L'Académie de Lu





Pas encore inscrit ? /


Lien d'invitation discord : https://discord.gg/5GEqPrwCEY


Tous les thèmes
Rechercher dans le texte ou le titre
Expression exacte
Rechercher par auteur
Rechercher par type de défi
Tous les textes


PseudoMot de passe

Mot de passe perdu ?

Triple défi mélilémots, rencontre, sans auxiliaire

Visite guidée

Défi de Schrödinger (trois images)

Academy Universe - nouveau lore

Timeline du Nauteur


Le Cloître

(par Downforyears)
(Thèmes : DĂ©fi de Schrödinger / Visite guidĂ©e / DĂ©fi d'Ellumyne)





Des chants murmurés, des prières soufflées, des élégies chuchotées m’entourent. Le vent, flâneur et froid, me réchauffe le cœur et me glace le sang. Avant d’ouvrir mes yeux, je sais où je me trouve. Là où je ne devrais pas. Là où se trouve mon refuge.


Combien de temps depuis la dernière fois ? Combien d’années passées comme autant de siècles ?


— Bien trop longtemps pour que je t’en veuille, mais bien trop peu pour tomber dans l’oubli, me rĂ©pond une voix aigre. Tu pensais vraiment que je disparaitrais avec le temps ?

— Mezeliel…


J’ouvre mes yeux, et résiste à l’envie de les refermer aussitôt. Les colonnes blanches supportant des toits de tuiles provençales rouges et oranges. Le marbre gelé, les portes des cellules en bois pâle, les chants grégoriens psalmodiés par d’invisibles fantômes, le jardin aux milles nuances de verts, aux cents variétés de roses, et ce ciel empli d’une brume blanche. Blanche, lumineuse, éblouissante… Mes pupilles se contractent douloureusement. La clarté me fait gémir de douleur.


Je sens les perles de brume sur ma langue, le gout des pétales de rose sur mon palais, et le son des cloches sur mes tympans. J’observe la créature près de moi avec effroi et émotion. Il m’attire et me repousse.


Mezeliel.


Démon ou ange ? Maitre ou serviteur ? Je le regarde et il me regarde, comme deux reflets se scruteraient, sans possibilité de discerner l’original de sa copie. Ma copie, plus fine, plus svelte. Mon original, plus intelligent, plus vif d’esprit.


Plus retorse, plus vile. Maléfique. Ma parfaite némésis.


Pur produit d’une solitude de plus de deux ans, qui ne me quitte jamais alors même que j’aimerais l’oublier. Je masque ses défauts, il tente de masquer mes qualités, et je ne sais plus qui masque le visage de l’autre. Un frisson me parcourt, alors que mon regard croise une petite rotonde romaine au centre du jardin. Un lierre minéral s’accroche aux colonnes, tentant d’échapper à une terre noircie, corrompue.


— La prison remplit toujours son office ?

— Bien sĂ»r. Tu veux aller le voir ? me demande Mezeliel, un sourire malĂ©fique barrant sa figure.


Il sait que je ne dois pas descendre. Il sait qu’avec ces mots, il prend l’ascendant, et que je ne peux pas résister. A Sa simple évocation, mes jambes me portent malgré moi. Mes pieds nus font crisser le gravier, je sens le minéral contre la corne de mes talons.


Je me vois, comme au ralenti, marcher sur l’allée de petits galets blancs, puis gris, puis noirs. Je sens l’odeur de la décomposition envahir mes narines.


Je me vois, comme au ralenti, me baisser par instinct en passant les colonnes de la rotonde. Je sens le goût de la pourriture sur mes papilles.


Je me vois, comme au ralenti, descendre chaque degré de cet escalier en colimaçon couvert de mousse, regarder dans les profondeurs illuminées par une sphère blanche. Mes dents machent la poussière d’os en suspension, mes mains agrippent la pierre couverte de lichen.


Alors que je descends, chaque souvenir se transforme en une nuée de poussières multicolores, en une explosion de pigments, comme autant de données sauvegardées et défragmentées. L’indigo, le carmin, le safran et l’émeraude s’envolent avec l’acajou, le corail, l’anthracite et le pourpre. A chaque explosion, je sens mon emprise sur mon corps se relâcher, je sens la volonté de Mezeliel s’imposer à chacun de mes muscles, de mes os, de mes tendons. Mezeliel et mon corps vide me devancent de quelques niveaux, me laissant derrière telle une remorque vidée, âme esseulée. Je dois les rattraper. Il ne doit PAS faire cela.


Comment arrivent-ils à me devancer ainsi ? Je les suis dans la sphère lumineuse, et me retrouve où je craignais de me retrouver. Ou je ne devrais jamais me retrouver.


Mezeliel, mon corps vide et moi observons l’infinité de points lumineux qui flottent dans les ténèbres. Chacun des points brille par intermittence, envoyant ses jets de lumières à ses voisins. Je tente de hurler, mais n’arrive à déclencher qu’une éruption de signaux.


Quelle étrange sensation que de se retrouver ici. Âme perdue, je me sens à ma place. Mon corps se détend alors même que je ne l’occupe pas. Un flux lumineux se fait happer par un point noir. Je hurle un gémissement. Chaque ligne iridescente que mange cette masse obscure la fait grossir, et me fait pleurer, hurler…


Comme réveillé par ces mets, la chose de ténèbres s’agite. Je peine à distinguer les chaines qui ne l’enserrent presque plus. Je sens la tempête contenue dans ces chaines, je sais qu’elle ne demande qu’à éclater. J’aimerais me tenir la tête, mais ne le peux. Une âme reste une âme. Je vois mon corps approcher de la Bête. Un sourire aux lèvres, il tend la main vers ce chaos.


Un sourire aux lèvres, je tends la main vers ce chaos.


La faim, pure et simple. La moquerie blessante. La violence des mots et des coups, gratuite. Les envies de meurtre, de possession. Ce chaos primitif, ces pulsions bestiales, cette inhumanité attirent mon corps et mon esprit, mon âme noircit en conséquence. Je ne désire qu’une chose. M’abandonner à mes plus noirs instincts. Je vais faire disparaitre ces chaines.


Au final, Mezeliel gagne, comme il gagne toujours. Il me piège, comme il me piège toujours. S’il n’explose pas les maillons de morale qui retiennent la Bête, il me convainc de la libérer par moi-même.


Mezeliel, le catalyseur le plus sombre…


Le Démon forgé par ma solitude.


— Down ?


Je reste en apnée quelques secondes. La transpiration dévale mon échine, mes tempes et mon cou. Autour de moi, la taverne me parait bien différente de ce que j’en connais, mais si identique. Comme si elle venait de se détruire et de se reconstruire. Près du fauteuil où je viens de me réveiller, Malkym me regarde avec inquiétude.


— Lui ? me demande-t-il.

— Lui.










Cette histoire fait partie de plusieurs cycles !











JilanoAlhuin

"Le cloitre" : Un excellent texte. La description de l'avancée et des sensations que tu montres sont excellentes, le tout dans un décor qu'on peut très bien s'imager juste en lisant. Comme tes autres textes, les contraintes passent inaperçues. Tu gères super bien :smileycool:


Le 03/11/2021 à 16:39:00

















© 2021 • Conditions générales d'utilisationsMentions légalesHaut de page