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Lu' Directrice![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Réminiscences(par Lu' Directrice)Élisa regarda la jeune fille lacer ses chaussures. Ses mains agiles lui faisaient presque regretter ses jeunes années. Cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait fait preuve d’autant de dextérité, n’en déplaise à ses nombreuses conquêtes. L’arthrose avait pris place dans ses articulations, pour ne plus jamais repartir. — Tu as bientôt terminé, ma chérie ? Justine hocha la tête, faisant danser sa chevelure sur ses épaules. — Ne t’inquiète pas mamie, nous serons bientôt sur la promenade ! La vieille dame sourit. — J’ai hâte de voir les vagues s’écraser contre la berge. Sa petite-fille saisit sa canne et la lui tendit. — N’oublie pas Mireille. Mireille, sa béquille, son amie depuis bien trop longtemps. Une vilaine blessure à la jambe l’avait obligée à en faire l’acquisition, réduisant sa vie à une longue succession de promenades à trois pattes. Justine se pressa contre sa grand-mère et elles se mirent en route. Une brise fraîche vint caresser leurs peaux mises à nues, déclenchant la chair de poule chez Élisa. — Tu veux que je retourne chercher une écharpe ? s’inquiéta Justine. La vieille dame sourit. — Non, je te remercie. Continuons. La distance n’était pas grande jusqu’à leur destination. Bientôt, les deux femmes purent apercevoir l’eau se jeter sur la plage et repartir, laissant son écume derrière elle. Élisa s’arrêta une minute, admirant la vue. Différentes émotions se battaient en elle, des réminiscences de sa vie, des images de personnes qu’elle avait perdu de vue, des histoires qu’elle s’était jurée de ne jamais oublier. Justine dût sentir sa fébrilité, elle se serra un peu plus contre elle. — Tu veux bien me raconter l’une de tes aventures ? Élisa sourit. Elle adorait lui raconter ce qu’elle avait vécu autrefois. — Qu’est-ce qui te ferait envie ? Quelques secondes furent nécessaires à Justine pour qu’elle se décide. — La naissance de maman ? Une petite exclamation s’échappa des lèvres de la vieille femme. — Mais tu connais cette histoire comme si c’était la tienne ! Justine haussa les épaules en posant sa tête contre celle de sa grand-mère. — J’aime t’entendre la raconter. Les deux femmes avancèrent jusqu’à la bordure de la plage et s’assirent l’une après l’autre. Élisa entendit craquer ses articulations et une grimace de douleur se dessina sur ses lèvres. Quelques secondes lui furent nécessaire pour se reprendre. — Nous devons remonter des dizaines d’années en arrière, lorsque les télévisions n’avaient pas encore la couleur… Justine rit. — Tu exagères, mamie. La commissure des lèvres de la vieille femme se soulevèrent également. — À peine. Elles venaient d’être mises en vente. Eh, c’est moi qui raconte cette histoire, ne m’interromps pas, je te prie. Justine referma une fermeture-éclair invisible sur ses lèvres. — Bien. Je disais donc, longtemps avant ta propre naissance, j’avais la peau tendue par la grossesse que j’étais en train de mener. Les saisons avaient défilé à toute vitesse, nous amenant à cette période si délicate, lorsque les feuilles virevoltent et tombent avec une grâce infinie. Elle sentit sa petite-fille fermer les paupières, détendue. — J’étais toute seule, allongée dans l’herbe qui entouraient la maison, sur une couverture, occupée à rêvasser, les mains derrière la tête. Une douleur aigüe m’a alors vrillé les entrailles. De l’eau a coulé le long de mes cuisses, et j’ai su que ta mère était en route. Élisa ferma à son tour les paupières, bercée par le chant des vagues. — J’étais incapable de me relever. J’ai hurlé pour demander de l’aide, mais personne n’est venu. La panique me faisait trembler, j’étais persuadée que j’allais accoucher comme ça, en devant me débrouiller toute seule. La vieille femme entendit sa petite-fille murmurer la suite de l’histoire. — Mais c’était sans compter sur Isabelle… Élisa sourit et reprit son histoire. — Oui, c’était sans compter sur Isabelle. Ma chère grande-sœur avait dû sentir que j’étais en mauvaise posture, son intuition lui avait soufflé de venir à la maison quelques minutes avant qu’elle ne se décide. La brise s’était adoucie, laissant les deux femmes profiter de la chaleur ambiante. Élisa sentit ses articulations se relâcher, la douleur refluant jusqu’à presque disparaître. La douce mélopée des vagues s’insinuait en elle, la plongeant dans une transe qu’elle n’avait pas expérimentée depuis de nombreuses années. — La personne que j’aimais le plus au monde était bien trop loin, partie faire une stupide guerre pour notre patrie, mais je savais que j’allais pouvoir compter sur ma sœur. Heureusement qu’elle a été là pour la naissance de ta mère. La bouche entrouverte, Justine semblait s’être endormie. Élisa décida de continuer sans plus s’en préoccuper, persuadée qu’elle allait se réveiller si elle arrêtait. — Prostrée sur ma couverture, je n’ai pu que pousser une exclamation de douleur, en espérant qu’elle m’entende. Isabelle s’est précipitée vers moi, tremblante, et m’a aussitôt rassurée. Elle n’était pas infirmière, mais elle avait lu de nombreuses revues pour la grossesse qu’elle désirait elle-même tant obtenir. Les images surgissaient de sa mémoire, lui évoquant toutes les émotions qu’elle avait ressenti à l’idée que sa fille allait bientôt naître. — Elle était très douée, Isabelle, je me souviens encore de ses mains sur ma peau, de ses paroles encourageantes. En quelques minutes, après avoir poussé quelques fois, ta mère est sortie. Son exclamation à ce moment là a été la plus chose que j’ai jamais entendu. Élisa resserra sa prise autour de sa petite-fille, la réveillant au passage. — Une infirmière est venue quelques heures après, pour vérifier que ta mère et moi allions bien. Je n’ai jamais été aussi heureuse de ma vie. La vieille femme écrasa une larme sur sa joue, la main tremblante. — J’aime tellement cette histoire, chuchota Justine. J’aurai aimé qu’elle soit encore vivante. Élisa sourit doucement, la tête encore pleine d’images, les larmes menaçant déborder. — Moi aussi, ma chérie. Moi aussi.
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