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Zandra-Chan![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Monde perdu(par Zandra-Chan)Je cligne des yeux. Je sens que ça fait un moment qu’ils sont ouverts, pourtant, j’ai l’impression de ne reprendre réellement conscience que maintenant. Je bats des paupières encore un peu. Le ciel est d’un blanc-gris menaçant, cerclé par de grands immeubles sombres. Je me redresse pour observer les environs. Je suis assise au beau milieu d’une longue et large route vide, bordée par des bâtiments peu avenants. Il n’y a personne. Pas même un chat de gouttière, un chien errant ou quelques oiseaux perdus. Mes doigts se crispent sur l’asphalte. Le silence me pèse, m’oppresse. Comme le calme avant la tempête. Quelque chose ne va pas. Je pensais pourtant m’être déplacée dans un de mes mondes, un de ceux que j’ai créé pour une histoire – il y a certes longtemps pour celui-là – mais je ne trouve là qu’une ville déserte. Pas en ruines, mais presque. Tout semble abandonné depuis des décennies. Depuis que j’ai laissé l’histoire de côté ? Je ne l’ai pourtant pas abandonnée si longtemps, si ? Une pointe de culpabilité vient s’ajouter à mon malaise. Je me lève pour faire quelques pas. Des pas qui résonnent comme des tambours contre les hautes paroies qui m’entourent. Je lève le nez vers les nuages. L’air est lourd. Il va pleuvoir. Fort. Le vacarme d’une alarme retentit soudain. Les mains sur les oreilles et le poil hérissé par cette agression sonore, je pivote machinalement de tous côtés, cherchant l’origine du bruit. Le haut-parleur qui braille à m’en percer les tympans – aidé par l’écho – culmine sur un toit, à une bonne vingtaine de mètres au-dessus de moi. Mon irritation face à cette nuisance se change bien vite en angoisse. Ce signal, je ne l’entends d’ordinaire qu’une fois par mois, à midi : la sirène des pompiers. Et je n’ai pas besoin d’avoir de montre pour savoir qu’il n’est pas midi. Les pensées paralysées par la cacophonie – de la source et de ses échos –, je me tourne et me retourne, cherchant vainement la venue d’un éventuel danger. Je ne vois rien encore, pourtant, mes tripes se nouent. Mon instinct est formel. Je dois fuir. Vite. Et loin. Un puissant frisson me parcourt des pieds à la tête alors que mon regard se pose sur un véhicule, malgré une fenêtre ouverte aux intempéries, qui semble encore en état de marche. Alors que je pose tout juste une main sur la portière de la voiture, un nouveau tressaillement. Mes yeux descendent vers le sol. Ce n’est pas moi qui avais des frissons : la terre tremble. Couvrant peu à peu le hurlement de la sirène des pompiers, un grondement, grave, puissant, me fait vibrer jusqu’à la dernière cellule. Les yeux écarquillés, je vois au loin des immeubles qui basculent au passage d’une vague de terre. La portière à peine refermée, je fais nerveusement pivoter les clés – miraculeusement restées sur le contact – et fait cracher un rugissement au moteur encrassé. Je ne prends pas le temps de m’en inquiéter ; j’écrase l’accélérateur comme je ne l’ai encore jamais fait. Moi, qui ai horreur de la vitesse en temps normal, prie pour que le véhicule soit assez rapide. Avec un crissement de pneus qui se perd dans le grondement de la terre, je file à toute allure, esquivant les rares autres véhicules restés sur la voie. Toutes les secondes, mon regard remonte vers le rétroviseur pour voir avec angoisse le tsunami tellurique se rapprocher. Je tressaute et manque de peu d’envoyer mon bolide dans le décor quand les plaques d'égout se mettent à exploser devant moi, une à une. Des fissures se propagent jusque devant moi. Le craquement du béton est assourdissant. Dans le rétro, la terre soulevée semble vouloir me dévorer. Des larmes de panique naissent au coin de mes yeux. Le sol s’affaisse. La voiture tombe d’un mètre au moins. Je dérappe, continue de rouler malgré tout. Les pneus crissent alors que je slalome sur et entre les morceaux d’immeubles qui viennent s’écraser sur mon chemin. La route n’est plus que chaos. Des falaises apparaissent, des ravins se creusent. L’un me happe. Les roues tournent dans le vide. La terre menace de se refermer sur moi. Je hurle. J’avais les yeux fermés par la terreur. Je n’ai rien vu. Je n’ai pas compris. La voiture a été propulsée vers l’avant. J’ai de l’eau jusqu’à la taille. Il faut que je sorte. Je n’arrive pas à actionner la portière. Avec la force du désespoir, je m’extirpe du véhicule par la fenêtre. Un torrent me cueille. Je n’ai pas eu le temps de prendre ma respiration. Je me débats alors que le courant me ballotte comme un vulgaire brin de paille. Remonter ! De l’air ! Je crève la surface pour boire misérablement la tasse. Une eau boueuse m’emplis la bouche, manque de pénétrer mes poumons. Je heurte violemment un récif. Je m’y accroche comme à ma propre vie. Les pensées encore asphyxiées par la peur, je ne réalise que maintenant que je peux me déplacer librement dans ce monde. Un instant plus tard, je ne suis plus dans l’eau. Je suis dans les airs. Le vent froid hurle dans mes oreilles, s’insinue par le moindre interstice de mes vêtements trempés. Je suis en chute libre. Ma terreur est telle que je ne parviens même pas à pousser un cri. Qu’est-ce qu’il se passe ? Ce n’est pas là que je voulais aller ! Pourquoi… ?! Le sol est loin, mais il se rapproche, inexorablement et à une vitesse ahurissante. Les yeux plissés dans l’air glacé, je distingue vaguement sous moi la ville dévastée par le tremblement de terre. Je ne sens déjà plus mes mains. Si je ne fais rien, je serai morte de froid avant même de m’écraser. Déglutissant avec peine, j’essaie de me concentrer. Je dois me poser au sol cette fois. Rien n’y fait. Ma chute perpétuelle me paralyse. Le froid aussi. Je ferme les yeux. Me concentrer… juste une seconde.
J’ai réussi à revenir au sol. Indemne. J’en suis la première étonnée. Encore sidérée par la suite d’événements improbables, je reste figée sur place, les larmes aux yeux. Je suffoque. Qu’ai-je fais à ce monde pour qu’il soit en tel état ? Mes jambes tremblent tant que j’éprouve le besoin de m’asseoir. La gorge nouée, je contemple le paysage dévasté. Le grondement a cessé, mais de nombreux craquements continuent de monter, ici et là , alors que les immeubles finissent de s’effondrer tout à fait. Je réalise d’ailleurs que je suis assise sur les restes de l’un d’eux. Sur une vitre. Fêlée. Je n’ai pas le temps de paniquer ; le verre cède. Une nouvelle chute. Bien plus courte cette fois. Je m’écrase dans un mur de placo-plâtre et me protège tant bien que mal de la pluie de bris de verre qui me suit. Par chance, je ne récolte que quelques égratignures et coupures sans gravité. Je reste prostrée sur place un moment. Un long moment. Je n’arrive pas à comprendre. Ni ce qu’il vient de m’arriver, ni pourquoi c’est arrivé. Ce devait être une bourgade moderne, pas une ville fantôme. Il devait y avoir de la vie, pas l’apocalypse ! Et pourquoi je ne parviens pas à m’y déplacer comme je l’entends ? Le grondement distordu de l’orage me tire de mes réflexions, me faisant tressauter. Qu’est-ce qu’il se passe encore ? De peur de me transporter une nouvelle fois en un lieu incongru, j’entreprends d’escalader les décombres pour retrouver la surface. Je suis encore en train de m’écorcher les coudes contre le béton nu quand un coup de tonnerre retentit. Je lève la tête juste à temps pour voir une déchirure naître dans le ciel. Un trait noir, abyssal, qui tranche sur le ciel laiteux. Un trait qui prend vite de l’épaisseur et de la consistance. Pour peu que le “vide” ait une consistance. Parce que ce que je vois là , à travers cette brèche, ne m’évoque qu’une chose : le Néant. Bien vite, le vent se lève. Il se lève et soulève avec lui la poussière qui n’avait pas fini de retomber. Il est déjà trop tard quand je ferme les paupières ; j’en ai dans les yeux. Alors que je me débat avec les particules intruses, je sens mes pieds se soulever de terre. La gravité est en train de s’inverser. Je ne parviens à rouvrir qu’un œil pour voir que la déchirure prend maintenant l’espace du ciel entier. Dans un cri d’épouvante, je regarde le noir, le vide, le Néant m’aspirer. Je m’agite, me débats. En vain. Les restes d’immeubles commencent à monter eux aussi. Et beaucoup plus vite que moi. Une façade entière me fonce dessus. Je n’ai déjà plus assez de voix pour exprimer mon épouvante. Je ferme les paupières avec force. Me concentrer… !
Debout dans ma chambre, je demeure immobile. Un frisson me parcourt le dos sans raison. J'attrape ma veste polaire par rĂ©flexe et balaie la pièce des yeux, les sourcils froncĂ©s par le doute. Mon ordinateur est ouvert sur une page de traitement de texte vierge. — … Qu’est-ce que je faisais dĂ©jĂ ?
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