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Downforyears![]() Spectacles![]() Timeline du Nauteur
![]() ![]() Les mots du cloître(par Downforyears)Ma chère.
Je laisse échapper ces mots qui ne connaitront jamais leur destinataire. Pour les soulager de ma conscience. Dans le vain espoir que tu les reçoives. Par peur qu’ils ne me rendent plus fou que je ne le suis déjà . Depuis la prison où je me trouve, je ne peux revenir, encore et encore, que sur les fautes qui ont été les miennes et les douleurs que j’ai infligées.
Celle que je t’ai infligée m’est la plus insupportable, et celle que je revis sans cesse… En boucle. En boucle…
Tu n’as jamais connu de moi que le guerrier que je te laissais entrevoir, et pourtant j’étais bien plus. Et pourtant, je n’étais rien.
L’été commençait, ce jour où je te rencontrai pour la première fois dans le Royaume de Marivold. Je n’étais alors qu’un Nauteur en mission. Tout juste une marionnette censée s’assurer du bon déroulement d’une histoire. Censée s’assurer que tu mourrais bien ce jour-là , afin que ta fille puisse devenir l’une des plus grandes guerrières de son temps. Et alors que j’observais, depuis la branche d’un arbre, les bandits s’approcher de la voiture à cheval qui vous transportait, je ne pus m’empêcher d’accourir vers toi.
Ta chevelure noire, tes yeux aussi sombres que l’orage qui se préparait, ton visage d’ange réhaussé d’une fine cicatrice, tes bras tremblants tant qu’ils retenaient à peine l’épée dans tes mains… En un instant, en une ligne, en une phrase, je tombai amoureux de toi. Ce jour-là , pour la première fois depuis tant d’histoires, je sentis mon cœur mécanique s’emballer. Les règles édictées par l’Ascendant me paraissaient tellement stupides, tellement inutiles…
Je ne pus m’empêcher de me ruer vers tes assaillants. Je ne pus m’empêcher de les défaire, un par un, avec une facilité déconcertante. Et alors que je tuais sans un remord le dernier de ces hommes, mon regard croisa le tien. J’y lus tant de peur et tant de courage, que je ne pouvais plus penser qu’à une chose. Te protéger de ta destinée que je savais alors funeste. J’aurais pu éliminer les Dieux et les Démons pour que tu restes en vie quelques mots de plus. J’aurais pu m’arracher ce bras mécanique pour pouvoir contempler tes yeux jusqu’à la fin. J’aurais pu défier l’Ascendant pour pouvoir passer une journée de plus avec toi.
Et alors que je pensais ne pas pouvoir aimer plus, je vis ta fille. Emeline. Je sus alors que je vous aimerais toutes deux jusqu’à mon dernier souffle. Jusqu’à ma dernière ligne. Jusqu’à la fin.
Je dédiai ma vie à protéger la vôtre des assassins envoyés par les hommes, des démons envoyés par Nsgroth lui-même.
Je me rappelle ces moments de pur bonheur. Ce jour où notre belle Emeline m’appela enfin ‘‘papa’’. Ce jour où tu acceptas de partager avec moi ton lit, car tu avais besoin que je te rassure. Ce jour où tu m’accordas notre premier baiser, si tendre, si doux. Chacun de ces jours fut pour moi un paradis.
Nous construisions notre vie tous les trois. Et lorsque Emeline trouva elle aussi l’amour, alors je sus que je voulais vivre avec toi pour toujours. Je vécus quarante années de bonheur avec vous deux, et lorsqu’enfin je m’éteignis, ton sourire m’accompagna dans l’au-delà .
L’été commençait, ce jour où je te rencontrai pour la deuxième fois dans le Royaume de Marivold. Je n’étais plus un Nauteur en mission, mais celui qui voulait devenir ton partenaire, dans cette nouvelle vie et dans toutes les autres futures vies. Chaque vie que je passai en ta compagnie me donnait la joie de te découvrir de nouveau, de découvrir Emeline de nouveau. Je me voyais exaucer le vœu que tout homme convoitait. Je retombai amoureux de toi, encore et encore. Et plus je tombais amoureux de toi, plus j’oubliais la marionnette que j’avais été.
Et plus Il approchait.
Je ne vis pas les signes avant-coureurs. Je refusai de les voir. Je refusai de voir que ses sbires envahissaient de plus en plus Marivold. Je refusai de voir que les déjà -vus se multipliaient et devenaient hors de contrôle.
Chaque fois que je te rencontrais, chaque fois que je refusais que tu meures, je condamnais un peu plus cette histoire dont tu n’étais qu’un personnage secondaire.
Je refusais que tu ne sois qu’un personnage secondaire, toi que j’aimais toujours un peu plus à chaque vie.
Je dus pourtant me résigner à te laisser mourir. Je me jurais à chacun de mes crépuscules que je te laisserais disparaitre, comme un écho dont j’essayais de me souvenir. Mais chaque fois que j’entendais de nouveau ce jour d’été, je ne pouvais laisser la mort t’emporter.
Je refusai de te laisser mourir, une fois de trop. Je violai les lois les plus élémentaires de tous les univers, une fois de trop.
Lorsque je vis le ciel se déchirer, et les étoiles se faire engloutir, je compris alors mon erreur. En refusant de te laisser partir, j’avais laissé ce monde en pâture à la pire des monstruosités. Et alors que chaque personne, chaque lieu, chaque étincelle de vie finissait dévorée par l’infinité de Ses tentacules, l’horreur s’imposa à moi.
Ce fut un cœur, noir comme le vide laissé par Nsgroth, qui vous emporta dans une masse grouillante de vrilles irréelles. Ce cœur, corrompu par ce monstre, ce cœur qui avait autrefois été le mien, venait de vous effacer à jamais de l’univers.
Ne resta alors plus que moi, pantin pantelant dans le vide laissé par ce carnage.
Brisé, je jurai de servir à jamais l’Ascendant. J’obtint, en échange, qu’il enfermât le Cœur au plus profond d’une prison qui ne le laisserait jamais s’évader.
Je redevins la marionnette que j’avais été auparavant, oubliant ma culpabilité au plus profond de ce Cloitre. Ce Cloitre qui est devenu ma prison.
Je laisse échapper ces mots qui ne connaitront jamais leur destinataire. Pour les soulager de ma conscience. Dans le vain espoir que tu les reçoives. Par peur qu’ils ne me rendent plus fou que je ne le suis déjà . Depuis la prison où je me trouve, je ne peux revenir, encore et encore, que sur les fautes qui ont été les miennes et les douleurs que j’ai infligées.
Car ce jour-là , je compris que l’amour éternel que je désirais était contre-nature. Cette histoire fait partie d'un tout plus grand !
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