La disparition
(par Ar_Sparfell)(Thème : Pas de mots masculins)
Lena, allongée sur sa couverture, comptait paresseusement les éraflures sur une des planches de son étagère.
Une, deux, trois, … trente-six, trente-sept… quarante-neuf, cinquante, cinquan-cette éraflure comptait pour un ou pour un-demi ?
Elle était vraiment toute petite, elle ne devrait pas compter pour une entière.
Lena soupira. Qu’est-ce qu’elle s’ennuyait. Elle n’aimait pas les vacances, il ne se passait jamais rien !
Comme pour la contredire, la porte de sa chambre s’ouvrit brusquement et sa jeune sœur déboula comme une furie. Entre sa robe défaite et ses mèches en pagaille, on avait l’impression qu’elle sortait tout droit d’une tempête tropicale.
— Lena, Lena, Lena ! Ça a disparu !
Lena s’est relevée. Sa sœur était peut-être étrange, mais elle n’avait pas pour habitude d’être aussi pressée.
— Quoi ça ?
— Bah ça...ça !
— Quoi ?!
— Mais je peux pas te dire la chose qui a disparu si elle a disparu !
Sa logique était imparable. Voyant qu’elle ne pourrait pas m’expliquer à sa manière, elle a sorti deux tiges en métal de la poche de sa robe.
— Qu’est-ce que c’est ça !? demanda-t-elle avec une mine mystĂ©rieuse.
— Je sais pas, c’était dans ta poche, pas la mienne.
Mais la curiosité de Lena avait été piquée, elle changea de position pour mieux regarder.
— Bah, c’est une fourchette et une cuillère ? OĂą veux-tu en venir ?
Sa sœur soupira.
— Evidemment que c’est une fourchette et une cuillère ! Mais ensemble, ça s’appelle comment ?
— Heuuuu, des fourchettes et des cuillères ?
— Oui, mais non. Il doit bien y avoir une manière de dĂ©signer des cuillères, des fourchettes, des baguettes, tout ça avec une seule suite de lettre !
Lena avait beau chercher, elle avait du mal à voir où son interlocutrice voulait en venir. Sa sœur devait trouver une autre démonstration.
— Regarde, moi je suis ta sĹ“ur ! Mais si j’avais pas Ă©tĂ© une fille, je n'aurais pas Ă©tĂ© ta “soeur”.
— Bah pourquoi pas ? Tu fais ce que tu veux avec tes hormones et ton orientation corporelle. On aura toujours la mĂŞme mère en soi.
— Je..Attends...mais non ! C’était une illustration ! Je veux pas changer d’orientation !
— Mais tu fais ce que tu veux ! Ne laisse pas la pression de la sociĂ©tĂ© refrĂ©ner tes envies !
— Mais je suis très bien en fille ! s’énerva sa sĹ“ur.
Lena leva les mains en preuve de paix.
— Bon bon, tu fais ce que tu veux ! Mais ducoup, qu’est-ce qui a disparu ?
— Laisse tomber, tu n’arrives pas Ă comprendre. Je vais en parler Ă une personne possĂ©dant l’intelligence nĂ©cessaire ! lança-t-elle rageusement.
Avec la vitesse d’une bourrasque, elle s’élança déjà hors de la pièce, claquant sauvagement la porte derrière elle.
Lena retrouva sa position allongée. Où en était-elle déjà ? Cinquante et un ? Cinquante-deux ?
Qu’est-ce qu’elle avait hâte de retourner à l’école et retrouver ses amies. Elles disaient des choses sensées au moins.