Je suis désolée
(par Malkym)(Thème : Saint-Valentin)
Mon Amour,
Je suis désolée. Je hais déjà de devoir te le dire, mais…
J’ai douté de nous. C’est tellement stupide en y réfléchissant, mais j’y croyais dur comme fer, à cette petite voix qui ne cessait de me chuchoter : « Cet imbécile de Don Juan rieur va entraîner la destruction de tout ce qui te fait tenir, Philly ! Il en aime sans doute déjà une autre en secret, peut-être même deux ! Tu dois tout faire pour le retenir, Philly, ou il s’envolera comme tous les autres ! ». Alors, j’ai trouvé une solution.
Te souviens-tu, peut-être, de notre rencontre ? Je me souviens encore de ce chêne colossal sous lequel je me reposais en griffonnant les quelques cygnes que comptait notre vieux lac. Je me souviens encore de ma bêtise, moi qui n’osais pas prêter attention à cet étrange jeune homme, perché quelques branches au-dessus de moi, allongé entre les feuilles, qui scrutait mon crayon filer sur le papier à dessin. Et je me souviendrai toujours des premiers mots que tu m’as adressés ce jour-là . Sans daigner ne serait-ce que m’interpeler, tu m’as jeté un douloureux gland sur la tête et m’as simplement demandé…
« Tu serais capable de me faire ton autoportrait ? »
C’était si bête, si étonnant, si bizarre… Pourtant, lorsque je relevais la tête avec cet air bougon qui te fait tant rire, le temps semblait s’être arrêté, suspendu comme chacune des feuilles aux branches de ce grand chêne qui te soutenait si bien au-dessus de moi, un sourire de malin sous ta tignasse mi-longue, dont la couleur claire se confondait au bois sur lequel tu te tenais, en rusant d’équilibre. Alors, pour cacher mes joues, j’ai balbutié un « D-d’accord. », je me suis enfoncée dans mon pull et mise à dessiner à la va-vite le visage d’une fille que je pensais être moi. C’était immonde. Une horreur. Un cataclysme. Un malheur sans précédent pour l’Art lui-même. J’ai rapidement détaché la feuille et te l’ai tendu, sans le moindre espoir…
« Ni-ckel ! Mais… ça manque de couleur… J’aime bien te voir bosser, mais je vais devoir y aller. Ça te dérangerait de le continuer chez moi ? »
C’était… indiscret, maladroit, profondément stupide, et c’était sans doute l’une des pires phrases d’accroche que l’on aurait pu me sortir. Mais, peut-être sans le savoir, je crois que j’étais déjà tombée amoureuse de ce garçon châtain, à peine moustachu, aux airs d’imbécile heureux, qui savait pourtant bien ce qu’il faisait, et qui grimpait aux arbres comme un grand gosse. J’ai sans doute dû te sortir le plus court de tous les « Ui. » de l’Histoire, avant de me relever pour te tendre la main et t’aider à descendre. Tu l’as prise – j’ai donc immédiatement failli tomber dans les pommes ; tu es descendu à mes côtés sans même causer la rupture d’une branche, ne serait-ce que d’une feuille, et nous sommes partis.
Depuis ce moment, je crois que je n’ai jamais cessé de t’aimer. Chaque jour un peu plus, pour toutes tes petites attentions, pour toutes ces idioties que tu es capable de me sortir pour me faire sourire, pour chacune des remarques sans queue ni tête que tu t’efforces de faire pour me redonner confiance en le peu de talent qui émane de mes dessins…
Pourtant, dès cet instant, je doutais déjà . Tu étais tellement volage, si charmeur, avec une telle tendance à faire tout ce qui te passe par la tête ! Et moi, tellement, tellement jalouse. J’en avais marre de croire des conneries. Je voulais trouver un moyen d’arrêter de douter. Je n’avais plus qu’une seule, un unique rêve….
« Être la seule qu’il puisse aimer, à la folie et à jamais. »
En me disant qu’il aimait bien cette formulation (Très joliment rimée, pour employer ses mots), une espèce de magicien qui portait de fausses cornes – Tu sais bien ! Le genre de charlatans dans une roulotte, prétendument capables de prédire ton avenir dans quelques bouts de papiers – m’a fait signer un contrat, apparemment magique, aux pouvoirs immenses ! Ne t’en fais pas, ça ne m’engage sans doute à rien. Je crois que j’en avais simplement besoin. Pour poser toutes mes stupides angoisses sur papier et les faire disparaître, même si ce n’est que symboliquement, tu vois ?
Aussi placebo que ça puisse être, je crois que ce truc a fonctionné. Je n’ai plus aucun doute quant à notre relation ! Je n’ai que de jolies envies… Je passerai vers 19h30. Tu m’aides à réaliser mes rêves, ce soir ?