Tentative
(par Lu' Directrice)(Thème : MĂ©lilĂ©mots 2)
Mon regard errait sur les objets qui m’entouraient. Cet endroit, je l’avais appelé de tous mes vœux. Ce cocon, cet abri, j’en rêvais depuis des années. Un espace rien qu’à moi, un îlot de tranquillité au milieu de la mer déchaînée qu’était ma vie, une bulle dans laquelle me réfugier. Un chez-moi.
Je passai un doigt léger sur le premier des neuf sabliers que je possédais. Chacun d’eux faisait une durée différente, allant d’une minute à une heure. Aucun n’avait le sable de la même couleur, partant du gris jusqu’au rose bonbon, en passant par le jaune et le bleu. Mes petits trésors, mes repaires temporels quand j’essayais de sortir quelque chose de mon esprit, tentant tant bien que mal de nager dans mon imagination débordante. Un cadre à l’incadrable.
Mes doigts quittèrent le verre froid pour se glisser sur la reliure des carnets. Les pages étaient remplies de mots, d’idées, de projets commencés mais jamais terminés. J’étais capable de nommer chacun d’entre eux, pourtant nombreux. J’en pris un dans mes mains et parcourus mes notes. Les prénoms des différents personnages me sautèrent aux yeux, déclenchant une vague d’images, des souvenirs de ce que j’avais imaginé pour eux. Des histoires qui ne demandaient qu’à être exploitées, mais qui restaient et resteraient sûrement toujours dans un coin de mon esprit.
Le cœur serré, je le refermai et le reposai avec les autres. Je levai les yeux vers les quelques livres sur l’étagère du dessus. Rien à voir avec les monstres de bibliothèques qui parcouraient le reste de la pièce, véritables falaises constituées de pages et de mots, une ascension que j’aimais à effectuer régulièrement, même lorsque j’avais encore un livre en cours de lecture.
Un marque-page était présent dans chacun des livres présents sur l’étagère, illustration de tout ce que je faisais dans ma vie : commencer quelque chose pour finir par l’abandonner. Mon regard glissa sur les titres sans s’y accrocher, consciente que je n’y reviendrais probablement jamais.
Je terminais mon inspection par les photos et les figurines qui reposaient dans un coin isolé. Les visages, si familiers, souriaient à l’objectif. Mes yeux s’embuèrent malgré moi et je détournai le regard, préférant me concentrer sur les personnages en plastique qui peuplaient l’étagère. Maléfique était de loin ma préférée, belle mais menaçante, fière et si solitaire. Elle en imposait au milieu des petites princesses aux couleurs vives.
Une boule de poils rousse me rejoignit d’un bond, manquant tout faire tomber. Ses yeux verts me regardèrent intensément tandis que son ronronnement emplissait la pièce. Il s’assit nonchalamment dans un rayon de soleil et ferma les yeux, son corps agité par son contentement. La luminosité donnait à son poil un aspect brun, plus sombre que sa couleur naturelle. Pour un peu, on pourrait penser qu’il était en train de bronzer.
Je souris et caressais sa tête de bienheureux. Il se frotta contre moi, cherchant de la tendresse et éliminant la noirceur qui avait commencé à s’emparer de mon cœur. Je m’assis sur mon fauteuil et poursuivis cette séance de câlins jusqu’à ce qu’il saute à terre et s’en aille, la queue haute de contentement.
Lentement, je me tournai vers mon ordinateur. J’observai sa coque noire, anxieuse. J’approchai une main tremblante, effleurant la surface brillante. Mes doigts s’arrêtèrent sur l’ouverture, prêts à l’ouvrir.
Avec un profond soupir, je laissai retomber mon bras. Sans un regard de plus pour la machine, je me levai et retournai dans le salon, abandonnant là mon envie d’écrire.