(par Lu' Directrice)(Thème : MĂ©lilĂ©mots (mots de l'espace))
L’agitation autour de moi m’étouffe. Toutes ces personnes qui crient, qui rient, qui bougent, raclent leurs chaises, posent leurs verres avec force, toute cette vie me hérisse. Je n’ai aucune envie d’être ici, dans ce joyeux désordre qui ne m’a jamais attiré, mais ce sont les ordres. Assis, seul à ma table, je ne peux que subir. Adria ne devrait pas être très loin, mais je ne la vois pas. J’ai beau fouiller la pièce des yeux, impossible de repérer sa longue crinière noir ou ses yeux glacés.
Une tâche rousse près du comptoir accroche mon regard. Deux personnes semblent graviter autour d’elle, deux femmes, mais elle ne parait pas y faire attention. Elle esquisse un sourire distrait, mais elle n’est pas vraiment là . La blonde qui ne cesse de lui parler a quelque chose de lumineux, de solaire, elle dégage une aura qui attire les gens comme une planète le fait avec ses satellites. Pourtant, ce n’est pas elle qui retient mon attention, mais bien la rousse au nez plongé dans son verre.
Je l’aperçois à peine, elle m’intrigue. C’est la seule personne de la pièce qui ne semble pas à l’aise d’être ici. Elle détonne, comme une comète au milieu d’un ciel sans étoiles, une lumière au milieu du néant. Je ne vois qu’elle. Elle n’a pas le charisme de la femme qui l’accompagne, mais elle sort de la masse.
Je trépigne sur mon siège. Mon regard a beau errer sporadiquement dans la salle, aucune trace d’Adria. Pourtant, Elric ne se trompe jamais. L’avantage d’être un dieu, j’imagine. Il n’est pas omniscient, mais ses pouvoirs sont… Presque illimités. Il serait capable de me mettre en orbite si je ne reste pas sagement dans ce bar à la recherche de la traîtresse. Pourtant, toute ma concentration s’est envolée. Je reviens invariablement vers elle.
Avec une lenteur infinie, elle continue à boire son verre. Elle se force, c’est évident, mais ses compagnes ne semblent pas s’en apercevoir. Soudain, la blonde la serre dans ses bras. Ses joues rougissent sous l’effet des mots qu’elle lui murmure à l’oreille. À peine l’a-t-elle lâchée qu’elle se propulse hors de sa chaise. À cet instant, elle se tourne vers moi.
Le temps s’arrête, suspendu dans le vide, en apesanteur, alors que nos regards se croisent sans qu’elle s’attarde sur moi. J’ai juste le temps d’apercevoir ses pupilles rouge, signe distinctif des envoûteurs, ainsi que la constellation de tâches de rousseur qui parcourent ses joues. Elle part comme une fusée vers la sortie, me laissant hébété. Le temps reprend son cours. Une partie de moi voudrait la suivre, savoir qui elle est. Mais je ne peux pas. Pas si je veux un jour en terminer avec ce stupide contrat. Alors je reste là , morose, espérant désespérément qu’elle reviendra.
Toujours aucun signe de la crinière noire que je cherche.