(par Je Suis DĂ©solĂ©)(Thème : MĂ©lilĂ©mots 2)
Dans le poussiéreux grenier d'une maison, illuminé par des vitraux aux carreaux encrassés, un vieil homme tremblant dépose une plume sans encre sur une table. D'une voix fatiguée, il commençait à parler en regardant avec tristesse une feuille vierge.
— Je suis l'Écrivain, et cela va de soi, j'Ă©cris des histoires. De nombreuses personnes me pensent artiste, ils trouvent mes Ĺ“uvres belles, tout au plus, divertissantes. Mais c'est plus que ça, je le sais et quand j'Ă©cris je le sens ! Une princesse en dĂ©tresse sauve le dragon des griffes du preux chevalier, le duel haletant entre le roi des sirènes, prĂŞt Ă tout sacrifices pour son peuple et une feuille d'Ă©rable. L'enfant des Ă©toiles qui tombent amoureux de mère nature. Mes histoires sont uniques, mais plus que ça elles vivent d'elles-mĂŞmes !
— Chargez !
L'écrivain ouvrant les yeux aperçoit ces mains, des mains transpirantes et sales mais jeûnes et fermes ! Il lève la tête et voit des barbelés et des chars d'assauts, il entend la pluie qui tambourine son casque. Des soldats le dépassent en courant, terrifiés, l'odeur de la poudre à canon et du sang lui empeste le nez. Le sol tremble de peur, tandis que le ciel pleure comme un enfant. Il n'y a rien de beau, c'est la guerre. L'Écrivain fuit, voyant une tête dépassée il saute vers elle et atterrit dans une tranchée. Au vue de son accoutrement c'est un haut gradé, celui-ci ordonne de retourner se faire tuer beuglant comme une bête. Mais dans la panique le jeune homme refusera.
— NON ! JE SUIS DANS MON GRENIER, PAS ICI ! JE NAGE EN PLEIN DÉLIRE !
L'Écrivain cligne des yeux et il se retrouve ailleurs, dans le noir le plus total il sent un battement retentissant dans tout son corps, une légère onde qui régulièrement vient lui traverser le corps. C'est si apaisant qu'il lui vient l'envie de s'endormir et d'oublier tout le reste, oublié le monde, oublié la vie, s'oublier soi-même. Il est comme porté, balancé doucement de droite à gauche et maintenant il le sait, il est au paradis. Il tente d'ouvrir les yeux mais rien n'y fait, c'est bien trop difficile. C'est donc ça le paradis, un endroit d'apaisement totale ou l'on ne voit rien. Et alors qu'il décidait de profiter de cet apaisement, quitte à ne jamais comprendre ce qu'il s'est passé, quelque chose vient à ses lèvres. Il tente d'à nouveau ouvrir les yeux mais cette fois avec succès, il aperçoit une vive lumière derrière deux immenses boules faites de peau bronzée. L'écrivain lève la tête essayant de mordiller la pointe d'une des deux sphères.
— A votre tour monsieur !
Disait une voix, l'instant d'après L'Écrivain avait quitté le paisible paradis. Il est sur une scène, derrière un pupitre. Un public aussi expressif que des statues semblent attendre de lui. Des centaines d'hommes et de femmes en blouses blanches ont le regard rivé sur lui, certains tiennent des sabliers, d'autres des horloges. L'Écrivain qui avait sur le pupitre un bol rempli de sel prit la parole.
— Comment ? Je rĂŞve ? C'est du voyage spatial ? Je suis droguĂ© ou… Que ce que… du sable ? Je dois faire quoi, le manger ? Je… Bordel !
Ils restent tous silencieux, fixant L'Écrivain sans sourciller. L'un d'eux dans le fonds lève une pancarte sur lequel il est écrit noir sur blanc "Ça n'a aucun sens" puis la personne en blouse blanche retourne la pancarte, il est écrit "Dommage" puis l'Écrivain disparaît à nouveau. Pour réapparaître dans la narration, ici même. L'Écrivain ne sachant pas comment écrire, le narrateur décidait de le lui expliquer. Après de nombreuses minutes d'échange, L'Écrivain s'essayait. Comme ça ?
— Non, lĂ tu parles dans la narration. Essaie Ă nouveau. disait le narrateur. C'est une première pour moi, je n'ai jamais fait ça avant. LĂ , tu t'exprimes dans ma zone de texte. Ronchonna le narrateur.
— DĂ©solĂ©, je disais que c'est une première pour moi, je n'ai jamais fait ça avant. Expliqua l'Écrivain.
— C'est pas tous les jours qu'on fait ça, effectivement. Bon, je vais narrer la suite des Ă©vĂ©nements, une demande spĂ©ciale ?
— C'est peut-ĂŞtre beaucoup demander, mais si tu pouvais me faire rentrer chez moi.
— Non.
L'Écrivain n'eut le temps de réagir qu'il ouvrit les yeux dans un hamac, perché entre deux falaises. Il maudit le narrateur en serrant le poing et jurant sans retenue toute sorte de noms d'oiseaux. Trop peureux pour tenter de remonter les cordes, trop courageux pour être effrayé de la hauteur, L'Écrivain était piégé. Il croisait les bras prenant la parole.
— Et la prochaine fois ? Dans l'espace Ă cĂ´tĂ© d'un alien fait de beurre. Ou encore mieux, dans un groupe de rock sur une mĂ©tĂ©orite en feu oĂą mĂŞme dans la mer ! Je ne comprends pas ce qui m'arrive…
Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait, mais lorsqu' il cligna des yeux il changea à nouveau de lieu. Un vieil endroit poussiéreux et sombre où seul un vitrail encrassé éclairait la pièce. On l'interpelle alors, c'est un jeune homme cheveux et yeux noir, terriblement séduisant, celui-ci est sur son téléphone, sur discord. Sous le pseudonyme d'Elosed il débat de la définition exacte d'un trope. Il regardera la vieil homme un instant pour dire.
— C'est l'heure de manger, tu finiras d'Ă©crire ton histoire plus tard.
Assis face à une table, le vieil homme avait les mains tremblantes, dans l'une d'elles une plume encrée et sur la table une tonne de feuilles usées. L'Écrivain n'écrit pas d'histoires, il les vit.