L'Académie de Lu





Pas encore inscrit ? /


Lien d'invitation discord : https://discord.gg/5GEqPrwCEY


Tous les thèmes
Rechercher dans le texte ou le titre
Expression exacte
Rechercher par auteur
Rechercher par type de défi
Tous les textes


PseudoMot de passe

Mot de passe perdu ?

Visite guidée


Le repère de la colonie

(par Zandra-Chan)
(Thème : Visite guidĂ©e)



Je m’allonge lentement sur le fin matelas que l’on m’a attribuĂ©, Ă  quelques pas de la porte. La journĂ©e a Ă©tĂ© longue, Ă©puisante. Pourtant, je m’oblige Ă  rester Ă©veillĂ©e : je veux me souvenir de l’organisation des lieux. Je sais que je suis lĂ  que depuis trois jours mais… mais merde, quoi. Marre de me perdre et de devoir demander Ă  l’autre andouille. Les yeux grands ouverts dans l’obscuritĂ©, je tente de visualiser une Ă  une les pièces que j’ai visitĂ©es aujourd’hui. On va procĂ©der par ordre chronologique… C’est plus simple.


Ce matin encore, je me suis rĂ©veillĂ©e ici-mĂŞme, dans le dortoir des femmes. Un lieu constamment plongĂ© dans la pĂ©nombre, pour respecter le sommeil de l’équipe de jour comme celle de nuit. Seule la lumière blanche du couloir, entrant parfois par la porte ouverte, m’a permis de comprendre la “disposition” de la salle : tout y est pĂŞle-mĂŞle, les matelas Ă©tant posĂ©s Ă  mĂŞme le sol, quand ils ne sont pas suspendus de façon parfaitement artisanale Ă  un petit mètre cinquante du parquet. Un vieux parquet qui grince et qui rend dĂ©licat les dĂ©placements silencieux. Le capharnaĂĽm est cerclĂ© des diffĂ©rentes armoires, qui longent les murs Ă  la peinture Ă©caillĂ©e, en vomissant des montagnes de vĂŞtements – plus ou moins rafistolĂ©s – et quelques rares possessions. La combinaison de l’absence de lumière et du manque d’aĂ©ration y rend l’air moite et souvent infusĂ© d'odeurs corporelles plus ou moins… agrĂ©ables. Encore que je n’ai pas spĂ©cialement Ă  me plaindre… Pour avoir passĂ© une tĂŞte dans le dortoir des hommes en allant chercher Peter… Je fronce le nez au seul souvenir de “l’effluve musqué” qui embaume leur dortoir.


Je ferme les yeux pour me projeter dans le couloir aux murs blancs bandés d’or et à la décoration chargée. Des ornements qui m’ont fait comprendre que le bâtiment n’est pas une vieille villa excentrique, mais un ancien musée, réhabilité par et pour les survivants.

Tout à l’heure encore, je me suis arrêtée devant plus d’une des vieilles peintures accrochées au milieu les cadres holographiques éteints… à moins que ce ne soit devant un de ces lustres – aux formes et aux dimensions improbables – à l’esthétique douteuse, qui s’intercalent entre chaque oeuvre. Même les antiques tapisseries ont capté mon attention, alors que je pensais avoir définitivement perdu mon appréciation artistique depuis la mort d’Esther, il y a plusieurs mois de ça.


Je poursuis ma visite mentale, l’image du grand brun devant moi. Au bout du couloir, sur le palier, les panneaux indiquent les étages. On est au deuxième. Je me revois descendre les marches, étroites et polies par les passages, toujours derrière Peter, au milieu d’une ribambelle de gamins survoltés. Le seul escalier qui passe par tous les étages, d’ailleurs. Celui qui part de l’entrée, bien qu’aussi massif que splendide dans ses arabesques comme dans sa symétrie, ne va que jusqu’au premier palier, ce qui ne m’arrange évidemment pas.

Je l’ai encore jamais visité, d’ailleurs, ce premier étage… Je n’ai qu’entraperçu, une fois, la haute et large silhouette de Barwane entrer dans une salle sécurisée par un panneau de commande et une porte plus épaisse que les autres. La fameuse salle de réunion, sans doute. L’étage doit être réservée à la partie “administrative”. J’essaie de me recentrer.


Au rez-de-chaussĂ©e, je retrouve le chemin vers le sous-sol oĂą l’on s’est abritĂ©s, il y a trois jours, en attendant de s’assurer qu’aucun TransformĂ© n’était entrĂ© dans l’enceinte alors que le courant avait sautĂ©. Je sais qu’il y a deux Ă©tages souterrains ; j’ai comptĂ© les paliers, ce jour-lĂ . Le premier sous-sol doit ĂŞtre un parking, en toute logique. Le bâtiment est vieux ; Ă  l’époque oĂą il a Ă©tĂ© construit, les voitures devaient encore avoir des roues.

Je fronce les sourcils Ă  mes propres idĂ©es parasites. Aller, on se concentre ! Mon parcours ! Juste, le chemin que j’ai fait aujourd’hui !

En suivant Peter, je me souviens avoir traversé plusieurs salles, grandes comme des classes, mais hautes de plafond, où les statues ont été soigneusement mises de côté pour laisser de la place à des étendoirs fait de bric et de broc… mais j’ai encore du mal à comprendre quelle pièce donne sur quoi, plusieurs portes donnant sur la même salle. C’est là que je me perds à chaque fois. Je soupire longuement. On va laisser cette zone floue de côté pour le moment.


On va admettre que je suis arrivée au réfectoire. La cantine est installée dans ce qui devait être une salle d’exposition, ou au moins un espace de réception, tant elle est immense. Jurant avec la décoration toujours chargée – en moulures dorées, bas-reliefs marbrés et portrait d’illustres inconnus cette fois –, je revois les nombreuses tables et chaises, aux formes et couleurs hétéroclites, disposées en approximatifs cercles concentriques autour d’une sorte de stand. Aujourd’hui aussi, à chaque repas, ça été une cacophonie de rire et de cris d’enfants, écrasant complètement les conversations des adultes qui supervisent la distribution des rations. J’écrase un sourire en me remémorant une scène similaire à l’orphelinat. Mon esprit dérive à nouveau.

Je chasse un début de mélancolie en essayant de me représenter mon repas de ce soir.

Rien qu’en visualisant mon assiette, je salive de nouveau. Je suis sortie de table il y a moins d’une heure pourtant. Mais les pommes de terre étaient si fondantes, la salade si fraîche et craquante, l'œuf cuit à point, laissant le jaune coulant, le tout sobrement agrémenté d’herbes aromatiques… Comme si ça allait atténuer les effets de l’image gourmande, je me retourne sur mon lit de fortune, faisant face à Franziska – je la distingue à peine, mais je sais qu’elle est là, sur le couchage qui jouxte le mien. Je perçois sa respiration lente et régulière… et l’odeur de cuisine qui l’imprègne encore. Voilà ce qui facilite mon imagination…

Franziska – la “dame de cantine” comme l’appellent les enfants – est une des femmes pour qui j’ai le plus grand respect, ici. Elle doit avoir même pas vingt ans, et elle est en charge de la gestion de toute la bouffe de la colonie – colonie qui compte un peu plus de soixante personnes d’après mon estimation. De l’inventaire aux menus, en passant par la nutrition et la cuisine elle-même. Un travail de titan. Pas étonnant qu’elle s’endorme dès qu’elle s’allonge. Pour avoir été son “commis” une bonne partie de la journée, je ne comprends que trop bien son épuisement.

La fatigue me rattrape peu à peu. Je n’ai même pas situé les cuisines, la pompe à eau, la serre, la salle d’eau ni même les toilettes avec toutes mes digressions… Mes yeux étant déjà fermés, ma conscience peut s’enfoncer librement dans les profondeurs du sommeil. Je m’enroule un peu plus dans le drap rêche et rapiécé qui me couvre à peine jusqu’aux genoux. Tant pis… Je verrais demain… Au pire… j’irai chercher… Peter…














Downforyears

même sans avoir lu ton projet, ta description nous permet d'effleurer le genre et les thèmes abordés par ton récit. J'ai réussi à visualiser les lieux, labyrinthiques. Je pense que ton personnage va avoir besoin de dessiner une carte ^-^ Sur la forme ton texte se lit bien et est assez digeste. Merci de nous avoir fait partager ce lieu.


Le 22/07/2021 à 13:41:00

















© 2021 • Conditions générales d'utilisationsMentions légalesHaut de page