L'Acad�mie de Lu





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La fin de la route

(par Downforyears)
(Thème : Présentation de personnage)



La fin de la route


Je braque une dernière fois avant de stopper le moteur dans un tressautement. La radio se coupe, et je soupire d’aise avant d’apprécier le silence qui s’installe dans l’habitacle. Je gémis en m’étirant, je masse ma nuque, raide après plus de sept heures de route. D’un geste négligeant et répété, je coupe l’application gps et je fais disparaitre les notifications qui ont envahi le haut de mon smartphone. Informations, sport, jeux, réseaux sociaux. Huit sms aussi ennuyeux que possible.


‘‘N’oublie pas de m’envoyer un message en arrivant.’’

‘‘Ou appelle-moi.’’

‘‘Le plombier a rappelé, tu pourras être à la maison pour le recevoir mercredi prochain ?’’

‘‘Si tu m’appelles, fais-le avant 18h30. Je n’aurais pas le temps après.’’

‘‘J’ai appelé la banque ce matin, on a rendez-vous jeudi soir.’’


Les messages s’enchainent, aussi intéressant que des notifications d’informations ou des mémos professionnels. Je souris brièvement en voyant une photo de mes enfants sur un manège. Ils me manquent un peu. Je renvoie un message aussi rapidement que possible. Je veux juste qu’elle me lâche.


‘‘Je suis arrivé. Fais un câlin aux garçons pour moi s’il te plait. A demain soir.’’


Je soupire une nouvelle fois et sors de la voiture en hésitant à y laisser mon smartphone et les trop nombreux messages de ma femme. Le vent frais et iodé me fouette agréablement le visage, je sens plusieurs de mes mèches s’envoler et s’écraser devant mes yeux. Je les écarte, aussi amusé qu’agacé. Je les aime, ces cheveux qui ont mis du temps à pousser, qui en grandissant sont passé du noir corbeau au brun prolongé de pointes rousses. A peine ai-je le temps de les ramener derrière mon oreille qu’ils reviennent, poussé par une bise joueuse. Dans un geste que j’ai appris sur le tas au cours des dernières années, je les libère de mon élastique, puis les réarrange dans cette queue de cheval qui est la mienne. Sans savoir pourquoi, je souris alors qu’un dicton me revient. Quand un homme change de coupe de cheveux, il…


Une vibration venue de la poche arrière de mon pantalon me sort de mes pensées. Je suppose quelques secondes que c’est une nouvelle notification. Ou un nouveau mémo domestique envoyé par ma femme… Je peste contre elle, mais par acquis de conscience, je sors et déverrouille mon smartphone. Mon cœur rate un battement. Il se met à battre bien plus fort pendant quelques instants. La grimace qui naissait sur mes lèvres se transforme en un vrai sourire.


Juste une photo, envoyée par sms. Une grande ancre vert-de-gris, posée au centre d’un parterre de tulipes. Une allée circulaire couverte de gravier, quelques bancs de pierre massive.


Le cœur plus léger, je prends mon sac à dos, mon sac de voyage, et ferme la voiture. J’ai encore un peu de marche avant de… Mon smartphone vibre à nouveau. Je regarde, peste, grimace, décroche et retient un soupir. Elle ne peut pas me laisser tranquille plus de cinq minutes ?


— Ça a été la route ?

— Ça a été. Un peu de trafic sur Paris. Ça va à la maison ?

— Ça va. Amuse-toi bien chez ton ami. Pierre, c’est ça ? Vous allez fêter son anniversaire où ? Tu me raconteras ? Ou tu m’enverras des photos.

— On verra. J’aimerais juste que tu me laisses profiter de ce week-end. Je te rappelle que je l’ai pris pour moi.

— D’accord. C’est juste que ça me fait toujours un peu peur quand tu ne dors pas à la maison. Mais tant que tu n’es pas avec… Bref, amuse-toi bien. A demain soir.

— A demain soir…


Je raccroche, et tente de gérer mon énervement quelques secondes. Je lui avais demandé un week-end pour moi, et… Après un nouveau soupir, je fais la première chose que j’aurais dû faire en arrivant. Le calme revenu en moi, j’éteins mon téléphone, et reprends ma marche. Je lève les yeux au ciel, avisant les nuages gris. Avec un peu de chance, il ne pleuvra pas. Et puis s’il pleut, après tout…


Mes pas battent aussi rapidement que possible les pavés qui descendent en pente raide vers le port en contrebas. Entre les toits posés sur les murs de pierre typiques des maisons de la région, j’entraperçois la mer grise qui monte à l’assaut des quelques plages et jetées non loin de là. Quelques mouettes planent entre les mats des bateaux à voiles, et la cloche d’un petit chalutier résonne au loin. Une bourrasque iodée fait s’envoler les pans de mon manteau lorsque j’arrive enfin dans la rue qui longe les quais. Entre les boutiques de souvenirs et de cirés jaunes ou bleus, j’aperçois quelques cafés, quelques brasseries dans lesquelles je me prends à rêver de pouvoir lire sans qu’elle me dérange. Je continue de déambuler sur les pavés gris qui bordent les pontons de bois, cherchant du regard cette ancre au milieu des fleurs. Je me laisse guider par mes pas autant que par la tempête de pensées qui éclate à nouveau en mois.


Je me prends à sourire en pensant à ce week-end qui commence. Ce week-end sans que je n’aie quoique ce soit à justifier. Je ne regrette aucun des kilomètres que j’ai parcourus pour arriver dans ce petit village de Bretagne. Je balaie la culpabilité qui nait en moi aussi vite qu’elle arrive, et j’essaie de me concentrer sur l’écho de mes discussions. Je veux rester égoïste. Je veux penser à ce qui me fait du bien, à ce qui va me faire du bien. Le reste, ma femme, mes enfants, rien d’autre n’a d’importance.


Je m’arrête. Les tulipes sont bien là, jaunes, rouges, blanches, violettes… L’ancre vert de gris trône au centre du parterre, comme pour rappeler aux touristes qu’ils sont dans un port maritime. Pourtant, il manque quelque chose. Je laisse mon envie me guider vers l’un des quelques bancs déserts. Autant en profiter pour me reposer un peu après tout ce chemin.


Je pose mes sacs à côté de moi et m’assois sur l’assise en granit, le regard vague plongé dans l’écume qui bat les coques. La marée montante apaise mes oreilles, mon âme… Le calme des lieux me fait frémir. Peut-être les prémices d’une tempête, comme celle que la vie me fait traverser depuis plus d’un an. Je ferme les yeux, je m’ouvre à l’ouragan de souvenirs et d’émotions qui rugit en moi. La culpabilité, les sentiments d’échec, les déceptions qui ont suivis les efforts. Les promesses et les espoirs brisés en une écume d’amertume. Les reproches et les regards que j’ai encaissés et ceux que j’ai tu. Les vérités que je lui ai caché, les mensonges que je lui ai racontés, autant pour éviter de la blesser que de subir sa colère que je ne veux de toute façon pas affronter.


Je ne veux plus penser à ma femme, je la pose sur un siège éjectable dans mon esprit et appuie sur le bouton rouge. Elle pourrait avoir besoin de moi que je ne viendrais pas.


Les pas lents sur le gravier qui entoure les tulipes s’imposent soudainement comme un fanal. Une douce présence s’assoit à côté de moi et s’appuie sur mon épaule. Plus que le parfum de son écharpe, ce sont les senteurs de ses cheveux de feu qui me font doucement froncer le nez de bonheur, de désir aussi. Je n’ai pas besoin de laisser mes paupières s’ouvrir pour savoir que ses yeux verts sont emplis de cette lueur si particulière, que ses lèvres s’étirent dans un vrai sourire.


Ses doigts fins hésitent puis viennent chercher les miens, lentement, pour enfin les entrelacer. Un frisson nait en moi. Je sens ma gorge se nouer alors que quelques-unes de ses mèches viennent piquer ma barbe. Mon cœur, que je ne savais plus battre, bat si fort. Je profite en silence de ce contact, je n’ai pas besoin de plus pour le moment.


— Merci, dis-je d’une voix soudainement si rauque.

— Pourquoi j’ai l’impression que ce merci résonne comme un ‘‘Je t’aime’’ ? me répond sa voix si douce, si apaisante.


J’ai tant grimacé de déception, d’amertume, de douleur. J’ai tant grimacé sous les reproches, sous les mensonges, sous la colère, celle de ma femme et la mienne.


Je tente de chasser la dernière parcelle de culpabilité de mon esprit, et je souris. Je suis enfin avec Elle.














Awoken

J'ai une nouvelle fois beaucoup aimé ton texte, les personnages sont attachants, même la femme sur-stressée de ce que j'ai pu en voir, et la jeune femme qu'on entraperçoit qu'un instant. Bravo!


Le 13/10/2022 à 19:10:00

















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