La curiosité est un vilain défaut
(par Ellumyne)(Thème : MĂ©lilĂ©mots 5)
La petite fille sautillait de joie le long de l'allée pavée. Ses parents lui avaient confié une mission de la plus haute importance. Récupérer la montre à gousset familiale qu'ils avaient déposé la semaine précédente chez l'antiquaire du village, pour la faire réparer. Cassandra adorait aller dans cette vieille boutique un peu poussiéreuse. Tellement, qu'on lui avait donné l'autorisation d'y faire un tour quand elle le souhaitait, à la condition d'emprunter ce chemin d'où ses parents pouvaient surveiller sa progression, jusqu'à sa destination trois rues plus loin.
Mais pour la petite fille, c'était une liberté à laquelle elle goûtait avec joie, le cœur battant la chamade à cause de la grande responsabilité qui pesait sur ses épaules. Tenant dans son petit poing serré le reçu qui lui permettrait de récupérer la montre, Cassandra arriva devant l’entrée de la boutique. Elle inspira un grand coup, toute fière qu'elle était de la confiance que ses parents avaient mise en elle.
La clochette carillonna lorsque la fillette poussa la porte et la petite écarquilla les yeux de surprise en voyant l’authentique boite à musique en forme de carrousel qui trônait sur le comptoir. Figée sur place d’émerveillement, elle ne pouvait détacher son regard des petits chevaux en bois caracolant au rythme d’une mélodie entraînante. Elle en avait reçu une à son anniversaire, mais elle n’était pas aussi jolie que celle qui tournait sous ses yeux. Après avoir supplié sans succès ses parents de lui en offrir d’autres, c’est avec peine qu’elle dut se résoudre à attendre de devenir grande avant de pouvoir collectionner ces petites merveilles.
— Bonjour Cassandra. Tu viens récupérer la montre de tes parents ? fit une petite voix frêle, à la limite du murmure.
— Oh, euh, bonjour Madame Podkladek, je ne vous avais pas vue, s’excusa la petiote en lui tendant le reçu.
La vieille dame s’en empara avec un sourire édenté avant de récupérer la boite à musique entre ses longs doigts parcheminés. Elle la déposa délicatement sur une petite nappe blanche derrière le comptoir, à l’abri du regard et des petites mains avides de la fillette.
— Attends moi ici, je vais chercher la montre, chevrota la grand-mère en pénétrant dans l’arrière-boutique, le dos vouté.
Cassandra se redressa sur la pointe des pieds et tenta de jeter un œil derrière le comptoir, mais son nez ne le dépassait même pas. Elle bougonna de dépit, avant qu’une une idée ne fuse soudainement dans son esprit. Tendant l’oreille pour être sûre que la vieille dame soit toujours au fond de sa boutique, la petite fille contourna le meuble et s’approcha de l’objet de sa convoitise. Un bruit de pas la fit sursauter, et son coude heurta un service à thé en porcelaine d’une grande valeur. Une petite tasse ornée de dorures se brisa au sol dans un bruit cristallin, faisant reculer la petite fille paniquée.
— Que se pass… Cassandra !
— C’est pas ma faute ! J’ai… J’ai pas fait exprès…
— Je t’ai déjà expliqué que c’était privé de ce côté-ci… Tiens, voici la montre de tes parents, soupira la vieille dame.
— Je suis désolée… sanglota la fillette au bord des larmes.
— Ce n’est pas grave. De toutes façons, ce service à thé était vraiment affreux, je n’aurais jamais réussi à le vendre. Allez, viens-là . Calme-toi, murmura Madame Podkladek en prenant l’enfant dans ses bras.
Elles restèrent ainsi quelques minutes le temps que les pleurs de la petite se tarissent. Puis la vieille dame la raccompagna jusqu’à la sortie et lui souhaita un bon voyage de retour.