L'Académie de Lu





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L'Histoire de Ju


Passager clandestin

(par Downforyears)
(Thème : Mélange : self-insert / projet)



Lorsque j’ouvre les yeux, je suis assis dans le noir. Je sens une paroi dure contre mon dos, et mes jambes sont repliées contre moi. La vibration qui me berçait commence à devenir assez désagréable. J’essaie de lever mes bras, mais mes mains heurtent une autre plaque. C’est froid, surement de l’acier.


Par le Kraken, où est-ce que je suis ? Par le Kraken. Depuis quelques mois, j’utilise cette expression, même avec mes amis. Dans ma classe de seconde, on m’appelle Ju le Libraire. Dernièrement, j’ai englouti les Vaisseaux-Artefacts, une série de SF que j’adore. En même temps, si je l’ai englouti, c’est forcément que je l’adore. Les planètes, les vaisseaux, et surtout les personnages ! De l’aventure à bord de chasseurs stellaires, dans des mégalopoles de plusieurs kilomètres de hauteur, au sommet de l’Arbre Père aussi haut qu’une montagne… Mais le principal lieu de toutes leurs aventures, c’est le Clipper Stellaire Type 6 du Capitaine de Hiercourt, le Naufrage.


Mais c’est pas cette série de romans qui va m’aider à sortir de là. En désespoir de cause, je tambourine contre les parois métalliques. Les coups résonnent, et je dois m’arrêter assez vite. Taper du métal, ça fait assez mal. Je réessaie avec les pieds. Je m’apprête à donner un énième coup de talon lorsqu’un grincement me déchire les oreilles et qu’une lampe m’éblouit. Je me protège les yeux. Une voix métallique m’interpelle.


— Qu’est-ce que tu fais là toi ? Capitaine, on a un passager clandestin.


Je regarde l’origine de cette voix métallique. Un androïde composé d’un tronc en métal, de membres assez rudimentaires, et d’une tête parallélépipédique munie d’un petit écran circulaire. Pour l’instant, il affiche un accent circonflexe à l’envers. Je suppose qu’il est contrarié.


— Entendu, je vous attends ici. Toi, debout, me fait-il signe.


Je m’appuie sur les bords et je me hisse hors de la caisse. Je ne sais pas comment je me suis retrouvé dans un hangar assez grand pour accueillir des dizaines de caisses métalliques comme celle dans laquelle j’étais, un établi aussi large qu’une bibliothèque renversée, et deux vaisseaux aussi volumineux que des petites Smart. L’androïde me plaque un canon dans le bas du dos, et je me dirige vers une échelle jaune qui part vers le plafond… Quoi ??? Deux vaisseaux ???


J’ignore le robot et je me rue vers les deux machines. Deux vaisseaux, comme dans Star Wars !!! Ils ressemblent à des Tie Fighters, mais sans les ailes sur les côtés. A la place, ils ont une couronne en métal bardés de canons, et une queue métallique) comme celle d’un hélicoptère) munie de deux réacteurs. A l’intérieur du cockpit, je peux apercevoir un manche à balai comme celui d’un avion. Il y a pas à dire, ils sont stylés ! Je sens de nouveau le canon de l’androïde dans mon dos.


— Quand tu auras fini de t’extasier sur nos chasseurs, tu pourras avancer ? Un peu plus et je te trouais…

— Pardon. C’est la première fois que j’en vois comme ça. (si je n’étais pas dans les ennuis jusqu’au cou, ce serait Noël…)

— 875, j’étais pareille la première fois. Et tu vois bien qu’il est pas armé, il a pas l’air de vouloir nous nuire. Il est inoffensif.


Je regarde la jeune femme qui vient de parler, et ma mâchoire manque de se décrocher. Elle doit avoir dixhuit ans, et elle est plus belle que les filles que j’ai l’habitude de voir au lycée. Elle est assez fine, musclée, et a assez peu de formes. Elle a des cheveux très courts, presque rasés, et je sens ses yeux verts me jauger. Son t-shirt et son jean sont usés par le temps, de même que son regard, comme si elle avait vécu de terribles épreuves. Elle n’est pas juste belle, je la trouve magnifique.


Elle en a vu de toutes les couleurs, elle est tout à fait mon type, et j’ai l’impression de la connaitre.


— Moustique, ce n’était pas la même chose. On avait besoin de toi, et tu venais…

— Je sais très bien comment c’était pour moi, merci, répond-elle avec un sourire contrit. Toi, dis-nous ce que tu fais là.


Je m’apprête à répondre, et je ne trouve pas les mots. C’est Moustique. Moustique ! J’ai l’impression de la connaitre par cÅ“ur. Ses joies, ses peines, les bons moments qu’elle a vécu, les épreuves qu’elle a traversées. J’ai dix-mille questions qui me viennent à l’esprit, et pas un son ne sort de ma bouche. Je bugue. S’il y a bien un endroit dans l’univers que je souhaitais visiter, c’est le Naufrage, et je ne peux même pas répondre.


Et je sais toujours pas comment je suis arrivé ici ! J’essaie de me reprendre. Devant moi, 875 et Moustique débattent sur mon sort. J’entends des bottes résonner sur l’échelle jaune.


— Vous en mettez du temps, les sermonne une voix douce.


Explication numéro une : je me suis fait enlever par des aliens, qui m’ont foutu dans une caisse qu’ils ont revendue, et je suis arrivé comme ça dans le Naufrage. Explication numéro deux, je suis dans un rêve, comme dans les histoires qui ont un mauvais scénario. Explication numéro trois, je suis mort et je me suis réincarné dans la galaxie où s’affrontent la République et la Piraterie, comme dans les histoires qui ont un très mauvais scénario. Dans tous les cas, j’ai devant moi la personne la plus douce qui puisse exister dans la série des Vaisseaux Artéfacts.


Aï, la Sylve lieutenant du Naufrage. Sa peau en écorce et ses feuilles sur la tête sont reconnaissables entre tous. Elle est la tireuse d’élite de l’équipage, et l’amante de Moustique. Alors que leur histoire d’amour m’avait parue insipide au début (en même temps, quand on a mon âge, on préfère l’action des shônens à l’amour des shôjo), j’avais appris à apprécier leur lien forgé au fil des difficultés. Par le Kraken, je dois rêver.


— Pardon ? me demande la Sylve.


Je vois ses feuilles bouger au gré de ses mouvements et faire des bruissements. 875 affiche un cercle bleu qui tourne sur lui-même, comme le curseur de Windows, et Moustique fronce des sourcils en me regardant.


— Désolé, j’ai pensé à voix haute.

— Evite, me dit Moustique d’une voix un peu cassante, ça nous déconcentre. Bon, tu viens d’où ?

— Marguerittes, en France.

— Marguerittes ? C’est une ville ? Et la France, c’est une planète ? me demande Aï, visiblement intéressée.

— Je n’ai aucune ville nommée ainsi dans les bases de données du Naufrage, indique 875. Et aucune planète nommée France.

— Tu nous mens, gamin, gronde Moustique.


Je ne la pensais pas si susceptible. Après quelques instants de réflexion, et quand je repense à tous ces chapitres traversés avec elle, j’aurais dû me douter qu’elle serait sur la défensive. Je suppose qu’après toutes ces heures passées à lire ses aventures je l’ai un peu idéalisée.


— On va reprendre doucement, intervient Aï. Je crois que vous effrayez le gamin. Tu viens de quelle planète ?

— La planète Terre.

— Est-ce que tu te rappelles ce que tu faisais avant d’arriver dans cette caisse ?

— Je dormais.

— Oh joie, nous avons un dormeur, fait remarquer une voix sarcastique.


Mon cœur rate un battement. Amphis vient d’arriver. Le Batrale (amphibien humanoïde) à la peau noire et jaune et à la langue enroulée autour de son cou comme une écharpe n’a même pas pris la peine d’emprunter l’échelle, et s’est réceptionné après une chute de plusieurs mètres. D’après ce que j’ai lu, il n’est impressionné que par les capacités de la personne qu’il a en face de lui. Je décide de lui répondre de manière bravache.


— Quand je dors pas, je suis le meilleur tireur du Mont Malade. (Je crois que j’ai été un peu trop bravache).

— J’attends de voir, me répond le Batrale. Tu vois les deux cibles près du plafond ? Si tu les touches de là où tu es avec les pulseurs de Moustique, je veux bien te croire.


Moustique me tend ses pulseurs avec résignation, et j’en prends un avec un peu d’appréhension. Depuis mon duel contre Jo, je me suis entrainé avec le pistolet à billes de mon frère. Moi qui n’apprécie pas le sport, je me demande parfois si je ne devrais pas m’inscrire dans un club de tir. Je prends le pulseur à deux mains, sous le regard moqueur de Moustique, je vise et j’appuie sur la détente. Le recul est infime, et je vois les billes de plasma fuser hors du canon. Je touche les deux cibles les doigts dans le nez.


— Je te le confie, Moustique, ordonne le second lieutenant. Tu arriveras peut-être à en faire quelque chose…

— Tu devrais te tenir à carreaux avec Amphis, m’indique 875 qui affiche des points de suspension. Les filles, vous pouvez l’accompagner chez le capitaine ?

— Suis-nous, gamin, m’ordonne Moustique.

— On va te faire visiter le Naufrage en même temps, complète joyeusement Aï.


Je suis les deux pirates. Il ne se passe pas une minute sans que je pousse une exclamation. Les cabines (où Allen et Pitt, deux gars bien humains, sont en train de jouer aux cartes), le mess (où deux rats humanoïdes se disputent un morceau de fromage de la taille d’une playstation), la salle d’entrainement où Amphis est venu méditer aux côtés d’un colosse (surement Cassius, le maitre d’abordage)… Enfin, on arrive à la serre. Elle est comme décrite dans les romans. De nombreuses plantes grimpantes s’accrochent à des grilles en métal, et leurs fruits et fleurs commencent à m’enivrer. A travers la vitre, je peux voir une planète rouge et bleue entourées d’anneaux.


— C’est quelle planète ?

— Aelios, me répond Aï. On y est venus chercher un plan de vol pour trouver un certain vaisseau. On…

— Aï, l’interrompt Moustique. Je ne suis pas toujours de l’avis d’Amphis, mais moins le gamin en sait, mieux ce sera.

— Bref, c’est Aelios. Fayeshu shayael ? demande-t-elle à Moustique.


Les deux femmes commencent à parler seyevi, la langue des Sylves. Elle est bien plus belle que lorsque je l’avais imaginé en lisant les quelques mots dans les romans. J’ai l’impression d’entendre le vent dans les feuilles et le chant des oiseaux dans la canopée, de sentir l’humidité de la jungle et les senteurs des fleurs à larges bords du sommet de l’Arbre-Père.


Je soupire. Le Naufrage est si accueillant que j’en oublie presque qu’il n’est censé être qu’un lieu dans une histoire. Les membres d’équipages sont si vivants, les odeurs sont si inhabituelles, les sons résonnent en moi… J’aimerais que cette nuit (ou cette journée, dans l’espace, je n’arrive pas à le dire) ne finisse jamais. Quand je pense à ma vie, elle est bien moins colorée, comme si je n’étais destiné qu’à être un personnage d’histoire courte.


Je me reprends, rattrape les deux femmes qui viennent de partir par la porte (on peut vraiment dire femme pour un être végétal ? Je sais que l’auteur le faisait pour simplifier les choses, mais est-ce que c’est grammaticalement correct ? Aucune idée) et les suis. Le Naufrage est vraiment grand, presque labyrinthique, et après quelques minutes dans les couloirs, nous arrivons enfin au poste de pilotage.


Le panorama qui s’étend derrière la verrière est magnifique. Le haut de la verrière dévoile une toute petite partie d’Aelios, tandis qu’un autre astre (surement son satellite) se dévoile sur la partie basse. Au loin (à des dizaines, des centaines de kilomètres peut-être) je peux voir d’autres vaisseaux. De nombreuses volutent colorées parcourent l’espace infini devant mes yeux. Si je me souviens bien des vidéos sur internet, on doit se trouver dans une nébuleuse.


Au centre du demi-cercle de verre trône une grande barre de navire bardée de boutons. Un homme assez grand la fait tourner doucement, abaisse ou monte des leviers, et pianote sur les boutons. Sur la droite du poste de pilotage, un humanoïde avec deux paires de bras et une tête de fourmi pianote sur un clavier d’ordinateur. Dorenal, le Krizz qui connait de nombreuses langues de la galaxie.


J’ai le vertige. Il y a trop de lumières, d’odeurs, de sons, de vibrations, d’informations, d’écrans… Je passe par trop d’émotions à la fois, et je sens que je tombe. Une main ferme se poser sur mon épaule. Le capitaine vient me redresser. Cheveux bruns en bataille, vieille chemise blanche, une rapière accrochée à sa ceinture noire à côté d’un colt qui parait ancien. Je m’effondre en balbutiant.


— Maximilien de Hiercourt ?

— Tu me connais ? me demande le Capitaine.

— Un peu. Je suis fan de votre équipage (j’ai rien de mieux à dire ?)

— Le Doc arrive. Ce n’est pas souvent qu’on a un passager clandestin.


Un Numérien arrive. C’est une sorte d’alien à la peau bleue-turquoise. Il ressemble à un slime humanoïde, et porte une blouse. Il sort un appareil et me scanne.


— Tout va bien. Il a juste besoin de manger. Emmenez-le voir Morj.


C’est le brouillard autour de moi. Je sens qu’on me porte, puis qu’on me dépose sur une banquette. Ma vision se fait un peu plus nette. Les deux rats humanoïdes, plus petits que moi, me regardent avec curiosité. Bonta et Banta, les deux pilotes de chasseur. Derrière une ouverture, je vois Morj, le Ling (un alien obèse à la peau grise dont la langue colossale sort et rentre régulièrement) s’affairer en cuisine. Après quelques minutes, il arrive et dépose une marmite devant moi. Sa voix est rocailleuse.


— Mange gamin. Les Rongeurs, Allen et Pitt vous attendent dans le hangar. Trainez pas !


Les membres d‘équipage partent. Il ne reste plus que Moustique à table. Elle me fixe intensément, et j’essaie de lui sourire pour dissiper la tension qui s’installe. Sans succès. Je me concentre sur le contenu du plat. Il y a une sorte d’insecte aussi gros qu’un lapin, et malgré son anatomie totalement inhabituelle, j’ai faim rien qu’en le regardant. Le fumet qu’il dégage me fait saliver. Je me sers et croque la viande à pleine dents. C’est aussi bon que du poulet rôti, les pattes sont aussi bonnes et croquantes que des frites, et je sens des saveurs qui me sont inconnues. Le sucré-salé est vite remplacé par de l’amer-acide, et l’umami vient clore chaque bouchée en apothéose. Mais j’ai à peine le temps de finir mon assiette que Moustique m’attrape par le col.


— Maintenant que tu as mangé, tu me dis tout ce que tu sais ! Crache-t-elle.


Lorsque je lisais les Vaisseaux Artéfacts, je m’imaginais Moustique comme quelqu’un de renfermé au début, mais qui avait appris à s’ouvrir aux autres. La Moustique devant moi était pleine de fureur, et effrayante.


— Tu ne me croirais pas si je te le disais.

— Essaie ! M’ordonne-t-elle.

— De là d’où je viens, un auteur a écrit des histoires sur toi. Sur l’équipage. Sur le Naufrage. Sur la Piraterie.

— Par exemple ? Est-ce qu’il a écrit des choses sur mon passé ?

— J’ai peur de te mettre en colère si je te le dis. Tu me fais peur.

— Tu as raison d’avoir peur. Alors ? Qu’est-ce qu’il a écrit ?

— Ce que t’a fait Face de Poulpe, par exemple.

— Fais bien attention à tes prochains mots, me lance Moustique d’une voix glaçante en pointant un pulseur sur moi.

— Dans mon monde, tes aventures sont connues de tous ceux qui lisent ces livres. Je les ai lues. Mais pourtant, tu es très différente de ce que racontent les livres.

— Ton… auteur… n’est pas très perspicace. Quoi d’autre ?

— Je crois qu’il a tout écrit sur toi. Ta fuite de Tétra, ta découverte du Récif, votre escale Votchi-Atala, la poursuite en orbite autour de Noeri, le Léviathan… Tes aventures sont formidables, touchantes, enivrantes. Je les ai lues une demi-douzaine de fois, et je crois que je les relirai au moins une autre dizaine de fois.

— Ta vie à toi ne doit pas être très intéressante alors.

— Parfois, j’ai l’impression de n’être qu’un personnage pour un récit très court. Mes aventures ne sont pas intéressantes.


Qu’est-ce que je fais ? Je me plains, alors que je suis sur le Naufrage. Je devrais être en train de parcourir l’espace dans un chasseur, de combattre Hyperion Sécurité… Pas de me morfondre devant une marmite vide. En face de moi, Moustique semble se rasséréner. Comment fait-elle pour que sa vie soit aussi palpitante ?


— Des fois, j’aimerais avoir une vie aussi calme que celle que tu t’attribues, me répond la cambrioleuse.

— Je viens de penser tout haut ?

— Oui. Quand j’étais enfant, j’adorais les romans d’aventure dans l’espace.

— L’auteur n’en parle pas dans ses romans.

— Je suppose qu’il ne sait pas tout de nous. Si la vie est un roman, peut-être que la mienne est un projet presque abouti, et que la tienne n’est qu’un début de projet ?

— J’y réfléchirai je pense.


Une alarme retentit.


— Galion Républicain en approche ! grésille la voix du Capitaine à travers l’Opa de Moustique (des sortes de smartphones attachés à des bracelets en cuir). Tous à vos postes.

— Je dois y aller. Viens avec moi, je vais te mettre à l’abri.


Je suis Moustique jusqu’au hangar. Dans tous le clipper stellaire, l’équipage commence à chanter. La mélodie me rappelle étrangement quelque chose…


Armez les canons, tous à l’abordage !

Ensemble traversons tempêtes et orages !

Armez les canons, dégainez vos lames !

Nos coups resteront gravés dans leurs âmes !


Je vois Allen et Pitt monter dans les tourelles supérieures. En arrivant au hangar, j’ai à peine le temps d’apercevoir les deux chasseurs stellaires fuser à travers l’écran bleu qui sépare l’intérieur du vaisseau du vide spatial. Non loin de là, Aï descend dans l’une des tourelles inférieures. Moustique me pousse dans une sorte de cocon métallique, et referme l’habitacle. Sa voix me parvient grâce à un intercom.


— Désolé gamin, mais on peut pas te garder dans nos pattes. Ordres du capitaine, on te largue sur Soleya, le satellite d’Aelios. Bon voyage, et n’oublie pas. Tu es le début d’un projet, peut-être que l’Auteur te réserve de bonnes choses.


Le cocon vrombit, et je vois le Naufrage s’éloigner. J’encaisse les G, alors que la chanson pirate me parvient encore par l’intercom.


Défiant La République et ses Lois

Défiant les Dieux et les Rois

Pendant notre Jugement, notre Odysée

Nous sourions, ne cessons de chanter.


Je chute, je chute. La sensation est très désagréable, et autour de moi, le cocon vibre de plus en plus.


Man the cannons, climb aboard !

Together weather every storm !

Man the cannons, draw your sword !

They’ll remember us forever more !


— Ju, ton réveil, putain ! Il est six heures !


A tâtons, je cherche mon smartphone. On est samedi, et j’ai oublié de déprogrammer le réveil. Mon frère va me le faire payer toute la journée. Autant me rendormir. Visiblement, je suis tombé de mon lit pendant mon rêve. J’ai un gout amer dans la bouche. C’était juste un rêve. Comme dans une histoire avec un mauvais scénario. Autour de moi, je peux voir les figurines de personnages de fantasy, l’écran de mon pc encore allumé, et trois cartes pokemon dans un cadre, souvenir d’une aventure au Mont Malade.


Autant me rendormir…


Je me retrouve dans un bureau. Sur l’un des murs, un grand drapeau de pirate côtoie une caricature et une épée factice. Il y a aussi un faux masque de médecin de peste et une affiche pour une troupe de théâtre. Sur un bureau, un écran d’ordinateur est allumé et éclaire plusieurs dossiers.


Un homme d’une trentaine d’années entre et me traverse, comme si j’était un fantôme. Il ouvre un document word et commence à pianoter sur son clavier. Je me penche par-dessus son épaule.


« Lorsque je lisais les Vaisseaux Artéfacts, je m’imaginais Moustique comme quelqu’un de renfermé au début, qui avait appris à s’ouvrir aux autres. La Moustique devant moi était pleine de fureur, et effrayante.


— Tu ne me croirais pas si je te le disais.

— Essaie ! M’ordonne-t-elle.

— De là d’où je viens, un auteur a écrit des histoires sur toi. Sur l’équipage. Sur le Naufrage. Sur la Piraterie. »


Je réprime de justesse un hoquet. Cet homme est l’auteur dont je parlais avec Moustique.


— Oui. D’ailleurs, je suis en train de corriger les dernières fautes, avant envoi de ce récit sur un canal communautaire, m’indique l’auteur.

— Vous me voyez ?

— Nous avons cette discussion pages 6. Je dois reconnaitre que tu m’as surpris, Ju.

— Comment ça ?

— Tu n’étais au début qu’un simple personnage que j’avais imaginé pour un défi. Et tu as réussi à revenir dans un deuxième défi.

— Un défi ?

— Un concours en ligne entre auteurs. J’ai beaucoup hésité à te faire revenir, mais tu as réussi cette épreuve aussi. J’ai noté tes doutes quant à ton intérêt scénaristique, mais comme te l’a dit Moustique, tu es le début d’un projet. Qui sait ce que je te réserve à l’avenir… Maintenant si tu veux bien m’excuser, j’ai une relecture à finir.


L’auteur claque des doigts et la pièce disparait. Alors que je me réveille, le souvenir de mes rêves s’efface. Un gargouillis parcourt mon estomac. Une chose est sûre.


Les soirées poulet frites et lecture jusqu’à minuit passé, c’est fini pour moi.










Cette histoire fait partie d'un tout plus grand !











Zandra-Chan

je viens de finir ton texte. Ma foi... J'ai beaucoup aimé ! Je suis pas très bonne en commentaires constructifs donc... Je vais me contenter de dire que c'est ingénieux, ces récits imbriqués (je sais pas comment formuler ça autrement). Au plaisir de revoir Ju pour un autre défi ? ^^


Le 16/05/2021 à 16:52:00



Elinor

J'ai beaucoup aimé ton texte. Tu étais pas forcément dans les clous, mais comme je l'ai dit à 2KBoy, les clous, c'est nul, ça fait trébucher. D'autant que plein de personnes se sont permises de jouer avec la contrainte, donc t'inquiète, on t'en tiendra pas rigueur :wink: . Pour ce qui est du fond, tu m'as fait sourire plusieurs fois. J'adore le concept du le gars se retrouve dans une histoire alors que lui même est dans une histoire mais le sait pas forcément puis le sait, enfin tu vois ce que je veux dire. J'aime beaucoup Ju à vrai dire, et la manière dont tu as tout amené est vraiment bien trouvé. Je l'ai déjà dit, mais je pense que tu l'as compris, j'ai beaucoup apprécié^^


Le 17/05/2021 à 18:11:00

















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