rateur, car j’étais persuadĂ©e que cette journĂ©e allait se finir de cette manière, que tu allais t’immiscer dans ma vie privĂ©e une fois encore, une fois de plus, une fois de trop. Est— ce excessif que de te demander que de ne plus m’imposer tes choix, tes goĂ»ts, tes valeurs, sans tenir compte de ma personnalitĂ©, de ma vie, de mon passĂ©, voire de mon existence intrinsèque ? Infini est le chemin qui s’offre Ă prĂ©sent Ă moi, maintenant que nos routes se sĂ©parent dĂ©finitivement, que j’ai dĂ©cidĂ© de ne plus te suivre aveuglĂ©ment tel un pantin dĂ©sarticulĂ© que tu manipules sans Ă©tats d’âme, sous couvert d’une gentillesse feinte et de conseils destinĂ©s Ă me rendre la vie meilleure au dĂ©triment de mes dĂ©sirs. Adieu. |