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Yoann LE BARS![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Derrière les portes du musée(par Yoann LE BARS )D’un coup d’œil par-dessus son épaule, Joss s’assura qu’il avait semé ses poursuivants et poussa la lourde porte. Il était à présent dans la place, à l’abri, au cœur même du musée, devant la pièce maîtresse du département d’homohistoria.
S’arrêter un instant, reprendre son souffle. Se calmer, rassembler ses souvenirs – devenus épars et diffus, – tenter de se rappeler.
D’où arrivait-il ? Qui cherchait-il à distancer ? Depuis quand le poursuivaient-ils ? Qui étaient-ils ? De quoi avaient-ils l’air ? Même cela, il l’avait oublié. Seul lui restait comme une intuition, la sensation que ses trous de mémoire venaient bel et bien de ceux qui le pourchassaient ainsi.
Réagir, bouger. Surtout, ne pas rester ainsi, pas maintenant.
Joss hasarda un coup d’œil circulaire au travers de la pièce. À l’entrée, un panneau indiquait : « première section – vie quotidienne ». Là trônaient, sans plus de raison d’être, entassés sans grande logique, des objets, sans doute autrefois utiles à la vie quotidienne, mais désormais sortis de leur contexte, comme autant de sculptures non figuratives, comme autant d’images dénuées de sens. Voulant remédier à ce défaut, le conservateur avait ajouté quelques statues de cire, représentant des semblables à Joss, dans des attitudes théoriquement révélatrices, qui devaient rendre évidente l’utilité de ces objets formant un amas hétéroclite.
Est-ce qu’on avait pu utiliser cela dans la vie de tous les jours ? Plus aucun souvenir…
Las ! Ceux qui avaient fondé ce musée n’étaient pas comme Joss et leur tentative n’avait conduit qu’à produire des pantins grotesques, singeant les attitudes qui rendent leurs sens à ces objets, sans jamais parvenir à un semblant de véracité. Mais, après tout, les conservateurs ne pourraient certainement jamais faire mieux, jamais ils ne pourraient comprendre l’importance exacte du placement de la main ou de la position des jambes, puisqu’ils n’étaient pas…
Pas quoi, au juste ? À qui pensait Joss ? Il maudit sa mémoire, devenu un tamis plus efficace que celui que tenait la poupée de cire à son côté. Cependant, en tentant ainsi d’invoquer ses souvenirs, revint à la surface le sentiment d’urgence. En recoupant les diverses bulles de mémoires, il parvint à recomposer une partie des incidents qui l’avaient amené ici. C’était en les fuyants – eux, entités désormais indéfinissables, maintenant que le souvenir de leur forme avait été happé par le gouffre emplissant son esprit – qu’il était arrivé ici. Cela faisait, semblait-il, quelque temps qu’ils le poursuivaient, pour une raison qui lui échappait désormais. Quelque chose dont il était à présent l’unique dépositaire, si tant est que son amnésie galopante le laissât encore dépositaire de quoi que ce soit, avait déclenché leur convoitise ou leur haine.
Et maintenant ?
Joss réussit enfin à décoller ses pieds du sol, jusqu’ici englués dans les méandres accidentés de sa mémoire malade. Il se prit à arpenter les allés vides et mornes du musée : personne ne s’intéressait à ce que fût le quotidien de ses semblables et les rangées de vitrines n’avaient probablement pas vu de visiteurs depuis fort longtemps. Autours de lui, il vit, les uns à la suite des autres, toute une série d’objets qu’il connaissait, qu’il reconnaissait, mais sur lesquels il mettait rarement un nom et jamais une fonction. Tout au plus avait-il une vague idée de la silhouette que provoquait l’utilisation adéquate de chacun de ses outils. Même si, il le sentait, chacun de ses objets lui avait été utile au cours de sa vie passée, pour aucun ne se remémorait-il la fonction, encore moins l’utilisation, de cette série de formes, qui oblongues, qui allongées et effilés.
Il goûta le plaisir de pouvoir avancer à pas lent, ne se sentant plus dans l’obligation de maintenir la cadence soutenue de la fuite. Sa progression était devenue calme et mesurée, tandis que sa respiration s’était faite plus régulière. Enfin, il se débarrassait de l’adrénaline qui s’était brutalement déversée dans ses veines et qui l’avait jusqu’ici tenu dans un état d’excitation intense, prêt à bondir à la moindre alerte : ce n’était pas une attitude qui siée à un tel endroit ; un musée est un temple de la mémoire et réclame du recueillement. Joss prit enfin l’allure d’un amateur d’Histoire attardé, plongé dans une contemplation béate.
Seul le calme permettra de rassembler ses esprits.
Il s’enfonça plus avant dans les salles de ce département.
C’est alors que le décor fut saisi par les stigmates de leur approche. Lentement, le monde environnant devenait plus ténu, se dissolvait. Par endroit, les alentours cédaient au néant noir, prenant au loin l’apparence d’un tissu disparaissant par lambeaux. Peu à peu, l’air ambiant s’emplissait des bruits d’une cavalcade, qui gonflaient en un crescendo terrifiant. Près de lui, Joss vit une vitrine être happés par une gueule de non-être. Quelque chose venait de disparaître mais déjà il n’arrivait plus à savoir quoi.
Brutalement, Joss pris conscience de la menace, de leur arrivée imminente. Alors, il tourna rapidement les talons et se mit à fuir, cherchant à mettre le maximum de distance entre lui et l'anéantissement dévoreur. Refusant de chercher à savoir ce qui s’approchait, il courrait, le souffle court, seulement porté par la peur d’être saisi par le vide. Derrière lui, le galop du néant fulminant devenait plus soutenu, mais aussi plus sourd. Joss ne voyait plus qu’un long serpentin de couloirs dansant, ondulant, sans parvenir à fixer quel était le parcourt erratique qu’il suivait. Derrière, l'abîme, écumant et sifflant, ne parvenait pas à maintenir la distance. Bientôt, Joss l’avait semé. Devant lui, il aperçut l’arcade qui marquait le passage vers une nouvelle section du département. Il ralentit le rythme de sa progression ; ce qui le poursuivait était au loin, mais combien de temps avait-il gagné ?
D’un coup d’œil par-dessus son épaule, Joss s’assura qu’il avait semé ses poursuivants et passa la haute voûte. Il avait pénétré dans une nouvelle salle, maintenant à l’abri, au cœur même du musée, perdu au sein du département d’homohistoria.
S’arrêter un instant, reprendre son souffle. Se calmer, rassembler ses souvenirs – devenus épars et diffus, – tenter de se rappeler.
D’où arrivait-il ? À qui cherchait-il à échapper ? Depuis quand le poursuivaient-ils ? Qui étaient-ils ? De quoi avaient-ils l’air ? Même cela, il l’avait oublié. Seul, lui restait comme une intuition, la sensation que ses trous de mémoire étaient la faute de ceux qui le pourchassaient ainsi.
Réagir, bouger. Surtout, ne pas rester ainsi, pas maintenant.
Joss hasarda un coup d’œil circulaire au travers de la pièce. Près de l’arche, un panneau indiquait : « deuxième section – anatomie générale ». Là trônaient, sans plus de raison d’être, rassemblés sans grande logique, des statues de cire symbolisant différents semblables à Joss, dans des postures presque humaines, comme autant de sculptures pseudo-figuratives, comme autant d’images dénuées de sens. Pourtant, toutes ces images rappelaient quelque chose à Joss, comme s’il avait côtoyé ou tout du moins connu chacune de ses étranges marionnettes immobiles.
Avaient-ils réellement existé, les individus représentés par ces pantins de cire ? Plus aucun souvenir…
Las ! Ceux qui avaient fondé ce musée n’étaient pas comme Joss et leur tentative n’avait conduit qu’à produire des poupées grotesques, singeant les attitudes de ce qui avait été de grands hommes. Mais, après tout, ils n’étaient certainement pas capables de produire mieux que cet amoncellement vide de sens. Comment les conservateurs pourrait-il atteindre un semblant d’authenticité sur ce sujet ? Pourraient-ils un jour saisir la vie de ses hommes, qui étaient…
Qui étaient quoi, au juste ? À qui pensait Joss ? Il maudit sa mémoire, désormais incapable de lui restituer la moindre parcelle de souvenir de sa vie passée – s’il n’avait jamais eut une vie passée – et les statues exposées ici ne lui était d’aucun secours : abandonnées, elles ne semblaient n’avoir d’autre fonction que de présenter au vu et au su de tous ce qui aurait permis de différencier les semblables à Joss des autres, si tant est que Joss eût encore des semblables.
Et maintenant ?
Joss réussit enfin à décoller ses pieds du sol, jusqu’ici englués dans les méandres accidentés de sa mémoire malade. Il se prit à arpenter les allés vides et mornes du musée : personne ne s’intéressait aux pairs de Joss et les rangées de statues n’avaient probablement pas vu de visiteurs depuis fort longtemps. Autours de lui, il vit, s’exhibant les uns à la suite des autres, une formidable concentration d’individus comme lui, tous brutalement figé par quelque machine inconcevable. Désormais, il ne lui restait plus qu’une seule certitude : aucun de ces pantins ridicules n’abhorraient un maintien qui ait pu être celui d’un être fait de chair et de sang.
Il avait ralenti le rythme de sa progression, ne se sentant plus dans l’obligation de maintenir la cadence soutenue de la fuite. Ses pas étaient devenus lents, calmes, mesurés, tandis que sa respiration s’était faite plus régulière. Enfin, il se débarrassait de l’adrénaline qui s’était brutalement déversée dans ces veines et qui l’avait jusqu’ici maintenu dan un état d’excitation intense, prêt à bondir à la moindre alerte : ce n’était pas une attitude qui siée à un tel endroit ; ces rangées de cadavres figés appelaient un peu compassion. Il fallait marcher en se faisant oublier, pour excuser son existence.
Que peuvent-ils bien être, tous ces êtres brutalement figés dans la cire ?
Joss s’enfonça plus avant dans cette deuxième section.
C’est alors que le décor fut saisi par les stigmates de leur approche. Lentement, le monde environnant devenait plus ténu, se dissolvait. Par endroit, le néant noir déchirait la trame de l’environnement, qui prenait, au loin, l’apparence d’un vieux tissu s’effilochant. Peu à peu, l’air ambiant s’emplissait des bruits d’une cavalcade, qui enflait pour emplir l’atmosphère. Près de lui, Joss vit une statue être happés par une gueule de non-être. Quelque chose venait de disparaître, mais déjà il n’arrivait plus à savoir quoi.
Brutalement, Joss pris conscience de la menace, de leur arrivée imminente. Alors, il tourna rapidement les talons et se mit à fuir, cherchant à mettre le maximum de distance entre lui et l'anéantissement dévoreur. Refusant de chercher à savoir ce qui s’approchait, il courrait, le souffle court, seulement porté par la peur d’être saisi par le vide. Derrière lui, le galop du néant fulminant devenait plus soutenu, mais aussi plus sourd. Joss ne voyait plus qu’un long serpentin de couloirs dansant, ondulant, sans parvenir à fixer quel était le parcourt erratique qu’il suivait. Derrière, l'abîme, écumant et sifflant, ne parvenait pas à maintenir la distance. Devant lui, un petit escalier s’enfonçait plus bas. Il dégringola les marches, ignorant le panneau « réservé au personnel », refusant de voir que les marches disparaissaient dans le noir insondable de l’oubli. Les petites coursives de services possédaient un dessin encore plus labyrinthique que le musée lui-même et Joss en profita pour semer une fois de plus le néant, qui écumait de rage. Au bout du couloir qu’il avait emprunté se dressait une porte en métal. Il ralentit son rythme de progression ; ce qui le poursuivait était désormais au loin, mais combien de temps avait-il gagné ?
D’un coup d’œil par-dessus son épaule, Joss s’assura qu’il avait semé ses poursuivants et passa la petite porte. Il se trouvait à présent dans un atelier, à l’abri, à l’endroit même où était fabriqué les statues du département d’homohistoria.
S’arrêter un instant, reprendre son souffle. Se calmer, rassembler ses souvenirs – devenus épars et diffus, – tenter de se rappeler.
D’où arrivait-il ? Qui cherchait-il à semer ? Depuis quand le poursuivaient-ils ? Qui étaient-ils ? De quoi avaient-ils l’air ? Même cela, il l’avait oublié. Seul, lui restait comme une intuition, la sensation que ses trous de mémoire étaient bel et bien le fait de ceux qui le pourchassaient ainsi.
Réagir, bouger. Surtout, ne pas rester ainsi, pas maintenant.
Joss hasarda un coup d’œil circulaire au travers de la pièce. Démantibulés, traînaient çà et là les membres épars d’une marionnette démontée, désormais incapable de remplir son office ; à moins que, magnanime, quelque dieu ne se décide à remonter les éléments gisant de l’individu décomposé, en négligeant sans doute de lui insuffler une étincelle de vie, détail inutile et dangereux.
Joss parcourut le périmètre de la pièce, enjambant les obstacles de cire, comme pour se l’approprier. Que faisait-il là ? Et même, qui était-il ? Il se vit brutalement au bord d’un gouffre : le gouffre de sa mémoire. Elle n’était plus qu’un trou béant, une fenêtre sur le vide. Désormais, son cerveau n’était plus capable de fixer le moindre événement ; il était maintenant condamné, enfermé dans un éternel présent, sans passé et donc sans futur.
Qui suis-je ?
La pièce, pourtant remplie d’un amas insondable de cire, semblait tout aussi vide que son esprit maladif. Des étagères restaient sagement alignées au mur, ne portant rien, devenues inutiles. Seul le sol témoignait d’une récente activité dans cette pièce, lui qui arborait ostensiblement toute une série de monceaux de cire aux formes désormais indéfinissables.
Joss ramassa un objet presque sphérique, intrigué par son relief accidenté. Bien sûr, sa mémoire vide n’avait pu l’avertir : ce morceau de cire lui ressemblait étrangement. Il s’était recroquevillé dans un coin de la pièce, serrant entre ces bras cet objet étrangement rassurant.
Tapis, lové au fin fond des caves du musée, il s’était arrêté. Ici, alors que le dernier bastion de sa mémoire était tombé, il s’attardait. Roulé en boule, les genoux ramenés sur son front, il se raccrochait au globe de cire, comme si sa vie en dépendait. Là , prostré dans un angle de la pièce, il attendait, incapable de savoir quoi. Un vague souvenir le hantait pourtant encore : ils vont venir.
Ils vont venir.
Joss était devenu étrangement calme, ne luttant plus contre l’inéluctable. En fin de compte, la flamme de la lucidité n’était-elle pas morte en lui, cessant d’éclairer l’instinct qui le poussait à fuir ? Il lui semblait soudain flotter, l’oubli l’ayant désormais isolé des douleurs de l’extérieur : il se sentait comme au chaud et à l’abri.
Le néant le retrouva là , occupant un angle, ramassé en position fœtale. Lentement, les murs s’estompèrent, disparaissant par flammèches dans le noir abyssal, tandis que résonnait derrière la frêle porte de fer un galop sourd…
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