L'Académie de Lu





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Vie et mort d'Ester

Les portails d'Ester


7° portail

(par Ar_Sparfell)
(Thème : Ester)



En sortant du portail j'ai ressenti une violente chaleur dans mon dos. Je me suis retourné juste à temps pour voir un cercle de feu se refermer et disparaître.

Du feu ? J'Ă©tais rentrĂ©e dans un portail de feu moi ? Je ne crois pas.

Attends une minute… Je ne pensais pas comme ça avant… Si ?

Je sais plus.

J’ai regardé mes vêtements.

Depuis quand je portais une petite robe d'Ă©tĂ© bleue ? Je croyais que je ne supportais pas les robes. Ou peut-ĂŞtre que je les adorais…

Je ne sais plus.

Hoooo, ces portails me donnaient mal Ă  la tĂŞte. J’avais l'impression de ne plus ĂŞtre moi-mĂŞme Ă  chaque passage. Mais d'ailleurs, qui Ă©tait-ce « moi-mĂŞme » que j’étais censĂ© ĂŞtre en fait ?

J’ai passĂ© une main tremblante dans ma longue chevelure. Ce vrai « moi-mĂŞme » avait-il les cheveux longs ou courts d'ailleurs ?

Est-ce que j’étais rousse ? J’ai regardĂ© les mèches qui s’éparpillaient dans ma main. Non, blonde. Pourquoi je n’étais pas rousse ? J’avais toujours voulu ĂŞtre rousse. Le monde est injuste.

J’ai chassé ces idées d'un geste de la main. Concentrons-nous. Il fallait que je trouve un moyen de rentrer chez moi. Peu importe où ce « chez moi » pouvait-être.

— Je ne sais pas plus que toi oĂą c'est, a rigolĂ© une voix nasillarde au-dessus de moi, mais je peux t'affirmer que ce n'est pas ici.

J'ai sursauté. Je ne pensais pas avoir parlé à voix haute pourtant. Le son venait d'une haute branche d'un arbre à quelques mètres de moi.

— Qui es-tu ? Comment peux-tu lire dans mes pensĂ©es ?

Le feuillage a laissé échapper un rire dément. Je me suis rapprochée sur la pointe des pieds, autant curieuse qu’interloquée. Sur une des plus hautes branches, étalé dans une position peu flatteuse, un énorme chat gris me regardait en souriant. Ses immenses yeux bleus et rieurs semblaient se moquer de moi.

— Un chat qui parle ? Dans quel monde de dĂ©jantĂ© suis-je tombĂ© ? J’espère que je ne suis pas chez les fous…

— Oh ! tu ne saurais faire autrement, a dit le Chat en agrandissant son sourire : Ici, tout le monde est fou. Je suis fou. Vous ĂŞtes folle.

— J’ai relevĂ© la tĂŞte avec fiertĂ©.

— Qui te dit que je suis folle ?

— Il faut croire que tu l’es, a rĂ©pondu le Chat ; sinon, tu ne serais pas venue ici.

Sa logique Ă©tait imparable. Mais quand mĂŞme très vexante. J’allais lui rĂ©pondre vertement, quand je me suis rendu compte que nous Ă©tions en train de citer Alice au Pays des Merveilles ! Le bouquin pour enfant !

— Effectivement, tu en a mis du temps pour comprendre ! s’est moquĂ© le Chat.

— Et donc tu es le chat de Cheshire !

— Bravo Sherlock ! a-t-il ironisĂ© en s’étirant paresseusement.

— Alors je suis Alice !

Le chat est parti dans un éclat de rire tout aussi dérangé que le premier. Il semblait trouver cette situation irrésistiblement hilarante.

— Non, tu es Ester.

— Je suis…ai-je bafouillĂ©e, un peu perdue. Oui oui, je suis Ester.

Après tout, pourquoi ne le croirais je pas. C’était un chat parlant, qui savait sourire et rire. Il avait peut-être raison.

— Évidemment que j'ai raison !

— ArrĂŞte de lire dans mes pensĂ©es !

— Alors arrĂŞte de penser…

— Mais… et bien je ne peux pas !

Un éclat espiègle et passé dans ses grands yeux.

— Est-ce qu’au moins tu sais pourquoi tu ne peux pas t’arrĂŞter de penser ? Sa question m’a prise de court. On ne peut pas s’arrĂŞter de penser parce que...parce que c’est comme ça. On est obligĂ© de penser Ă  quelque chose. C’est ainsi.

Pour tenter de le contredire, j’ai essayé de ne penser à rien. Mais c’était idiot.

Par dépits, j'ai décidé de donner ma langue au chat.

— Et que ferais-je de ta langue ? Elle n'a pas l'air très bonne !

— ArrĂŞte de faire l’idiot et donne-moi la rĂ©ponse ! Pourquoi est-ce que je ne peux pas m'arrĂŞter de penser ?

— Parce que sinon, le lecteur ne pourra pas avoir la fin de l'histoire.

— J’étais plus perdue que jamais.

— Ce que tu dis n'a aucun sens !

— Mais si ! Cette histoire est Ă  la première personne. Si tu ne penses pas, il ne se passe rien.

— Ă€ la première personne ? Pourquoi est-ce que mon histoire serait Ă  la première personne ?

— Il y a 2 rĂ©ponses Ă  ta question. Celle des critiques littĂ©raires et celle de l'auteur, laquelle veux-tu ?

— Je ne sais pas… Quelle est celle des critiques ?

Le chat a pris un air très sérieux, remontant une cravate imaginaire et fronçant son museau sous le poids de lunettes invisibles.

— Tu es la seule hĂ©roĂŻne de cette histoire. Voir ton aventure de tes yeux permet au lecteur de s'immerger et de s'identifier Ă  toi plus facilement. Le lecteur est emportĂ© dans le flux de tes pensĂ©es, il rĂŞve quand tu rĂŞves, pleure quand tu es triste, et rigole quand tu es joyeuse.

— Très barbante cette explication ! Quelle est celle de l'auteur ?

Le Chat a repliĂ© ses lunettes imaginaires. Il s’est Ă©tirĂ© sur la branche, sa queue battait une mesure lente et rĂ©gulière. Son cou s’est Ă©tirĂ© pour que sa grosse tĂŞte s’approche dangereusement de moi. Sur le ton de la confidence, il a murmurĂ© :

— Ça permet Ă  l'auteur d'Ă©crire au passĂ© composĂ©. Comme ça, il esquive la difficultĂ© sans dĂ©clencher de grands dĂ©bats.

— L’auteur est un lâche en quelque sorte, ai-je conclus avec un ton sarcastique.

— Le sourire du chat s'est Ă©tirĂ© plus que de raison.

— On peut dire ça oui.

Un silence s'est imposé entre nous. Toujours sur sa branche, il avait repris sa position et jouait avec le bout de sa queue touffue.

Cette entrevue avait été très constructive, mais je ne savais toujours pas comment rentrer chez moi.

— Vu que tu sembles tout connaĂ®tre, ai-je fini par lui demander, comment je fais pour sortir d'ici ?

Sa queue s'est immobilisée, son regard perçant et revenu sur moi.

— Sortir d'ici ? Mais rien de plus facile. Pourquoi ne m'as-tu pas demandĂ© dès le dĂ©but ?

— J’ai soupirĂ©, cela ne servait Ă  rien d'argumenter.

— Eh bien, tu vois ce chemin ? Tu prends au deuxième arbre Ă  droite, et tout droit jusqu'au matin.

— Jusqu’au…jusqu'au matin ? Mais... tu ne serais pas en train de te moquer de moi ?

— Je n'oserai pas, a-t-il minaudĂ© avec un clin d’œil insolent.

Et cette fois, il a disparu très lentement, en commençant par le bout de la queue et en finissant par le sourire, qui resta un bon bout de temps quand tout le reste avait disparu.

— Ma parole ! ai-je pensĂ©, j'ai souvent vu un chat sans un sourire, mais jamais un sourire sans chat !... C'est la chose la plus curieuse que j'aie jamais vue de ma vie !

Je n'avais rien d'autre à faire que de suivre ces instructions. Le chemin. Deuxième arbre à droite. Nous y voilà.

Derrière le deuxième arbre, un chemin tortueux apparaissait. La route se perdait dans une boule de lumière, comme un soleil levant.

Le chat n’avait pas menti à propos du matin.

J’ai pris mon courage a deux mains et j’ai avancé vers la lumière. Pas après pas. J’aboutirais peut-être chez moi à travers ce portail-là.

La lumière m’a englouti, et avant de franchir totalement le portail, j’ai entendu le rire dément du Chat, loin derrière moi, comme un au revoir.










Cette histoire fait partie d'un tout plus grand !

























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