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Downforyears![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Dans la forêt(par Downforyears)Le feu de camp nous éclaire tous les quatre. Adrien et Clara, les deux amoureux, ont les yeux rivés sur Baptiste qui raconte son histoire d’horreur. Un enlèvement par des aliens… Personnellement, j’y crois moyen.
— Et le lendemain matin, je me suis jurĂ© que je ne reprendrai plus jamais de beuh, conclut-il sous les rires des deux amoureux.
Je ricane pour la forme. Je n’aime pas les histoires d’horreur, je suis bien trop froussard, surtout depuis que…
— Et toi, Ju ? T’as une histoire d’épouvante ? me demande Clara gentiment.
Oui, j’en ai une. Mais ici, perdus en pleine forêt, avec les seules flammes du feu de camp pour nous éclairer, je ne sais pas si j’ai vraiment envie de la raconter. Après tout, elle est vraie. Je m’apprête à parler lorsqu’une forme blanche s’abat sur nous. Un fantôme blanc pousse un cri strident et rase nos têtes avant de s’évanouir dans les ténèbres des frondaisons. Clara hurle, Adrien n’est pas loin de faire de même. J’arrive à garder mon calme, j’ai déjà vu ça. C’était une nuit de brouillard.
— Calmez-vous, dis-je. C’est juste une chouette effraie. — Comment tu sais ça ? me demande Baptiste, Ă©berluĂ©. — J’en ai dĂ©jĂ vu une, cette fameuse nuit…
Le bruit de mon scooter brise le silence nocturne de la forêt. On est le 24 octobre, c’est un samedi. Je suis parti de chez ma copine qui habite à Lorris, une petite commune du Loiret près de la forêt d’Orléans. Je retourne chez moi, à Gien, et comme un con, je suis parti après le repas du soir. Il est 21h, et je peste contre moi-même, contre le brouillard qui a envahit la route. Il ferait nuit noire si le brouillard ne blanchissait pas tout. J’arrive à peine à distinguer la haie d’honneur terrifiante que forment d’habitude les arbres sur le bas-côté.
Les feux avant de mon scooter, un kymco, percent à peine les chappes de brume à couper au couteau. Si une voiture ou un camion devait me croiser, je ne le verrai qu’au dernier moment. Et je n’ose même pas imaginer une rencontre avec du gibier. Dans le coin, on parle toujours de cet automobiliste, l’ami d’un ami, qui a rencontré un sanglier ou un cerf et a perdu sa bagnole.
J’ai froid, je suis fatigué de plisser les yeux pour essayer de distinguer des choses sur la route, j’ai envie de dormir, j’ai aussi envie de pisser à cause du café que j’ai pris avant de partir. Je me maudis de ne pas être resté chez ma copine, quitte à dormir sur le canapé et à me faire engueuler par mes parents le lendemain. Mais je n’ai que la permission de minuit, et Lorris-Gien en scooter débridé, ça prend pas non plus des plombes. Sans compter ma jauge d’essence qui est pratiquement vide. Ça ira pour aller jusqu’à chez moi cependant. En attendant, je me maudis.
Je suis en train de penser à tout ça lorsque je vois deux points lumineux s’approcher de moi à toute vitesse. Un camion ? Non, je n’entends rien.
Une forme blanche s’abat sur moi et frôle mon casque. Je sens un choc au sommet de celui-ci et je freine comme un malade. Les pneus crissent, je manque de déraper sur une étendue de gravillons.
Putain, c’est la première fois que je vois une chouette effraie d’aussi près !!! Elle m’a foutu une frousse de tous les diables cette saloperie. Je me maudis, je maudis le brouillard et je maudis les chouettes.
Je roule quelques minutes à dix à l’heure, histoire de me calmer comme je peux. Mon cœur bat encore bien trop fort lorsque j’arrive en haut d’une petite côte, entourée d’arbres sombres et effrayants. Ici, la brume est moins épaisse, et je vois un point lumineux bouger dans tous les sens au bord de la route. Un fin pinceau blanc va de gauche à droite et de droite à gauche.
Je m’arrête doucement sur le bas-côté, je mets les warnings, et je mets en place la béquille du scooter.
Une personne est en train de balayer le sol avec le faisceau d’une lampe. Je vois un scooter bleu, surement le sien, dans le fossé.
— Un souci ? demande-je Ă a personne. — Bonjour, je m’appelle Maria. Je suis en panne d’essence, vous en auriez pas par hasard ?
Je regarde Maria. Elle doit avoir à peine dix-huit ans, elle est blonde. Un peu pâlichonne, quelques formes. Ses joues sont assez creusées, et son regard semble parfois vide. Malgré tout, elle est jolie. Le genre de nana à qui je prendrais bien son numéro si je n’avais pas déjà une copine.
— Non dĂ©solĂ©. J’ai juste de quoi rentrer jusqu’à Gien, mais Ă peine plus. — Vous allez Ă Gien ? Vous pourriez m’emmener ?
Je réfléchis. Être à deux sur le scooter va augmenter la conso, mais je me vois mal la laisser ici toute seule. Après quelques secondes, je lui propose une solution.
— J’ai une chaine antivol pour mon scooter. Ce qu’on peut faire, c’est attacher votre scooter au bouleau qui est lĂ , je vous ramène chez vous Ă Gien, je vous laisse la clĂ©, et vous viendrez me la rendre dès que possible. — D’accord, me rĂ©pond-elle. Fais-moi penser Ă te passer mon numĂ©ro de portable. Je m’appelle Maria au fait. — Je sais, tu me l’as dit tout Ă l’heure. Ju.
J’aide Maria à attacher son scooter à un arbre. Nous passons la chaine à travers la roue, puis autour de l’arbre blanc. Il a l’air bien éraflé, et elle me confirme qu’elle est un peu casse-cou avec. Nous revenons à mon propre scooter, je lui laisse le temps d’enfiler son casque, et elle monte derrière moi. Ses mains se cramponnent fermement à ma taille et nous repartons. Je trouve qu’elle me serre un peu fort, mais je passe. J’apprécie le peu de son parfum de menthe qui me parvient aux narines.
Je redémarre mon scooter. Il a bien plus d’inertie que d’habitude, et je mets quelques minutes à m’adapter. La route redescend dans une chappe de brume. Bientôt, elle alterne les côtes et les descentes, les chappes de brume et la nuit noire. Alors que nous replongeons dans une zone envahie de brouillard, je sens les doigts de Maria me serrer de plus en plus fort. Je grimace. J’ai l’impression qu’elle enfonce ses ongles, ses phalanges presque, entres mes côtes. Je regarde vite fait ses mains.
Pourquoi je ne vois plus que ses os ???
Je tourne la tête brièvement. A travers la visière de son casque, j’aperçois ses dents blanches, sa mâchoire blanche, ses orbites vides, ses cheveux blancs !!! Putain, c’est quoi ce délire ??? Il y a un crâne sous son casque. Un coup de vent me dévoile son radius et son cubitus. Je peux entendre ses dents claquer à chaque secousse de la route, presque en rythme avec un bruit assourdissant.
Tout à mon observation, je ne me suis pas aperçu que j’ai dépassé la ligne blanche. Alors que je retourne mon regard sur la route, deux immenses phares blancs m’éblouissent. Un klaxon rugit à nouveau dans la nuit, et je fais une embardée vers le fossé gauche (il est le plus proche de moi). Je glisse avec mon scooter sur la route, et nous nous écrasons dans le fossé. Je sens un choc à l’arrière de mon casque, je tourneboule sur l’herbe froide et mouillée. Un autre choc m’étourdit. Je n’ai plus de forces, je sens les frissons envahir ma peau. Je grelotte, je claque des dents. Puis tout s’estompe. Je m’endors dans le froid et le brouillard.
Une langue humide passe sur ma main trois fois et me réveille. J’ouvre les yeux, et je ne vois que de la buée. Apparemment, j’ai dormi avec mon casque. Je le déclipse et l’enlève avec difficultés. J’entends des bruits de pas.
— Jeune homme, tout va bien ? me demande un papi vĂŞtu d’un gilet en laine et d’un bĂ©ret en tweed. — Quoi ? — Vous allez attraper froid Ă dormir dans le fossĂ©. Vous avez eu un accident ? — Je crois.
Avec difficultés et l’aide du papi, je me lève et je regarde autour de moi. A quelques mètres dans le fossé, mon scooter semble hors-service. Je palpe mon corps. C’est un miracle que je n’aie rien de cassé et que je ne sois pas mort d’hypothermie. Aucune trace de Maria, ou plutôt de son squelette. A ce souvenir, je frissonne.
— Faut faire gaffe, c’est un endroit dangereux par ici, me rĂ©primande presque le vieux. J’ai ma voiture Ă cent mètres, je vous ramène quelque part ? — Jusqu’à Gien, ça irait ? — Pas de soucis, venez. Phiphi, au pied.
Je suis le vieux jusqu’à sa fiat punto rouge, garée sur un chemin, et nous partons. Sur le tableau de bord, je vois qu’il est 7h23 et qu’il fait 4°C. Je ne pense pas que quelqu’un viendra prendre le scooter aussi tôt et par un temps aussi froid. J’essaie de me réchauffer comme je peux. Le vieux s’engage dans sur la route, la punto a du mal à accélérer. Sur le bas-côté j’ai tout juste le temps d’apercevoir une petite croix noire.
Maria 23 août 1994 - 24 octobre 2012 |