L'Acad�mie de Lu





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Au cœur du monstre

(par Lu' Directrice)
(Thème : Défi d'Elinor)



Un homme pointe son fusil sur moi. Un éclair illumine son visage tordu par une grimace de haine, ses mains crispées sur son arme. La pluie ruisselle dans mon pelage et goutte dans mes yeux.

Mon pelage ?

Il tire. J’ai tout juste le temps de me jeter sur côté pour éviter la balle. Les tuiles s’enfoncent dans ma peau, à peine amorties par mes poils.

Qu’est-ce que je fais sur un toit ?

Mon visage à quelques centimètres de l’ardoise, je peux contempler mon reflet dans l’eau de pluie. Je suis hideuse. Je ne suis pas moi. Mon corps tout entier est recouvert de poils, des cornes sortent de ma tête, des crocs dépassent de ma gueule. Je suis un…

— Monstre !

Je me redresse vivement pour faire face à la menace. Il s’approche, son fusil toujours braqué sur moi. Il n’attend pas que je me remette sur mes pattes, il tire de nouveau. Je saute dans l’autre sens, poussant un rugissement de douleur lorsque la balle frôle mon bras.

— Nous aurions dû t’éliminer depuis longtemps, vocifère-t-il.

Il appuie sur la détente, une fois, deux fois, me mitraille. Je fais ce que je peux pour les éviter, dérape, glisse, tombe du toit. Mon corps atterrit lourdement sur une tour en contrebas. Sonnée, je l’entends sauter à son tour, me rejoindre pour m’achever.

— Tu es une erreur de la nature, jamais tu n’aurais dû naître. Personne ne veut de toi, pourquoi n’as-tu pas disparu avant ?

Ses yeux sont fous, remplis de haine. Il tire encore. Cette fois je ne peux l’éviter, il me touche à la jambe, fait durer le plaisir. Je hurle ma douleur, et ce hurlement n’est pas humain, il est bestial, emprunt de toute la souffrance que je peux ressentir, dans ma chair et dans mon cœur. Ses mots, plus que sa balle, me broient. Il avance.

— Inutile, tu es totalement inutile. Tu n’as pas ta place ici, tu n’en as nulle part. Tu n’es qu’un monstre !

Les larmes me montent aux yeux. Ce n’est pas moi, ce n’est pas à moi qu’il s’adresse, il ne me connait pas, ne sait pas que je ne suis pas celui sur lequel il pense tirer. Mais ses mots, je les ai déjà entendus, ces mots m’ont déjà brisée. Je ne veux plus les entendre, je ne veux plus qu’ils m’atteignent. Pas cette fois.

Alors que son doigt s’apprête à presser la détente, je bondis. J’oublie mon bras, ma jambe, je ne suis plus que fureur. Il paiera pour tous ceux qui m’ont dit ces mêmes mots. Je rugis en me jetant sur lui. Nos corps basculent, le tir se perd dans la nuit sans me toucher. Nous roulons de toit en toit. Je ressens à peine la douleur des chutes.

Il tente de me frapper, tire sur mes poils, mais je ne m’en aperçois pas. J’ouvre la gueule devant son visage, prête à le mordre, mes griffes s’enfoncent dans ses bras. Enfin son regard se remplit de terreur. Il a peur de moi, peur de ce que je peux lui faire, peur de mourir.

Ma voix gronde.

— Je ne suis pas un monstre.

Il rit, cruel.

— Bien sûr que tu es un monstre, sinon pourquoi serais-tu aussi seul depuis toujours ?

Je sens mon cœur se fissurer.

Ce n’est pas moi, ce n’est pas moi, ce n’est pas moi.

Dans un rugissement, je l’envoie plus loin. J’entends son corps qui glisse, mais je l’oublie vite. Ses mots tournent en boucle dans ma tête.

Inutile. Monstre. Pas ta place. Erreur de la nature. Personne ne veut de toi.

Les visages dansent devant mes yeux, j’ai du mal à respirer. Mon cœur me fait mal, si mal. La douleur de mes blessures se rappellent à moi, me foudroient. Je me laisse tomber sur les tuiles et me recroqueville.

— Tu es encore pire que ce que je pensais.

J’ouvre de grands yeux sur le fusil qu’il braque sur ma tête. Prise par un instinct de survie, je me jette à nouveau sur lui. Le coup part. Je sens une douleur aigüe dans mon flanc. Alors que je m’effondre, son corps glisse jusqu’au bout du toit. Il hésite, comme suspendu entre deux. Je l’entends hurler, tenter de se raccrocher à quelque chose. Mais la pluie rend tout glissant, il ne peut se maintenir.

Il tombe dans un hurlement de pure terreur.

Je n’ai pas le temps de m’inquiéter pour lui, je me sens de plus en plus faible. Je perçois à peine des bruits de pas précipités.

On m’appelle. Non. On l’appelle. Celui dont j’ai pris la place. C’est la personne qui l’aime le plus au monde, celle qui doit le sauver. Elle n’est pas là pour moi, elle est là pour lui. Son amour va l’empêcher de mourir. Elle va le retransformer. Il ne sera plus seul.

Je sens mon cœur battre douloureusement dans ma poitrine.

— Non…

Elle me prend dans ses bras. J’entrouvre les yeux. Elle a un joli visage, les cheveux bruns en bataille. Je vois toute la tristesse dans son regard, sa détresse à l’idée qu’il disparaisse. Elle l’aime tellement, malgré son apparence monstrueuse.

Elle pleure. Et dans ses yeux bruns, je vois autre chose. Un visage se superpose au sien. Une peau légèrement plus bronzée, des cheveux presque noirs, coupés courts, des yeux entre le brun et le vert. Et cette tendresse, cette tendresse qui n’appartient qu’à lui. Je vois son sourire de petit garçon, celui qu’il n’adresse qu’à moi.

— Rentre à la maison…

Je tends une main vers son visage. Ma patte se transforme peu à peu en main humaine.

— Mon amour…

Ma main rencontre son visage. Je sens le début de sa barbe qui me pique les doigts. Il sourit, embrasse ma paume.

— Ma chérie.

Il se penche. Et sa bouche rencontre la mienne. Je n’ai plus de gueule, plus de poils, plus de corne. Il m’a sauvée. Il m’a libérée de ma solitude. Il m’aime malgré mes différences.

Je ne suis plus seule.














Elinor

donc @Lu', Directrice de l'Académie ton texte est super beau, bien qu'il soit aussi triste. la Belle et la Bête a l'air d'avoir du succès, mais on comprend bien pourquoi, et vous avez tous réussi à en faire une exploitation différente, donc c'est cool. La fin est superbe. Tu écris vachement bien. j'ai rien d'autre à dire


Le 17/04/2021 à 21:03:00



Louloutre

texte court, mais il émeut


Le 17/04/2021 à 12:14:00

















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