Un homme entre dans une chambre d’hôtel une bouteille à la main, et vient s’asseoir sur un lit. Un miroir reflète une partie de la salle de bain non-loin. Les volets sont clos, et la seule lumière est celle du couloir filtrant à travers la porte entrouverte. Dehors, le vent souffle. C’est l’hiver.

Jack, caressant l’occupant du lit
Salut bonhomme. Tu dors bien ? Tu fais de beaux rêves ? Tu ne peux pas m’entendre, tu as l’air si calme. Si apaisé. Si… béat. Tu t’amuses bien en ce moment ? J’espère que tu t’amuses bien, même s’il n’y a pas grand monde. Après tout, c’est pas vraiment la pleine saison, mais bon… Il y a quand même un peu de clients. Je suis désolé de t’avoir trainé là, toi et ta mère, mais bon. Il fallait que je m’éloigne de… De tout ça. Tu ne pourrais pas comprendre… J’espère qu’un jour tu comprendras. Quoiqu’il en soit, c’est juste pour un hiver. On va refaire notre compte en banque, et au printemps on va retourner à la maison. Ça ira mieux. Bien sur que ça ira mieux.

Jack, après avoir soupiré
Bien sûr que ça ira mieux. Ici, il n’y a rien qui puisse me faire craquer. Pas de problèmes. Pas de regards en coin de gens que nous connaissons… Juste toi, moi, et ta mère… Ta… putain de mère ! Pardon. Elle… Elle ne comprend pas, elle ne me comprend pas. Elle ne peut pas me comprendre. J’ai tellement de secrets à lui révéler, mais elle ne… comprendrait pas ! J’ai connu une femme, Sandy… Elle, elle me comprenait. Mais bon, je suppose que je vous dois bien cela, à toi, à ta… bonne à rien de mère ! Si… parfaite, si… "bien comme il faut". Et toi, mon garçon… Si parfait aussi… Une belle famille, si parfaite. (Rageant dans sa barbe) Une famille de merde, oui ! Il ne faut pas que je m’énerve. Pas encore. Pas encore…

Jack, après avoir soupiré
Bien sûr que ça ira mieux. Mon… mon livre avance. Page après page, même si ta mère n’arrête pas de m’interrompre pour n’importe quoi. Mais ça avance, page après page. J’aimerais juste que tu fasses moins de bruit quand tu joues avec les filles Grady. Et ton tricycle… Ton putain de tricy… (inspirant et expirant pour garder son calme) J’aimerais juste pouvoir me concentrer quand j’écris dans le salon. Bien sûr, tu es un gamin de maintenant, tu n’as pas connu l’éducation d’avant. (Serrant fort quelque chose sous le drap) C’était à la dure. On jouait peu, on travaillait en permanence. Toi tu as la chance de pouvoir jouer, moi je n’ai jamais joué. Du travail en permanence. Aucune distraction. Oui, ton père Jack était un bon garçon… Mais bon… Je ne peux pas t’en vouloir. Tu n’as aucune idée de ce que je traverse… Aucune. Idée.

Jack, après avoir soupiré
Bien sûr que ça ira mieux. TU CROIS QUE C’ETAIT DE MA FAUTE ? Tu es si… Agaçant ! Si… Parfait ! Le parfait petit garçon, qui est libre de faire ce qu’il veut ! Moi, je suis prisonnier ! Prisonnier de vous deux ! Prisonnier de ta mère, qui est incapable de faire quoi que ce que soit de ses propres mains, (approchant ses deux mains près de l’oreiller et les liant comme pour prier) et qui m’interrompt dans mon travail en permanence ! Prisonnier de toi qui peut avoir tout l’amusement qu’il veut, alors que je dois bosser ! Tu sais ce que c’est bosser ? C’est trouver de quoi vivre et faire quelque chose qu’on n’aime pas pendant que ton gosse se la coule douce ! C’est ça qui fait de toi un bon garçon. Un garçon chiant, oui !

Jack, après avoir soupiré
Bien sûr que ça ira mieux. Je veux juste bosser mon roman… Je veux juste bosser mon roman ! JE VEUX JUSTE BOSSER MON ROMAN ! ET ÊTRE LIBRE DE VOUS TOUS ! Si seulement je… Mais je peux… Delbert a raison sur toute la ligne, je peux. Vous. Corriger. Il me suffit de… Il me suffit de couper les radiocommunications. De… de saboter le chasse-neige. Et ensuite, je me libérerai de vous ! A l’ancienne, à la hache. Enfin libre. Enfin libre… Merci bonhomme. Merci Dany. Au final, tu m’as donné la solution.

Jack, buvant une rasade de sa bouteille
Du travail permanent, et aucun amusement, font de Jack un gosse chiant. (Ricanement) Du travail permanent, et aucun amusement, font de Jack un gosse chiant. (Ricanement) Du travail permanent…

Riant à gorge déployé, Jack sort de la chambre 237. Vide.