![]()
![]()
![]()
![]() ![]() Contraintes aléatoires Contraintes à sélectionner soi-même Testeur d'auxiliaire Situations aléatoires (défi de Schrödinger) Textes sans commentaires Générateur de situation/synopsis ![]() Vie et mort d'Ester
![]()
Kama![]() Spectacles![]() Les portails d'Ester
![]() ![]() 1° portail(par Kama)La surface lumineuse s'était déjà éteinte derrière Ester, qui se retint assez difficilement de pester contre la faible autonomie de ces ponts entre les mondes. Son premier réflexe après ça fut de regarder autour d'elle, pour être surprise. Oh, elle en avait vu des trucs pétés dans ses voyages, mais au moins c'était cohérent jusqu'ici, c'était pas un îlot perdu dans le néant avec le prochain portail juste en face et un petit épouvantail qui bougeait malgré l'absence de vent. S'éclaircissant la gorge, Ester commença à faire les cent-pas, attendant que l'épouvantail s'anime (parce que bien sûr, pareille présence n'était là que pour lui parler). Finalement l'épouvantail cessa de bouger, et commença à parler avec une voix enjouée de publicitaire : — Nous espérons que vous passez un agréable voyage entre les dimensions, cependant il est de notre responsabilité de vous prévenir de ce qu'il y a plus loin. — Abrège, y a quoi de l'autre côté du portail ? — Tous les mondes reliés par notre réseau, continua l'épouvantail en l'ignorant, reposent sur des principes de base. Les lois de la physique peuvent différer, les lois du droit commun varient souvent et les langages aussi. Cependant ce monde a comme différence… — Et c'est parti pour l'exposé… — Ce monde a pour différence ses principes d'éthique fondamentaux, reprit l'épouvantail sans changer de ton. Attention, ce monde (et quelques autres du même genre) peut ressembler à la réalité classique des utilisateurs du réseau, mais seuls quelques personnes catégorisées comme dangers pour la société ailleurs peuvent véritablement s'y épanouir. Bon séjour ! — Tu peux pas au moins me donner un indice sur comment changer de monde après ça, saleté de balais ? — Une fois dans ce monde, il n'y a qu'une échappatoire possible : devenir un idéal aristotélicien de la vertu pour les habitants. Bon séjour ! — Ah donc ça voudrait dire que les principes de la morale aristotélicienne ne sont pas fonctionnels dans les autres mondes ? — Le réseau de portails refuse de se prononcer sur la question. Bon séjour ! — Vous seriez pas un peu lâches des fois vous ? Demanda Ester, de plus en plus irritée par son interlocuteur à la voix si peu humaine. — Le réseau des portails refuse de se prononcer sur la question. Bon séjour ! Ester soupira avant de se diriger vers le nouveau portail. Qui d'autre qu'elle devait gérer des trucs aussi chiants à seulement 22 ans ? Bon, vu sa qualité naturelle, ça ne serait pas dur de devenir l'idéal vertueux de ces péquenauds.
Dès qu'Ester posa le pied sur le nouveau monde, elle fut instantanément suspicieuse. En effet, quelque chose avait changé. Déjà , le portail n'était pas éteint, et elle sentait qu'elle pourrait retourner sur l'îlot si elle le voulait. Ensuite, elle ne s'attendait pas à ... la couleur. Tout était d'un grisâtre moche, digne d'un film de Denis Villeneuve. Faisant un pas, elle regarda derrière elle mais non, le portail était encore allumé, seule trace de lumière normale dans les environs. Il y avait des lampadaires à proximité, mais aucune lumière chaude. Le ciel aussi était du même genre, plus gris que le ciel de Bretagne puisse l'être. Et c'était dire. Un pas plus loin, et Ester entendit le bruit si caractéristique d'un cran de sécurité qu'on enlève, évidemment suivi de la voix rauque d'un homme : — Haut les mains, peau de lapin. Tu vas m'dire ce que tu fais là . Obéissant rapidement et ne se retournant même pas, Ester imagina à quoi son interlocuteur devait ressembler. À tous les coups c'était un détective avec une histoire tragique et que la police avait viré parce qu'il était trop violent. Après avoir dégluti, elle répondit. — Je m'appelle Ester, et ce que je fais là ne vous regarde pas, monsieur. — C'est pas pour rien qu'on m'appelle le Boucher ma ptite dame, moi j'fais pas dans la dentelle contrairement à cette flicaille. Donc tu vas me répondre, de suite. Ester dut réviser son jugement, l'homme qui la braquait n'était pas un détective, mais un justicier autoproclamé, sûrement dans un costume moulant ridicule pour évoquer l'image d'un super-héros et se réconforter dans sa légitimité de tabasser des gens pour rien quand il se regardait dans le miroir avec. — Je viens pour... Manger des glaces ! Trouva enfin Ester, qui venait d'apercevoir le camion de glace en face d'elle. Je me suis levée, et je me disais que je mangerais bien une glace donc me voilà . — Ouais, ça passe pour cette fois. Un nouveau bruit résonna, celui d'une sécurité remise en place. Ester ne put résister à un soupir de soulagement, avant de se retourner quand le son d'une vitre brisée résonnait. La personne qui l'avait braqué était en train de filer vers les hauteurs via un grappin planté dans un immeuble plus haut, et effectivement ce «Boucher» était en costume moulant. Ester remarqua quelque chose d'autre à propos de son agresseur : il semblait irradier une forme de lumière. Interloquée, elle résolut d'investiguer dès qu'elle pourrait, et se dirigea vers le camion de glaces, seule trace de présence humaine dans les environs (le «Boucher» était déjà reparti). En voyant la vendeuse de glace, Ester fut soulagée : enfin quelqu'un avec des couleurs normales par ici. — Ah, on sort du portail à ce que je vois ! Rit la vendeuse. Bienvenue dans la dimension pourrie, je te sers quoi ? Mes trucs sont gratuits pour les gens pas d'ici quand même. — Merci mais j'ai pas franchement envie d'une glace là maintenant... soupira l'arrivante en s'asseyant sur un tabouret en face du comptoir. C'est normal que le portail reste allumé comme ça ? — Tout à fait, affirma la vendeuse. Ce portail a pour spécificité d'être totalement invisible aux gens d'ici. Leurs principes moraux les empêchent de concevoir ne seraitce que la possibilité d'une terre différente. Ils sont même pas capables d'imaginer un autre président que leur actuel à vrai dire, une autre guerre que celle qu'ils mènent en ce moment... — Comment ça se fait ? S'étonna la jeune arrivante. Je veux dire, j'ai un peu bourlingué et l'épouvantail à l'entrée m'a prévenu, mais comment est-ce qu'un monde peut être figé comme ça ? — J'ai quelques théories, mais rien de concret hélas. Tout ce que je sais c'est que ça a l'air d'avoir commencé avec un type qui a fait un film très très mauvais (je n'ai pas pu le voir mais c'est ce que m'a dit un autre venu d'ailleurs). Ma théorie c'est qu'ils avaient investi tellement de choses dans ce film qu'ils ont refusé d'accepter qu'il soit mauvais et transformer tous leurs repères moraux, esthétiques et autres pour en faire le nouveau paradigme social. — C'est... Absurde. — Dans la plus pure tradition absurde, oui. Mais dis-moi, pourquoi t'es ici ? — Moi ? Répondit de manière évasive Ester, tentant de trouver une explication autre que la réalité. — Oui, toi. Tu viens faire quoi dans le cimetière du bon goût ? — Euh... C'est confidentiel. — Allez, la pressa la vendeuse. Le réseau des portails n'a pas besoin de cacher tant de choses que ça… — Vraiment, je suis désolée mais je ne peux pas en parler, s'excusa l'arrivante. Tout ce que je peux dire c'est qu'il faut que je me barre d'ici. Y a une affaire d'aristotéliciens ? — Je vois comment c'est... se renferma son interlocutrice. Bon, tu as croisé le Boucher. Il fait partie des «exceptionnels», une autre singularité du monde. En gros ces types sont super chiants et incarnent tous un modèle de vertu ou d'absence de vertu à suivre pour les gens (le plus gros mensonge à leur sujet est de dire qu'on peut en devenir un si on travaille assez évidemment). — Évidemment, s'apitoya Ester, même dans une dimension où les valeurs sont transformées, la propagande méritocratique est pareille. — Elle est même renforcée à vrai dire, admit la vendeuse. Enfin bref, ces «exceptionnels» ont une lumière bizarre qui se dégage d'eux. Si t'arrive à en trouver un et à exploiter sa faiblesse, tu peux générer un portail, pas besoin de faire comme l'épouvantail a dit. — Et comment on exploite leurs faiblesses au juste ? Demanda l'intruse. Je suppose que différents «exceptionnels» ont différentes faiblesses. — C'est le cas. J'ai un petit tableau avec leurs faiblesses et comment se procurer les objets nécessaires à ma disposition, je le distribue à tous les arrivants. Je vais te fournir quelques papiers, un peu de monnaie et ce dont t'auras besoin pour «l'exceptionnel» que tu choisiras. Bonne chance. Ah et je m'appelle Emma, enchantée. — Ester, enchantée aussi.
Ester attendait. Sous la pluie. Elle avait certes une cape de pluie, mais c'était pas exactement chaud ces trucs. Au moins ça la forçait à rester concentrée et à pas tomber dans le confort... N'empêche qu'elle aurait dû prendre un peu plus de temps pour s'installer, parce que là elle pataugeait. Ah, ça commençait. Pas trop tôt. En face de l'immeuble sur lequel elle était installée se trouvait une foule agenouillée dans une place, qui n'avait pas bougé depuis plusieurs heures. Le changement se produisit au niveau du ciel, qui s'éclaircit soudainement. Un rayon de soleil presque chaud émergea du ciel vers le centre de la place et un monument. Et doucement à la suite du rayon de soleil, une forme tomba du ciel. Sa chute était contrôlée, et elle toucha le sol dans un silence religieux de la part de la place. La forme était un des «exceptionnels», évidemment. Elle avait créé un culte autour d'elle ou quelque chose du genre, et halo qu'Ester avait déjà aperçu autour du Boucher l'entourait aussi. C'était sa clé de sortie de ce monde gris et chiant… Mais quelque chose attira son attention : sur un autre immeuble, un autre «exceptionnel» se tenait droit, faisant face au gourou. L'intrus était le boucher, qui était enfin visible pour Ester. Effectivement, il avait l'air de mériter son nom, puisque en plus de son costume moulant débile, il avait aussi un tablier blanc tâché de sang. Et un croc de boucher dans une main aussi. — Je vais te buter, Man-Woman ! Le Boucher s'était exprimé, déclarant au gourou ses intentions avec honnêteté. Man-Woman, puisque c'était le nom de cette «exceptionnelle», s'éleva dans les airs, les bras ouverts dans une pose similaire à celle du Christ. Symbolique clichée et prétentieuse, quand tu nous tiens… — Boucher, il y a bien des civils ici. Serais-tu donc vraiment prêt à corroborer les théories qui font de toi un meurtrier d'innocents en les tuant ? En me tuant ? — Innocente, toi ? S'esclaffa le Boucher. Tu possède le pouvoir d'effacer les mémoires. Il est donc impossible de t'accuser en justice. Et tu as donc quelque chose à cacher ! — Boucher... Soupira Man-Woman. Tu sais bien que mes pouvoirs sont strictement limités au contexte de thérapies. Une partie des gens sur cette place pourra en attester ! — C'est vrai ! S'écria un type en veste couleur caca d'oie avant de s'agenouiller à nouveau. — Comment est-ce que ça prouve quoi que ce soit ? Demanda le Boucher. Le prétexte de faire suivre une thérapie peut être utilisé pour discréditer des adversaires politiques après tout. Et puis si on veut admettre que tu ne travailles que dans le contexte de thérapies, mate donc cette photo ! Le Boucher sortit une image d'une poche invisible. À la distance où il était, absolument personne ne pouvait la voir, à part apparemment Man-Woman, qui sembla s'énerver un peu. Mais juste avant qu'elle ne réponde, Ester reçut un appel de la part d'Emma. — Alors, je vois que t'es sur place. — C'est vrai, avoua Ester. Pour l'instant, Man-Woman et le Boucher se disputent juste pour savoir qui est le vrai gentil. Tu m'as dit que les «exceptionnels» représentent tous deux des exaltations de la vertu et de l'absence de vertu... Qui est quoi dans ce cas ? — La chose sûre c'est que Man-Woman est toujours la personne la plus vertueuse dans la pièce. Pour le Boucher, c'est un peu plus «nuancé», c'est un type qui est censé être la vertu mais qui est trompé par des gens méchants la plupart du temps. — Ah c'est un con donc, conclut Ester. — Ouais, en attendant Man-Woman participe à des thérapies de conversion et le Boucher a l'air de l'accuser de ça, donc bon, avec notre prisme de valeurs c'est pas forcément le pire. — Ah c'est ça cette image que le Boucher a sorti ! S'exclama Ester. Elle devait avoir parlé trop fort, parce que la communication s'interrompit directement alors que quelques gens sur la place se tournaient vers elle. Puis ce fut un raz-de-marée de têtes qui se tournaient, fixant toutes Ester avec un regard globuleux. Finalement ce fut Man-Woman et le Boucher qui tournèrent la tête vers elle. Ce genre de situation est quand même paralysant. Pendant quelques instants de flottement, rien ne se passa. Mais, et Ester en remercia la Providence (qu'elle existe ou non), quelque chose d'autre attira l'attention des gens. En même temps, pour que ton attention soit pas attirée par un robot géant qui s'extirpe d'un immeuble, faut le faire. Le robot était grand, vert et très moche. Même les créatures dans les films de monstre des années 50 avaient l'air plus réalistes... Mais heureusement, le robot avait des hauts-parleurs pour indiquer ses intentions et résoudre absolument toute tension dramatique qui pourrait subvenir en se demandant pourquoi il était là . — Man-Woman, Boucher, je viens vous tuer au nom de la liberté des gens de cette ville ! Cria le robot, ou, plus probablement, la personne qui le commandait. — Eh, c'est moi qui me bats pour la liberté des gens de cette ville ! S'exclama le Boucher, l'air insulté au plus haut point. Et vous êtes tous les deux des menaces pour cette ville et ses habitants. — D'abord c'est vous les menaces pour la liberté des habitants, ajouta Man-Woman. Je suis là pour défendre la liberté, la justice et la ville, alors que vous ne faites que semblant pour répandre vos agendas politiques liberticides ! — D'abord c'est toi la liberticide, répondit le robot. — Non c'est toi, relança Man-Woman. Ester soupira, soulagée de ne plus être le centre d'attention alors que les civils fuyaient la place. Emma la rappela soudain, et elle décrocha aussi vite que possible. — La communication avait été coupée, s'excusa Emma. — Pas grave, la pardonna Ester. Par contre, je comprends absolument pas ce qu'il se passe, les trois tarés ont l'air de vouloir la même chose. — C'est encore un des effets de ce monde, expliqua Emma. Ici, tous les «exceptionnels» ont le même but parce que ça donne un air plus nuancé alors que bon... Sont juste cons. Encore une des conséquences de ce film apparemment. — Vraiment pourri ce film, j'espère qu'il sortira jamais de ce monde, pria Ester. Bon qu'est-ce qui se passe maintenant ? — Toi, tu restes sur cet immeuble. Il est suffisamment bien assuré pour qu'aucun des trois ne veuille le détruire. Oui y a une assurance contre les «exceptionnels». Et après tu attends qu'ils aient fini de se battre et de massacrer des civils, et tu t'approches de Man-Woman soit quand elle a gagné, soit quand elle a crevé. Si elle a gagné, elle sera affaiblie et tu pourras profiter de sa faiblesse. Si elle a crevé, ça sera encore plus simple de créer un portail. — Compris. Et donc Ester attendit. Ce fut long. Ce fut aussi très chiant. Même du popcorn aurait pas rendu ça meilleur. À chaque fois qu'un des trois était en difficulté, une nouvelle capacité apparaissait pour ne plus jamais être utilisée après. C'était répétitif, énervant et mal fait. Ester faillit s'endormir à un moment, avant d'être réveillée par Man-Woman qui lançait un immeuble (habité) sur les deux autres. Apparemment elle ne serait pas une menace pour la ville... Mais bref, le robot fut neutralisé. On se retrouva donc avec un 10 face-à -face entre le Boucher et Man-Woman. Évidemment, le face-à -face commença aussi par un dialogue de sourds long, probablement chiant et totalement inaudible à la distance où Ester était. Voyant que la bataille allait vers sa fin, Ester s'approcha en catimini de l'endroit où les deux discutaient. Une fois arrivée, les deux avaient disparu, mais elle se cacha quand même. Soudain, un sifflement. Et après le sifflement, le corps désarticulé du Boucher qui tombait sur le sol, encore en train de respirer. Et Man-Woman qui apparaissait juste après. Dans son dernier souffle, le Boucher parla : — J'ai eu tort de te mettre en doute, Man-Woman. Depuis le début les thérapies de conversion c'était bien, et tu ne faisais que défendre le monde des gens méchants comme moi. — Dans la mort tu obtiens la rédemption, Boucher. Je ferais faire un monument à ton honneur, quand bien même… Et Man-Woman s'arrêta là , après qu'Ester lui ait balancé un pavé à la gueule. Man-Woman aurait facilement survécu à ça normalement, mais Ester était venue préparée, tenant entre ses dents de la Machotonite, la seule faiblesse de Man-Woman, qui supprimait tous ses pouvoirs. S'approchant de «l'exceptionnelle», Ester cracha le morceau de Machotonite sur le gourou, générant immédiatement un portail en face. Ester se sentit soulagée d'enfin revoir une couleur normale après autant de temps ici. Avant qu'elle ne puisse y entrer, elle reçut un nouvel appel d'Emma. — Alors, je vois que tu as généré le portail. Laisse ton équipement ici, je viendrais le chercher. — Merci beaucoup pour ton aide. Je n'aurais pas pu faire quoi que ce soit dans ce monde pété sans toi. — Oh de rien, c'est ma passion d'aider les gens dans des trous débiles comme celuici. — Eh bah tu le fais bien. — Merci. Ester se délesta des sacoches que lui avait prêté Emma, et s'engouffra dans le portail, enfin la promesse d'un air différent. Cette histoire fait partie d'un tout plus grand ! |