L'Académie de Lu





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Des Fleurs pour Cindy

(par Malkym)
(Thème : MĂ©lilĂ©mots 5)



Ma chambre était désespérément vide, ce soir-là. Il fallait bien admettre qu’en début de Novembre, tout le monde s’affairait déjà à repartir au travail, après la Toussaint. Aussi, la solitude était une amie commune, en cette période. Pourtant, ma petite Cindy avait insisté pour me rendre visite et m’aider un peu, cette année. Depuis le décès de son père, il fallait avouer que je ne la voyais que bien rarement. Aussi, la savoir près de moi en ce jour suffisait déjà à donner le sourire à ma vieille trogne fripée.


Dans cette pièce toute blanche, elle resplendissait dans sa petite robe bleue à fleurs pastelles, comme celles que mes placards collectionnaient, dans ma jeunesse. Dès que je la vis, je reconnus les jolies fleurs au creux de ses mains. C’était un bouquet de fleurs alpines ! Colchiques, arnicas, edelweiss et digitales pourpres se serraient entre ses petits doigts ! Nous avions l’habitude d’aller en cueillir, l’été, avec mon André. Aaah… André. Si seulement tu pouvais voir ta Cindy aujourd’hui, dans cette chambre… Tu en aurais les larmes aux yeux, j’en suis certaine !


Mais André était parti bien avant moi. Et ses fleurs alpines aussi. J’y retournerai bien, dans les Alpes, moi ! Repartir cueillir les arnicas qu’il aimait tant ! Mais l’idée n’a pas plu à mon fils. Idiot de fils… Il me force à rester enfermée ici toute la journée, tout ça pour quelques toussotements… C’est pourtant bien normal de tousser un peu, à mon âge ! Mais non… Toujours à me sur-protéger. Il s’occupe bien trop de moi, depuis ces derniers mois, je ne vois même plus mes petits-enfants ! Quel têtu ce… ce…


« Bonjour !


— Bonjour, Cindy ! Alors, comment vas-tu aujourd’hui ? Demandai-je Ă  ses couettes blondes et remuantes.


— On est allĂ© dans les montagnes avec Papa ! Je t’ai ramenĂ©e plein de jolies fleurs !


— Oooh… C’est vrai qu’elles sont jolies ! Pose-les donc dans le verre d’eau, juste ici. »


Elle s’approcha de la nappe blanche recouvrant ma table de nuit et déposa ses plantes colorées dans le petit contenant transparent. Ses yeux marron foncé, tout à fait semblables aux miens, semblèrent s’intriguer de quelque chose près du verre. Je tournai la tête en quelques craquements, comme la bonne mamie que j’étais, et observai la petite boîte de pilules que l’on m’avait donnée il y a longtemps de cela, parfaitement intacte.


« Quelque chose te chiffonne, trésor ?


— C’est quoi des… anti-psy-chiot-tique ? Un truc pour soigner les bĂ©bĂ©s chiens ?


— Ah, ça ! Des mĂ©dicaments pas bons que je prĂ©fère ne pas prendre. Ce n’est pas aujourd’hui qu’on me fera avaler ces trucs pleins de mauvaises choses, sous prĂ©texte que je tousse un peu.


— Comment tu peux savoir que c’est pas bon, si t’as pas goĂ»té ? Me questionna-t-elle en constatant la boĂ®te parfaitement close.


— C’est pas bon, c’est tout !


— Mais c’est ton fils qui te les a donnĂ©s !


— Tais-toi ! Les petites filles tiennent leurs langues, quand on le leur demande !


— Mais…


— Je t’ai dit de te taire ! La coupai-je immĂ©diatement. Sinon, privĂ©e de… »


Je vis une poignée de larmes commencer à rougir ses petits yeux et à couler sur ses joues. Sans doute avais-je été trop sévère… Je grimaçai de ma bêtise et, prise de pitié pour cette pauvre orpheline, je lui ouvris grand mes bras pour lui donner un câlin, depuis le fond de mon lit. À mon grand étonnement, elle ne sembla même pas s’en rendre compte et se contenta de porter ses poings à ses yeux pour masquer son chagrin. Je ne pus que la dévisager, confuse, les bras ouverts.


« Cindy… Je suis désolée, je n’aurai pas dû te parler comme ça. Je m’excuse. Allez, viens donc dans mes bras et oublions ces vilaines pilules, d’accord ? »


Sans un mot de plus qu’avant, la petite fille continua de sangloter doucement au milieu de cette chambre blanche dans laquelle elle-seule et ses fleurs apportaient de la couleur. Je fus prise de pitié, de remords à l’égard de la petite.


« Allons, allons ! Il ne faut pas de mettre dans des états pareils, Cindy ! Ce n’est pas normal, de tant pleurer à ton âge, tu es une grande fille ! Qu’est-ce qui te rend si malheureuse ? »

Mon regard se posa sur le pendentif qu’elle serrait dans ses mains. Il ne me semblait pas l’avoir aperçu, auparavant. Dans son écrin, couleur de laiton, ce médaillon était le genre de bijoux dans lequel l’on avait autrefois l’habitude de garder la photo de ses proches et de ses aimés. Je n’en avais plus vu depuis des années, remplacés par les photos déchirées, rangées maladroitement dans les porte-feuilles, et les téléphones portables, avec leurs mémoires infinies, capables de tout conserver, tout retenir. Je les enviais, parfois.


Cindy semblait y tenir comme à la prunelle de ses yeux sanglotants. Elle devait y conserver une précieuse photo, un souvenir d’une inestimable valeur à ses yeux ! Je ne pouvais que trop bien la comprendre. La mémoire est parfois douloureuse… Était-ce pour cela qu’elle pleurait ?


« Tu penses à ton Papa ? Tentai-je en supposant le plus probable.


— … Je… je, finit-elle par me sangloter avant de laisser ses larmes jaillir de nouveau.


— Oh, s’il-te-plaĂ®t, Cindy ! ArrĂŞte de pleurer et viens dans mes bras ! »


Ne m’écoutant qu’à moitié, elle vint pleurer tout près de moi. En posant mes mains sur sa robe, elle me sembla être la robe la plus légère qui puisse être. Jamais il ne me semblait avoir touché matière plus fine que celle-ci. C’était à peine si j’arrivais à la sentir aux bouts de mes doigts. Je portai mes lèvres au front de la petite ange et y colla un ou deux bisous.


« Tu sais, c’est bien normal d’être triste pour ton Papa. Il t’a élevé, t’as guidé, et le savoir au Ciel, c’est normal que ça te fasse pleurer… Mais ton Papa est parti depuis longtemps maintenant ! Tu dois l’accepter, et aller de l’av…


— Mais… c’est pas Ă  cause de mon Papa, que je pleure !


— Ah non ?


— Bah non ! Tu comprends rien, t’es nulle ! Me cria-t-elle en se dĂ©gageant de mes bras. »


Si ce n’était pas une photo de son père, de qui pouvait-elle conserver si précieusement la photo ? Je ne craignis que lui poser directement la question privée ne puisse la gêner. Aussi, je tentai de trouver un moyen un peu détourner d’en connaître la réponse.


« Je suis vraiment désolée, Cindy ! J’essaie simplement de comprendre la raison pour laquelle tu es si triste. Tu pleures à cause de la photo dans ton collier ?


— Oui ! Me cria-t-elle de nouveau, comme si la rĂ©ponse devait ĂŞtre absolument Ă©vidente, tirant des flots de larmes de ses paupières.


— Tu as plein de bons souvenirs avec, pas vrai ?


— … J’en ai plein, calma-t-elle un peu ses pleurs.


— Les souvenirs, ça peut faire mal, je sais bien. Mais tu dois les conserver prĂ©cieusement, comme tes petits trĂ©sors Ă  toi ! Vas-y, Raconte-en moi un, le meilleur que tu possède avec cette personne.


— … Un Ă©tĂ©, on est parti Ă  la montagne, parce que la mer Ă©tait trop loin et puis trop cher. J’aime bien la montagne, parce qu’on peut se balader et que la nature, elle est trop belle en Ă©tĂ©. Un après-midi, on est allĂ© se promener loin du chalet, et on s’amusait Ă  cueillir toutes les plus jolies fleurs qu’on trouvait sur la route ! Ă€ la fin, on a rĂ©ussi Ă  faire un joli bouquet, avec plein de couleurs ! Les fleurs dans les Alpes, elles sont tellement belles… Et en rentrant, le soir, avec notre bouquet, il m’a embrassĂ© sur la bouche et m’a dit que j’étais la plus jolie de toutes les fleurs de la montagne. J’étais devenue toute rouge, sourit-elle les yeux clos.


— Oooh… Mais c’est mignon, ça, Cindy ! C’est ton ancien amoureux sur la photo ? Tu me le montres ?


— Oui, dit-elle finalement, les larmes effacĂ©es par ces bons souvenirs. Il s’appelle… »


Je ne sais pourquoi, je tournai la tête pour regarder les jolies fleurs qu’elle avait posées dans mon verre. Ce dernier était à moitié vide. Les fleurs, desséchées, leurs pétales gris tombés sur la petite boîte, fermée et périmée depuis plus de trois ans.


« … André. »


FIN.














Nico

ton texte est magnifique et tellement émouvant à la fois! Il est bien écrit et — contrairement à moi — tu arrives à séparer ton texte de façon à ce que ce soit agréable à lire! Seul petit détail que j’ai trouvé, c’est que tu n’as pas utilisé l’adjectif privé comme mentionné, mais le verbe. Excepté ça, il était excellent ?


Le 27/12/2021 à 04:06:00



Downforyears

dis moi si je le trompe, mais la grand mère a un alzheimer (ou autre maladie degenerative), non ? Je trouve cela très bien que tu aies donné les clés petit à petit pour nous permettre de tout comprendre à la fin. J'ai eu du mal avec le rythme de tes phrases, mais je suppose que c'est voulu pour coller au rythme du parlé de la grand mère. En résumé, encore un texte époustouflant.


Le 27/12/2021 à 06:49:00



Noon

je sais pas vraiment quoi dire mis Ă  part :bigeyesnoel: :br_ottercry:
Ton texte est vraiment magnifique (je me suis spoilée la fin en lisant le retour de down mais tranquille). Je trouve que justement, le rythme que tu as donné et la manière dont tu as écrit colle parfaitement avec l'état d'esprit du personnage on s'amuse de ses petits commentaires au début, puis au fil du texte on comprends petit à petit ce qu'il se passe, c'est touchant
J'ai une petite larme qui a faillit couler.
Seul bémol c'est l'emploi du mot privé qui, comme l'a souligné Nico est un verbe ("tu seras privée de..." C'est comme "tu seras vendue", si privé signifie "personnel" c'est adjectif, si ça signifie "ne pas pouvoir" c'est le verbe il me semble)


Le 27/12/2021 à 08:40:00



Sourne

Si c'est pas un très bon texte, j'y connais rien xD
Non seulement c'est toujours bien écrit ( et j'ai pas spécialement de problème de rythme perso ), mais tu transmets extrêmement bien les émotions des personnages !
Au début, j'avais un peu de mal à comprendre la fin et je me demandais s'il y avait des incohérences dans ton texte. Puis j'ai relu le début et j'ai compris. La petite fille, c'est en fait une version " innocente " de la grand-mère, qui regrette son fils parti trop tôt... Mais du coup, c'est un ou deux personnages :bigeyesnoel:


Le 27/12/2021 à 15:39:00



Zyphea

pour "des fleurs pour Cindy". .... Le début est tout choupi, avec la grand mère et la petite fille mais la fin est super touchante (même si j'ai pas tout compris au niveau des personnages :ohno: ) Bravo ! Tout ça toujours aussi bien écrit c'est un texte très agréable à lire^^


Le 28/12/2021 à 09:55:00



JilanoAlhuin

Des fleurs pour Cindy : Ton texte était très chouette à lire, et la description finale avec les fleurs vieilles de trois ans donnent un autre point de vue à la scène que l'on voit. Cependant, bien que la relation soit attachante, tout ce partage, je trouve que les changements de comportement (la grand-mère qui hurle, se calme, etc) ça change vite. Mais vraiment vite, et pendant un moment j'ai dû relire en me disant que j'avais loupé une ligne. Je pense qu'allonger légèrement ses petits passages, ne serait-ce que de quelques phrases, aurait été sympathique. ça reste un très chouette texte !


Le 08/01/2022 à 01:50:00

















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