Je dormais profondément parmi mes frères et sœur lorsqu’il est entré dans notre dortoir. Je rêvai quand soudain, j’entendis ses pas lourds faisant grincer le parquet. J’entendis les frissons de ma fratrie alors qu’il caressait leur flanc, tel un prédateur. Je vis sa silhouette hésiter, dessinée par les rayons de la lune. C’est moi qu’il choisit cette nuit-là. Mon calvaire ne faisait que commencer.

Il me prit par le dos, m’arrachant presque à la couverture que j’aimais tant. Une couverture sombre, douce. Je m’y accrochai autant que faire se peut. Il me porta jusqu’à une large et longue table, non loin de là où je dormais. Il alluma une lampe, aussi puissante que celle d’un médecin. La braqua sur moi. Il écarta mes membres, à gauche, à droite. Il me forçait à dévoiler mon intimité, la violait, bribe par bribe. Il fouillait, il lisait en moi comme dans un livre ouvert.

Je voulus crier, hurler. Les mots restèrent en moi. Mais le pire… C’est que je n’arrivais même pas à satisfaire ses désirs. Chaque minute, chaque seconde qui passait accroissait la colère dans ses yeux, le dégout dans son regard.

Lorsque l’aube finit enfin par poindre, il glissa un long cylindre métallique froid en moi. Me referma. Le parfait geste inverse de celui qu’il avait réalisé pour m’ouvrir.

Silencieusement, je sanglotai. Toute la journée. Je voulais hurler, crier, me jeter des hauteurs que j’affectionnais tant par leur calme. Je restais là, paralysé. Je tentais de me convaincre que tout cela n’avait été qu’un cauchemar. Le corps étranger qu’il avait laissé en moi me rappelait qu’il n’en était rien. Il m’envahissait, me déformait de l’intérieur, détruisait mes lignes si droites que j’affectionnais tant.

La nuit suivante, je parvins à m’endormir difficilement. Je m’assoupissais enfin, lorsque j’entendis des bruits de pas. Je vis sa silhouette se détacher. Me choisir. Il soupira, comme si me torturer était une épreuve horrible qu’il s’infligeait.

J’étais la victime. C’ETAIT MOI LA VICTIME !!!

Chaque nuit, pendant une semaine, il me tortura. Chaque nuit, il m’écarta, m’ouvrit, soupira, comme un lugubre chirurgien, laissait son speculum au début du jour. Ce spéculum, qu’il laissait, que je sentais toute la journée. Qui me déformait de plus en plus. Je sentais ma fratrie s’inquiéter pour moi. Je ne pouvais que rester muet.

Enfin, il arriva à ma fin. Je soupirai, peut-être qu’enfin, il me laisserait tranquille. Il n’en fit rien. Avec une mimique de dégout, il retira le speculum. Il me mit dans un sac comme on mettrait un vulgaire carnet dans une sacoche, comme s’il avait honte de m’avoir torturé. Il sortit de l’Académie où je vivais en permanence, traversant une vaste place parsemée de feu de camps et de tentes, que je pouvais deviner à travers la toile du sac. Il s’approcha d’un bidon enflammé, et me jeta dedans.

Comme s’il était enfin soulagé.

Je sentis les flammes crĂ©piter autour de moi, cloquer cette couverture Ă  laquelle je m’obstinais Ă  m’accrocher. Mes extrĂ©mitĂ©s se racornirent. Je soupirai, enfin ce calvaire Ă©tait terminĂ©. Puis une vision d’horreur s’imposa Ă  moi. Mes frères et sĹ“urs ? Leur feraient-il subir le mĂŞme sort ???

Je tentai de hurler. Comme à chaque fois, je restai muet. Je n’avais jamais su faire autrement.

Down s’assit à côté de JilA, Eskiss et Faucheuse. Tout autour d’eux, l’Académie était encore en construction. Autour du bidon empli de flammes par Sourne, les travailleurs se réchauffaient avant d’aller dormir. Avant une nouvelle journée de travail.

— Alors, c’était comment ? demanda Eskiss.

— Cinquante Nuances de Grey ? Je n’arrive pas Ă  savoir s’il est plus ou moins malaisant que la fanfic de Malkym…