L'Acad�mie de Lu





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Duel

(par Zandra-Chan)
(Thème : Mélilémots 2)



Elle me fixe méchamment. Ou plutôt, elle me toise – on fait pourtant la même taille. Elle me toise avec un regard froid et un sourire narquois. Parce qu’elle sait ce que je pense et je pense… non… je sais que je ne peux pas gagner. Les bras croisés, elle patiente. Elle sait très bien que, même si je lance l’offensive, elle pourra répliquer sans difficulté. J’inspire profondément, prête à lancer ma première estocade, mais rien ne vient. Rien. Son sourire grinçant s’allonge. J’ai tout juste le temps de lever ma garde que son attaque fuse.

— On a pas commencé que tu es déjà à court d’idées ?

Ce n’est que le début de son assaut ; je sais que la suite arrive. Alors je me tasse, laissant le moins d’ouvertures possible.

— Tu comptes jouer la tortue, aujourd’hui aussi ? Tu sais que ça n’a jamais marché contre moi, n’est-ce pas ?

J’encaisse. Je ne peux pas faire autrement. Je ne sais faire que ça. Loin d’être aussi habile qu’elle, je ne peux que subir les coups. Le temps que je trouve comment riposter, elle a déjà lancé une nouvelle attaque.

— Tu glandes rien de tes journées, tu pourrais faire un effort au moins maintenant ! Les dents serrées et parfaitement incapable de répliquer, je reçois – aujourd’hui encore – la même claque.


Depuis quand est-ce que je prête attention à ce qu’elle dit ? Depuis quand elle s’est incrustée sans que personne ne remarque rien ? Depuis quand elle me savate sans vergogne, tous les jours – et parfois plusieurs fois par jours –, sous couverture d’un “duel pour m'aguerrir” ? Bien trop longtemps.

Même si, en de rares occasions, je parviens à la refouler, à la repousser, à remporter un de nos combats, j’ai toujours cette amère sensation que c’est inutile. Qu’elle est telle une mer de culpabilité qui vient ronger, aussi lentement qu’inexorablement, le petit rocher de mon assurance. Ou plutôt que je nage dans une piscine à vagues de conscience, sans échelle, et qu’elle m’entoure de murs, de falaises de critiques et de remontrances. Forcément, au bout d’un moment, se débattre là-dedans, ça épuise.


Plus ou moins à l’abri derrière ma garde, je l’observe d’un œil torve – mais toujours un rien craintif. Alors qu’elle continue à faire pleuvoir ses frappes plus ou moins sournoises, elle ferme soudain la bouche et s’immobilise. Un frisson me parcourt l’échine. À sa posture, il est certain que c’est le calme avant la tempête. Mes doutes sont vite confirmés : elle inspire à plein poumons ; je n’ai pas le temps de l’arrêter.

— Arrête de te croire unique, de te penser spéciale. Tu rêves éveillée. T’es qu’un grain de sable

Par miracle, je peux prédire cette offensive. Je me redresse pour attaquer à mon tour.

— … à l’échelle de l’univers, je sais, merci. C’est ton cas aussi, je rappelle.

Une feinte. Son sourire vicieux me fait mal avant même que je ne reçoive le coup.

— … un grain de sable dans l'œil de chacune des personnes que tu côtoies. Un caillou dans leur chaussure ! ‘Faut t’évacuer au plus vite.

Ceele-là, je ne l’ai pas vu venir. J’ai pris le choc de plein fouet. Elle continue avec hargne, ses attaques se faisant de plus en plus lourdes.

— Mais je t’en prie, puisque tu sembles enfin décidée à réagir, vas-y ! Dis ce que tu penses !

Mes lèvres sont ouvertes, mais ma voix est scellée. Impossible de répliquer. Je me tasse à nouveau. Je ne peux rien faire de plus qu’encaisser. Je ne peux rien faire de plus…

— C’est bien ce que je pensais. ‘Spèce d’incapable. T’es vraiment irrécupérable !

Je l’entends qui continue de vociférer derrière ma garde qui s’effrite peu à peu.

— Une indécise qui passe ses journées à se morfondre, voilà c’que t’es !

Ma garde vole en éclats.

— Tu sers à rien ! T’es qu’un poids mort ! Le monde se passerait bien d’toi !

Chaque coup fait mouche et je plie sous la douleur. Des larmes me montent aux yeux.

— Qu’est-ce que tu fais encore là, d’ailleurs ? Parasite !

Son assaut me perce de part en part. La douleur me paralyse, se répand, à toute allure, partout. Mes lèvres tremblent. Plus qu’une contre-attaque, je parviens à placer une parade – une parodie de parade, vu qu’elle n’attaque déjà plus.

— JE SAIS ! Je sais ! Je sais… Tais-toi s’il te plaît… Je sais tout ça.

Je ne veux même plus la regarder ; j’enfoui ma tête dans mes mains. Son ton acerbe ne fait qu’ajouter du sel sur ma plaie béante.

— Tu as admis. Tu as perdu. Encore.

Elle clos le combat par une dernière invective.

— Imbécile.

Le silence tombe.

Les coups ont cessé de pleuvoir, mais la douleur demeure.


De longues minutes plus tard, je relève enfin les yeux. L’image que me renvoie le miroir est toujours la même : une petite métisse – j’aime dire bronzée de naissance, c’est plus “poétique” –, aux cheveux noirs et aux yeux marrons. Une fille banale, prostrée sur place, aux yeux encore larmoyant et au fond desquels l’animosité n’a pas disparu ; elle est juste invisible aux autres. Invisible parce que tournée vers l’intérieur.




























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