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Faucheuse![]() Spectacles![]() Les portails d'Ester
![]() ![]() Dernier portail(par Faucheuse)On dit souvent « plus dure sera la chute ». Mais Ester n’était pas d’accord. Pour elle, c’était plutôt « plus dur sera le rocher sur lequel on tombe ». Et c’est sa tête qui le heurta de plein fouet. La jeune femme regarda au-dessus d’elle et vit le portail se refermer, entraînant avec elle tout espoir de revenir en arrière, en supposant toutefois que cela ait été possible.
Après tant de voyage, Ester commençait à connaître le refrain. Si elle voulait survivre pour trouver un autre portail, et un jour rentrer chez elle, il lui fallait déterminer où, et éventuellement quand, elle se trouvait. Elle examina les environs. Une surface rocailleuse et désertique l’encerclait sur des kilomètres à la ronde. Jusqu’aussi loin que son regard pouvait se poser. Il faisait nuit, mais cela ne l’empêchait pas d’y voir plutôt clair. Les trois lunes qui brillaient dans le ciel étoilé aidaient bien.
Trois lunes ?! Ce qui était sûr, c’est qu’elle n’était pas sur une version alternative de la Terre. Ester perçut un mouvement sur sa gauche. Elle tourna doucement la tête, comme si la lenteur aurait pu lui éviter de se faire remarquer. Elle espérait fortement que ce soit le cas, au vu de l’exceptionnelle taille de ce mille-pattes. Si tant soit est que cela en soit un, bien sûr.
Il avait huit crochets sur l’avant de son corps qui attrapait des roches et les broyait avant de les projeter à l’intérieur de sa gueule. De grosses écailles recouvraient l’essentiel de son corps et des jointures suintait un liquide orange visqueux qui, lorsqu’il touchait le sol, provoquait un nuage de fumée et le bruit caractéristique de l’acide. Ester n’eut pas cœur à tester si son intuition était bonne. La créature était certes immense, mais apparemment assez lente.
La jeune femme décida d’en profiter et de mettre le plus de distance possible entre elles. Alors, elle courut. Elle courut à en perdre haleine. Et elle comprit qu’elle avait raison de ne pas vouloir s’attarder. Car ce monstre n’était pas le seul de son espèce, loin de là . Il y en avait des dizaines comme lui. Et ce n’était pas non plus le plus grand qu’elle croisa. Elle n’arrêta sa course que lorsque ses jambes refusèrent de poursuivre son éperdue fuite.
Là où elle s’était stoppée, il ne semblait pas y avoir de ces bestioles. Cela ne signifiait bien sûr pas que ces terres-là fussent plus hospitalières. Mais au moins, elle se sentait plus en sécurité qu’à son point de chute. Sa chute… Ester avait frappé le sol avec force. Elle ne s’était même pas rendu compte qu’elle s’était blessée à la tête. En tâtant du bout des doigts, elle sentit bien que la plaie n’était pas sans importance. Et elle avait saigné. Son épaisse chevelure était collante là où le sang avait suivi son chemin.
Ester s’assit sur un gros rocher qui se trouvait non loin. Elle avait besoin de se repos… De soins et d’eau aussi. Mais pour l’heure, cela lui était indisponible. Que faire ? Les rideaux roses de sa chambre lui manquaient autant que l’odeur de jasmin qui parfumait habituellement son appartement… À moins qu’il n’ait s’agit de rideaux bleus et d’une odeur de rose ? Ester ne parvenait plus à s’en souvenir avec précision. Cela ne faisait pourtant pas des mois qu’elle voyageait d’un monde à un autre. Sa lésion à la tête ne devait pas y être étrangère. Alors qu’elle réfléchissait, tentant de se souvenir de ses pérégrinations, elle sombra dans l’inconscience. Elle fut réveillée par le bruit distant d’un moteur. De la technologie… Cela signifiait une vie intelligente. Et donc, de l’eau. Et avec un peu de chance, une possibilité de soins. Ester se releva et se précipita dans la direction d’où lui avait semblé provenir le bruit. Même s’il faisait jour maintenant, elle ne vit rien, dans un premier temps. Ce n’est que lorsqu’elle scruta le ciel qu’elle s’aperçut que c’était une sorte de vaisseau qui passait non loin de sa position. En regardant dans la direction que prenait l’engin, elle vit, à l’horizon, les contours d’un bâtiment. Pas étonnant qu’elle ne l’ait pas remarqué jusqu’alors tant il était éloigné. Ester tenta de déterminer quelle distance la séparait de l’édifice. L’horizon était à dix kilomètres ? Quinze kilomètres ? Encore une fois, sa mémoire lui faisait défaut.
De toute façon, peu lui importait de devoir marcher deux, trois ou même cinq heures. Si elle restait ici, elle mourrait. C’était une certitude absolue. Alors, elle marcha. Elle n’aurait pas su dire combien de temps elle mit. Fût-ce ce soleil qui ne semblait pas bouger dans le ciel ou ses jambes qui la suppliaient de faire une pause après chaque mètre parcouru… cela lui parut une éternité.
Finalement, elle arriva au pied de la structure. Ce n’était pas un bâtiment des plus classiques. Il y avait un gouffre sous celle-ci et l’essentiel de la bâtisse semblait s’y trouver. En surface, cela ressemblait en revanche à un puits de forage pétrolier. C’était très perturbant de constater à la fois les similitudes et les étonnantes disparités avec ce qu’elle connaissait. Ester cherchait où pouvait se trouver l’entrée et ne remarqua qu’une forme de vie l’observait que lorsqu’une arme se plaqua contre son dos. Une voix lui parla alors dans un langage qui lui était inconnu. La jeune femme leva les mains pour montrer tout à la fois qu’elle n’était pas armée et qu’elle était prête à coopérer.
— Je ne suis pas lĂ pour faire de problèmes. Je voudrais juste Ă boire, dit-elle.
Elle tenta de se retourner pour voir à qui elle avait affaire, mais l’arme s’appuya davantage contre son corps, la contraignant à interrompre son mouvement. Le soleil dans son dos, Ester pouvait toutefois voir l’ombre de celui qui la mettait en joue. Et ce n’était clairement pas humain à en juger par les quatre tentacules qui flottaient au-dessus de son corps. Encore une fois, la créature prononça des mots dans un langage incompréhensible puis un violent choc à la tête lui fit perdre connaissance.
Ester se réveilla douloureusement. Sa tête lui faisait un mal de chien. Quelque fut son état de santé avant, le coup qu’elle avait reçu n’avait clairement fait que l’empirer. Elle regarda autour d’elle, s’attendant à se trouver dans une cellule. Il n’en était rien. Pas visiblement en tout cas. Elle était dans une pièce métallique dépourvue du moindre meuble, mais au moins aucune porte ne l’empêchait de quitter cet espace exigu. Ce qu’elle fit aussitôt. Jamais elle n’avait vu un environnement aussi éloigné de ce qu’elle connaissait. Et cela n’était pas étonnant.
Elle se trouvait sur une passerelle qui encerclait une immense cour en contrebas. Mais aucune échelle ou escalier ne permettait de s’y rendre. La cour semblait même complètement dépourvue de sorties. Et elle était occupée en nombre. En comparant leur apparence à l’ombre de l’être qui l’avait frappée, ils appartenaient à la même espèce. Et cette apparence était des plus grotesques. Un unique œil, mais gigantesque et injecté de sang formait leur corps. Ils avaient quatre membres comme des êtres humains, mais qui disposaient de douze articulations et n’avaient ni mains, ni pieds. Des trous terminaient leurs membres supérieurs qui, à en juger par l’un d’eux qui semblait en plein repas, ne leur servait pas uniquement de bras, mais également de bouches. Sur le dessus de leur œil se trouvait une bosse à laquelle était reliée quatre tentacules.
À pas de loup, pour éviter que les aliens ne comprennent qu’elle était éveillée, Ester s’aventura le long de la passerelle. Elle avait repérée plusieurs sorties et comptait bien trouver de quoi se sustenter. Mais l’agencement des pièces samblait ne suivre aucune logique. Certains longs couloirs conduisaient à des impasses, voire faisaient des boucles qui ramenaient au point de départ. Le lieu avait-il été conçu comme un labyrinthe d’où l’on ne pouvait sortir sans en connaître le plan ? Ou est-ce que la cohérence que demandait son esprit n’était juste pas quelque chose d’existant dans ce monde ?
Au bout d’un long moment, elle atteignit une pièce où un écran montrait quelque chose qui sonnait trop bien pour n’être qu’une coïncidence. Des sphères superposées. Et à l’intérieur de chaque sphère… elle reconnut sans peine les lieux où elle avait été grâce aux différents portails. Et tout en bas de cet empilement de sphères… La dernière représentait les créatures qu’elle venait de voir. Même si elle ne reconnaissait aucun des caractères utilisés, elle pensait ne comprendre que trop bien la signification du schéma qui défilait en boucle.
Pourvu qu’elle ait tort… parce que si ce n’était pas le cas, cela signifiait qu’elle ne rentrerait jamais chez elle. Les dimensions étaient empilées les unes au-dessus des autres. Et tout comme il était impossible de défier la gravité pour s’envoler dans les cieux, il était impossible de remonter le long des portails… seulement de descendre. Il n’y avait jamais eu d’espoirs de rentrer. Du moins sans aide. Mais si ces aliens semblaient sur le point de trouver le moyen de contrer le cours naturel de déplacement, ce n’était clairement pas dans un but altruiste.
Ester réfléchit longuement. Pourrait-elle utiliser la machine qu’ils préparaient pour rentrer chez elle ? Sauf qu’elle ne ferait que se retrouver dans la dimension précédente… Cela ne changerait pas grand-chose à sa situation. Et ces créatures tenteraient toujours d’envahir les autres mondes… jusqu’à arriver au sien. Mais que pouvait-elle y faire ? Elle n’était certainement pas ingénieure spécialisée en voyage dimensionnel. Et quand bien même… si l’écran réagissait lorsqu’elle le touchait, elle n’avait aucune connaissance dans le langage de ces êtres. Elle ne pourrait jamais en altérer les réglages.
Une idée finit par germer dans son esprit. Si elle parvenait à faire entrer dans le bâtiment les horribles mille-pattes qui rôdaient à l’extérieur, peut-être se chargeraient-ils de dévorer les machines et mettre fin à cet ignoble projet. Mais pour cela, il lui faudrait d’abord trouver l’entrée de la structure. Elle quitta la pièce à pas feutrés. Désarmée, la discrétion restait sa meilleure option… la seule en fait, si elle était honnête avec elle-même.
Étonnamment, ou comme si on avait voulu l’aider dans son entreprise, l’issue de l’édifice n’était pas loin du lieu où elle se trouvait. Et même en ouvrir la porte ne fut pas bien compliqué. Ester s’appliqua à jeter un œil aux alentours avant de se jeter dans la gueule du loup. Il n’y avait aucun garde visible. Elle quitta l’installation, épuisée, manquant de trébucher à chacun de ses pas. Elle puisait dans toutes ses ressources. Elle devait réussir cette ultime mission qu’elle s’était donnée. Elle le devait. Pour son monde. Pour ses amis. Et elle devait également prendre garde à conserver assez de forces pour retourner au bâtiment lorsqu’elle serait parvenue à se faire poursuivre par les redoutables créatures.
Ester ne tarda pas à en croiser un groupe. Un simple cri… non… un hurlement plutôt, mit en alerte le groupe entier de cinq mille-pattes. Alors, la jeune femme commença à courir pour ce qui serait probablement la dernière course de sa vie. Lorsqu’elle arriva au bâtiment et y pénétra, elle fut surprise de croiser l’un de ses habitants. Pour ne pas se planter sur l’arme pointue qu’il transportait, elle glissa et tomba au sol. Désormais, ce n’était plus que sa tête qui était douloureuse. Ses fesses l’étaient autant. Elle regarda derrière elle pour voir si les créatures l’avaient suivie. C’était le cas.
Mais Ester ne se réjouit que quelques secondes. L’individu armé tourna son arme vers la bête et tira. Le flux de plasma réchauffa fortement l’air au-dessus de la jeune femme et coupa le monstre en deux. Un instant plus tard, la sortie était refermée, bloquant les autres membres du groupe à l’extérieur.
— Bon sang… chuchota-t-elle. — Vous avez Ă©tĂ© brave, lui rĂ©pondit alors le tireur. — Vous parlez ma langue ? — Nous avons sondĂ© votre esprit. Appris votre langage primitif… RetracĂ© votre voyage. Vous nous avez Ă©tĂ© très utile. Grâce Ă vos mĂ©tadonnĂ©es, nous allons pouvoir achevĂ© notre machine. — Pourquoi m’avoir donnĂ© une lueur d’espoir ? Me faire croire que je pouvais m’enfuir ? — Nous voulions savoir comment vous rĂ©agiriez. Nous avons dĂ©sormais une stratĂ©gie d’attaque pour tous les mondes peuplĂ©s d’individus de votre espèce.
Ester regarda l’être. Elle était terrifiée. Elle pensait contrecarrer leurs plans. Elle n’avait fait que le parachever. L’arme se tourna vers la jeune femme et le flux de plasma lui déchira les entrailles. Tandis qu’elle rendait son dernier souffle, elle sut que tous les mondes étaient à leur merci. Il n’y avait aucun espoir. Cette histoire fait partie d'un tout plus grand ! |