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ElinorFaucheuse![]() Spectacles![]() L'histoire des Faucheuses
![]() ![]() Pari risqué(par Elinor et Faucheuse)Son corps est tout ce dont il a besoin. Le rituel ne peut s’en passer, je le sais pertinemment. Je l’observe, les yeux mi-clos, les muscles tendus à l’extrême. Je ne peux m’empêcher de penser à ce que nous avons vécu ensemble. Je ne comprends pas pourquoi je fais ça. Cela fait longtemps que je ne touche plus la magie. Alors pourquoi est ce que j'exécute ce rituel aux propriétés maléfiques ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. Je suis perdue. Il est immobile. Sur cette table de pierre. Comme prêt pour un sacrifice. Aurais-je seulement la force de le faire ? Je n'arrive pas à me rappeler comment nous en sommes arrivés là . J'aperçois un de mes vieux grimoires près du feu de camp qui frémit. Je m'en saisis, et l'ouvre à la page marquée d'un bout de tissu. Mais je me trouve dans l'incapacité de lire. Les lettres s'effacent sous mes yeux. Je suis prise d'un brutal mal de tête. Mais que m'arrive-t-il ? Amaury se lève tout à coup. Ses yeux sont vitreux. Il se dirige vers moi, semblable à un zombie ! Il passe ses mains autour de mon cou et commence à serrer. J'ai beau essayé de le repousser, sa poigne est de fer. Je suffoque. L'air me manque. Je ferme les yeux. Je vais mourir, sans savoir pourquoi. J'ouvre les yeux tout à coup, à bout de souffle. Je regarde autour de moi et je suis rassurée. Je suis bien chez moi, ce n'était qu'un simple rêve. Affreux, mais seulement un rêve. Je reprends doucement mes esprits lorsqu'on frappe à ma porte. A cette heure, cela ne peut être qu'une seule personne. Je m'habille à moitié très vite et cours lui ouvrir. Mais quelque chose ne va pas. Je lui saute au cou, mais il me repousse. Son visage est sombre, préoccupé. Que se passe-t-il ?
Cela fait plusieurs semaines que j’ai ramenĂ© Elea avec moi, la faisant passer d’une vie ennuyeuse de chanteuse d’auberge Ă une vie ennuyeuse de future dame de la cour. Mon père n’a pas vu d’un très bon Ĺ“il que je sois tombĂ© amoureux d’une roturière… une Ă©trangère de surcroĂ®t. Étant le troisième nĂ© de ma famille, il prĂ©fĂ©rerait m’organiser un meilleur mariage que celui que je souhaite. Cette nuit-lĂ , je suis dans mon lit, me demandant ce que je dois faire. Le comte de la Foix m’a annoncĂ© plus tĂ´t avoir obtenu, pour moi, la main d’une Baronne du sud du pays. Cette nouvelle l’avait mis dans un Ă©tat d’excitation tel que je n’avais su lui dire non. Il me faudra pourtant bien trouver la force de lui expliquer Ă nouveau que je souhaite un mariage d’amour… qu’obtenir davantage de terrain ne m’intĂ©resse pas le moins du monde. J’ai dĂ©jĂ un manoir. Certes, il est Ă©loignĂ© de toute grande ville, mais cela me convient parfaitement. De chevalier, j’ai les compĂ©tences de guerriers, pas celles d’un seigneur. Mon père peut bien m’envoyer Ă la guerre, j’en fais fi. Mais tenter de m’arracher Ă l’amour que j’éprouve pour la jeune femme qui dort quelques chambres plus loin… Cela m’est impensable. Puis, je rĂ©alise que je n’en ai encore pas parlĂ© avec ma dame. La Lune est haute dans le ciel Ă©toilĂ©, mais avec un peu de chance, je ne la rĂ©veillerai pas. Il faut de toute façon que je lui parle de toute urgence. Je ne pourrais pas dormir tant que j’aurai ces pensĂ©es qui dĂ©filent dans ma tĂŞte. Je frappe Ă sa porte et, lorsqu’elle m’ouvre, la repousse au moment oĂą elle tente de m’enlacer. Peut-ĂŞtre dĂ©sirait-elle quelques plaisirs charnels, mais je n’ai pas le cĹ“ur pour cela. Et lorsqu’elle voit mon visage, elle semble immĂ©diatement comprendre que je suis troublĂ©. — Ma mie… J’ai une bien mauvaise nouvelle Ă vous annoncer. Je ne vais pas y aller par quatre chemins… Mon père le Comte… a dĂ©cidĂ© de me marier Ă une Baronne. — Quoi ?! s’étrangle-t-elle aussitĂ´t. Mais vous m’aviez jurĂ© amour Ă©ternel ! — Et cet amour est sincère, je puis vous l’assurer. Mais… mais je ne sais comment faire pour me soustraire Ă mes obligations. J’aimerais vous demander quelque chose de… d’inhabituel. Je sais que vous connaissez les arts de la magie… Alors, connaĂ®triez-vous quelques… sortilèges en mesure de nous aider ? Sortilèges… Je n’avais osĂ© employĂ© le mot malĂ©fices… Car je savais dĂ©jĂ que lorsque l’on touche Ă quelque chose d’aussi pur que l’amour, il y avait un prix Ă payer. Dans les yeux d’Elea, je peux lire le doute.
Il me demande d'utiliser la magie... Au nom de notre amour... Je repense au rĂŞve que j'ai fait cette nuit. L'horreur que j'ai failli commettre... qui a provoquĂ© ma fin. J'ai comme un mauvais pressentiment. Et s'il Ă©tait prĂ©monitoire ? Et s'il m'avertissait des dangers que je courrais si je m'adonnais de nouveau Ă la magie ? Je ne sais pas quoi lui rĂ©pondre...Il faut que je rĂ©flĂ©chisse. Je lui demande de me retrouver Ă l'extĂ©rieur du château au lever du jour, non loin du puits. Si j'accepte de me replonger dans mes sortilèges, nous ne pourrons pas faire cela Ă la vue de tous. Je risque, nous risquons trop gros. Il acquiesce sans un mot, et sort de ma chambre. Je ne referme plus l'Ĺ“il de la nuit. Il faut que je prenne cette dĂ©cision. Écouter mon cĹ“ur ou ma raison ? Risquer ma vie pour sauver notre amour, ou laisser ce qui doit se passer arriver? Ces questions tournent en boucle dans mon esprit. Mais lorsque le soleil apparaĂ®t, j'ai pris ma dĂ©cision. Je ne laisserai pas une baronne se mettre entre nous. Je dois juste trouver quelque chose pour... Oh, je crois que je sais. Je feuillette un de mes vieux livres que j'avais gardĂ© par prĂ©caution. Oui, c'est bien cela. L’ensorcellement de l'esprit. Avec cela, nous obtiendrons sans mal le consentement du comte pour notre mariage. Je cache le livre sous mes jupons, et pars retrouver mon aimĂ©. Dès qu'il me voit, il se prĂ©cipite Ă mes cĂ´tĂ©s et me demande : — Allez vous accepter ma mie ? J'acquiesce et lui rĂ©ponds : — J'ai trouvĂ© un sortilège qui pourrait nous ĂŞtre utile. Je ne puis garantir que cela fonctionnera, mais c'est un pari Ă prendre. Cependant, il faut que vous soyez prĂŞt Ă assumer les consĂ©quences si cela fonctionne. — Je suis prĂŞt Ă tout pour rester près de vous. En quoi consiste-t-il ? Je marque un temps d'arrĂŞt. Je prends une profonde inspiration et lui dis : — Il s'agit de prendre le contrĂ´le de la volontĂ© de votre père pour obtenir son consentement pour notre mariage. ĂŠtes vous prĂŞt Ă essayer ? Il reste sans voix. Il hĂ©site. Et je le comprends. Je sais ce que peut lui coĂ»ter cet acte. Il me jette un coup d'Ĺ“il, et me donne son approbation du regard. Je commence alors Ă rĂ©citer l'incantation. Et tout Ă coup, je ne contrĂ´le plus rien. Je suis enserrĂ©e par des forces invisibles qui me font quitter le sol avant de me relâcher brutalement. J'ai Ă©chouĂ©. Des larmes me montent aux yeux. Et le pire qui pouvait arriver se produit. Des gardes m'entourent, lances pointĂ©es sur moi. Puis le comte apparaĂ®t. Il demande Ă son fils ce qu'il se passe. Et je n'aime pas du tout la rĂ©ponse que j'entends.
Elle me demande de la retrouver au lever du jour Ă l’extĂ©rieur. Je consens Ă la laisser rĂ©flĂ©chir et retourne me coucher. Mais mes doutes ne sont pas levĂ©s pour autant et je passe le restant de la nuit Ă me demander si ce que je lui ai demandĂ© n’est pas trop risquĂ©. De la sorcellerie… Je lui ai vraiment demandĂ© de faire usage de cette interdite pratique. Je serai rĂ©pudiĂ© par le clergĂ© et probablement toute la noblesse si cela venait Ă ĂŞtre appris. Dieu me pardonnerait peut-ĂŞtre dans son immense grâce, lui… Lorsque le soleil se lève, je n’ai pas fermĂ© l’œil de la nuit. Bien qu’extĂ©nuĂ©, je rejoins Elea au point de rendez-vous que nous avons convenu, puis je l’attends. Peu de temps après, elle arrive et m’explique son plan. Il requiert l’utilisation d’un asservissement mental. L’idĂ©e me dĂ©plaĂ®t fortement. Autant l’emploi de subterfuges pour qu’elle se fasse passer de plus noble condition qu’elle n’est me paraissait acceptable, autant là … Mais je ne peux refuser son plan. Aussi ignoble soit-il, il est notre seule chance de pouvoir vivre pleinement notre amour. Je n’accepte que d’un regard. Elle tente de lancer son envoĂ»tement. J’ignore comment elle vit l’expĂ©rience, mais de mon point de vue Ă moi, cela est sublime. Des runes dorĂ©es apparaissent autour d’elles, semblant aussi tangibles que la lame de mon Ă©pĂ©e. Elles virevoltent autour d’Elea, qui dĂ©colle lentement du sol. Ses boucles rousses sont battues par un vent magique. Elle est plus belle que jamais. Puis les runes se dissipent d’un coup et elle tombe au sol. Mais toute la magie qu’elle a utilisĂ© et qu’elle semble n’avoir pas su maĂ®triser a alertĂ© des gardes et nous sommes rapidement encerclĂ©s. Mon père… le Comte arrive. — Amaury, mon fils, que se passe-t-il ? Pourquoi as-tu emmenĂ© une sorcière dans nos murs ? Es-tu devenu fou ? J’espère que tu as une explication Ă me donner. Nous ne pouvons pas nous permettre d’être associĂ© Ă ces pratiques impies. — Je… Je… Je ne sais que dire. Je tente de rĂ©flĂ©chir aussi vite que je le peux pour nous sortir de cette situation. Mais je ne trouve rien. Et je vois mon père s’impatienter. Il faut que je dise quelque chose immĂ©diatement. — J’ignorais que c’était une magicienne, père. Elle m’a rĂ©vĂ©lĂ© ce matin la vĂ©ritĂ© et tentĂ© de prendre le contrĂ´le de notre domaine. Gardes ! Emparez-vous d’elle ! Je la supplie du regard de me pardonner. Je n’ai rien trouvĂ© d’autre qui puisse sauver au moins l’un d’entre nous. Mais j’ai dĂ©jĂ quelques idĂ©es pour la sauver elle Ă©galement. Des idĂ©es que je ne peux bien sĂ»r pas lui dĂ©voiler. Tandis que les gardes se saisissent d’Elea et la forcent Ă se relever, mon père se rapproche de moi et me saisit par les Ă©paules. Son regard est dur et le cadet de ma fratrie, le chef de la garde, nous observe… m’observe d’un air mauvais. — Mon fils, je suis persuadĂ© que tu n’as pas voulu nous causer du tort… Mais ce qu’il s’est passĂ© va se savoir, c’est inĂ©vitable. Et je ne vois qu’une façon de t’éviter la disgrâce. — Quel est-il ? DemandĂ©-je naĂŻvement. — Je vais organiser ton mariage avec la Baronne Eulalie. Des festivitĂ©s feront oublier ce malencontreux concours de circonstances. J’acquiesce de la tĂŞte. Je sais que je n’ai pas le choix… et Elea est emmenĂ© vers les cachots du château.
Je suis emmenée de force par les gardes, comme une criminelle. On m'a attachée aux poignets, et le frottement de la corde en continu me fait souffrir. Mais mon cœur souffre bien plus que mon corps. Je ne comprends pas ce qui a traversé l'esprit d'Amaury. Pourquoi m'a-t-il trahi de la sorte ? Je ne comprends pas... Je suis jetée dans une cellule noire, sans fenêtre. Aucun meuble, et par terre, rien. Même pas un peu de paille par terre. Je ne suis même pas traitée comme un animal. Je suis une femme, mais à leurs yeux... je ne suis rien. Simplement un monstre, une dégénérescence humaine qui n'aurait jamais dû naître. On m'a toujours reproché ce que je suis. Née dans une famille gitane, musicienne étrangère dans une auberge de village de campagne... on m'a pointée du doigt, jugée, rejetée. Jusqu'ici, je n'ai jamais eu honte de la personne que je suis. Même quand j'ai cru vivre vivre la pire trahison... je n'ai jamais baissé la tête face à ceux qui me dénigraient. Mais aujourd'hui... aujourd'hui, tout est différent. Je croyais que je pouvais lui accorder ma confiance... tout quitter pour lui... qu'il tiendrait les promesses qu'il m'a faites... Mais à l'évidence, je me trompais. J'aurais du faire comme toujours. Ne compter que sur moi-même. Me méfier de tout le monde. Personne n'en a jamais rien eu à faire de moi... j'aurais du prévoir que cela arriverait. Ce fameux moment où je lui aurai tout donné, et que lui m'abandonne. Je lui ai fait confiance, et aujourd'hui j'en paie le prix fort. Je ne vois pas la journée passer. Le manque de lumière naturelle m'empêche de me situer dans le temps. J'ai l'impression que chaque seconde est une éternité. Les gardes qui surveillent les cellules se moquent de moi. Me jettent de l'eau sur la figure quand je suis sur le point de m'endormir. Je n'ai aucun répit. J'arrive à entendre des bribes de leurs conversations. Ils disent... ils disent que le bourreau ne pourra pas arriver avant l'aube... Mais que sitôt ici, il commencera à me faire avouer mes crimes... Mes crimes... quels crimes ? Celui d'exister ? Celui d'avoir voulu vivre libre ? D'épouser l'homme que j'aime ? Je n'ai plus rien... Plus qu'un espoir... Que tout s'arrête... Le plus vite possible... Qu'ils me laissent mourir, puisque c'est à l'évidence la fin qui m'attend... Mourir par les flammes... Lorsque je demande à manger... ou même à boire... Je n'obtiens que des paroles acerbes... des coups... Je n'obtiendrai rien d'eux... Je n'obtiendrai rien de plus personne...C'était mon destin depuis toujours... Vivre et mourir seule, sans obtenir rien. Et puis j'entends quelqu'un. Mais ce n'est pas un garde non, la démarche est différente, le pas est différent. Et puis il m'appelle. Je reconnaîtrais cette voix entre mille. Que vient-il faire ici ? Une chose est sûre, je n'attendrai plus rien de lui... Mais quand je le vois... Toutes mes certitudes s'effondrent. Je suis toujours éperduement amoureuse de lui, malgré ce qu'il m'a fait, j'en suis certaine.
Je passe la journĂ©e, honteux de ce que j’ai dĂ» faire. Une certitude me hante… Celle qu’elle ne pourra ni comprendre ni pardonner mes actes. ProstrĂ© dans ma chambre, je ne sais que faire. Je ne souhaite pas Ă©pouser la Baronne… Je ne veux que pouvoir vivre mon amour avec Elea. Pourquoi a-t-il fallu que je sois de condition noble ? Sans cela… Je ferme les yeux et finit par m’endormir, anĂ©anti par l’absence de sommeil pendant la nuit. Lorsque je m’éveille, ma douce occupe immĂ©diatement toutes mes pensĂ©es. Je dois la sortir de lĂ . Si je ne fais rien, elle sera exĂ©cutĂ©e. Je prĂ©pare en hâte quelques affaires d’Elea dans un sac, y place Ă©galement quelques vivres et me rends discrètement dans la chambre de mon frère avant de me prĂ©cipiter vers les cachots. HĂ©las, trois gardes m’arrĂŞtent au moment oĂą j’y arrive. — Halte lĂ , messire ! Personne ne doit entrer les cachots... — Laissez-moi passer ! Je dois m’entretenir avec la prisonnière sur-le-champ ! — Les ordres sont clairs, je suis dĂ©solĂ©. Monsieur le Comte estime que cette engeance pourrait ensorceler quiconque s’en approcherait. Seul l’ÉvĂŞque Defaux et le bourreau pourront lui parler. Mon argumentation ne viendra pas Ă bout de leur volontĂ© d’obĂ©ir Ă leurs ordres. Je dĂ©cide donc de trouver un autre plan. C’est sĂ»rement de la folie, mais, grâce Ă une lampe Ă huile, je met le feu Ă une pièce avoisinante et me cache… attendant que la fumĂ©e alerte les gardes. Je dois ĂŞtre prĂŞt Ă intervenir dès que cela arrivera. Je ferme les yeux et attends… Cela semble durer des heures, mĂŞme s’il ne s’agit que de minutes probablement. Puis, j’entends soudain les gardes courir et hurler. L’un d’eux demande aux autres de ramener des seaux d’eau. J’en profite pour me glisser dans les cachots. Elea est lĂ , elle semble fâchĂ©e contre moi. Furieuse mĂŞme. Je ne peux lui en vouloir. Je ne sais trop quoi dire, mĂŞme si son visage s’adoucit assez vite. — Ma mie… ma douce mie. Je vous prie de bien vouloir me pardonner. Je ne savais pas quoi faire… Mais je ne peux pas me rĂ©soudre Ă vous abandonner. — Mais je suis condamnĂ©e. Demain Ă l’aube, ils me tortureront pour que je rĂ©vèle mes secrets… puis ils me tueront. — Ne vous inquiĂ©tez pas pour cela. Nous allons nous Ă©chapper et fuir cette contrĂ©e. J’ouvre la porte de sa cellule grâce Ă un passe subtilisĂ© Ă mon frère. — Fuyez, Elea. Les gardes sont occupĂ©s. Prenez ces affaires et retrouvons-nous ce soir lorsque la lune sera haute. — OĂą voulez-vous que nous nous retrouvions ? — Sur la Colline du Bois DorĂ©. LĂ oĂą je vous ai emmenĂ© la première fois après votre arrivĂ©e dans ces lieux. Elle accepte ce rendez-vous et m’embrasse fougueusement avant de s’enfuir aussi discrètement que possible.
Je suis incapable de lui en vouloir. Lorsqu'il arrive devant moi, s'excusant, m'offrant mon ticket pour la libertĂ©, me promettant une fuite ensemble... Je ne peux que lui pardonner. Je lui saute au cou pour l'embrasser, et après un dernier regard, je m'enfuie discrètement. C'est aujourd'hui que je bĂ©nis mes heures d'ennui Ă attendre mon aimĂ©. Elles m'ont permis d'explorer le château... et de dĂ©couvrir une petite porte de domestiques jamais fermĂ©e Ă clĂ©... qui aujourd'hui est la porte de ma libertĂ©. Je m'enfonce d'abord un peu dans la forĂŞt en masquant mes traces pour Ă©viter qu'on me retrouve, puis je change de vĂŞtements. Enfiler des habits propres et secs est si agrĂ©able... Amaury a eu le bon sens de me laisser une robe datant de ma vie de chanteuse, se laçant Ă l'avant et donc bien plus simple Ă enfiler seule. Mais tout se passait trop bien. Je devrais le savoir depuis le temps, la chance ne me sourit jamais... A peine ai-je le temps de lacer mes chaussures que je reçois un coup sur la tĂŞte et m'effondre, perdant connaissance. Lorsque je rouvre les yeux, je suis dans un lieu totalement Ă©tranger Ă l'odeur absolument infecte, pieds et poings liĂ©s... et trois hommes m'observent. Et je suis effarĂ©e. Les personnes qui sont devant moi... sont les trois mĂŞmes qui se sont enfuis il y a quelques mois, lorsque j'ai rencontrĂ© Amaury. Ainsi, ils savent pour ma magie. Je suis en mauvaise posture. En très mauvaise posture. Ils me regardent tous d'un regard mauvais. Cela ne prĂ©sage rien de bon. Et puis le plus grand, qui a l'air d'ĂŞtre la nouvelle figure d'autoritĂ© de la bande, prend la parole : — Et bien, et bien. Regardez moi qui voilĂ . Vous vous souvenez les gars ? C'est la sorcière qui a fait la peau Ă nos anciens camarades. A cause d'elles, ils sont morts par le feu, alors qu'ils auraient du mourir par la corde, comme tout voleur qui se respecte. Ils auraient Ă©tĂ© un exemple Ă suivre, des martyres Ă venger. Et au lieu de ça, ils ont Ă©tĂ© tuĂ©s comme des dĂ©mons. Et ça, nous, on l'a toujours pas digĂ©rĂ©. Et quand, par chance, on recroise la femme dĂ©moniaque responsable, on peut pas rester sans rien faire. Je ne comprends pas oĂą il veut en venir. Que veulent-ils faire? Vont-ils...? Je ne veux mĂŞme pas imaginer. Cette simple pensĂ©e me fait frĂ©mir. Mais le mĂ©crĂ©ant reprend : — Nous avons pensĂ© Ă plusieurs choses... dĂ©sagrĂ©ables pour toi, agrĂ©ables pour nous, mais finalement... nous ne voulons pas risquer de perdre notre âme pour une engeance telle que toi. Alors... regarde. Ou plutĂ´t ressens. Ce jour est le dernier que tu vivras sur cette terre, sorcière. Sur ce dernier mot, je sens une pluie de coups s'abattre sur moi de toute part. Je ne peux pas reprendre mon souffle, je souffre le martyre. La douleur m’est insupportable. Je relève la tĂŞte juste Ă temps. J’esquive la forme sombre qui me fonce dessus, m’écrasant sans aucune douceur sur le sol. Les odeurs ambiantes me montent Ă la tĂŞte, embrouillant mes sens. Je n’entends pas, ou Ă peine, les rires de ses brigands. Je les prie, je les supplie d'arrĂŞter, mais ils n'en ont que faire. Je sombre plusieurs fois. Et quand je sens que tout s'est arrĂŞtĂ©, je rouvre les yeux, et je vois...Je vois des flammes de toute part. Ils veulent me tuer, brĂ»lĂ©e vive. Je ne peux pas... pas tolĂ©rer ça... Je n'ai pas Ă©chappĂ© Ă un bĂ»cher pour mourir Ă peine quelques heures plus tard dans un autre. Je refuse de mourir de la sorte. Je souffre Ă effectuer le moindre mouvement, mais je dois me lever. Je le dois. Je cherche d'abord un moyen de rompre mes liens. De vieux Ă©clats traĂ®nent par terre. C'est donc l'alcool qui a servi Ă embraser l'habitation abandonnĂ©e, et la source de la mauvaise odeur. Un mouvement, puis un autre, et encore un autre, inlassablement... et je suis libre de mes mouvements. Je cours Ă la porte. Elle est fermĂ©e Ă clĂ©. Je frappe de toutes mes forces, encore et encore, me brĂ»lant, hurlant de douleur, mais sans m'arrĂŞter, et enfin, elle cède. A peine Ă©loignĂ©e de l'incendie, je m'Ă©croule. J'espère de tout mon cĹ“ur qu'Amaury saura me trouver... Sur cette dernière pensĂ©e, je suis de nouveau engloutie par des tĂ©nèbres. Mais des tĂ©nèbres bien plus sombres.
Après son dĂ©part, je rejoins ma chambre afin de prĂ©parer ma propre fuite. Je me saisis d’un sac de cuir et le remplis de quelques affaires, mais surtout, d’objets de valeur qui nous permettront de nous constituer quelques richesses. OĂą irons-nous ? Un instant, la question reste Ă suspension dans mon esprit. Le vieux manoir de ma famille ? Il est dĂ©labrĂ© et inutilisé… Personne ne penserait que quelqu’un de ma condition puisse se cacher lĂ -bas… Ce ne serait vraiment pas une mauvaise idĂ©e… Ă condition de pouvoir le rĂ©parer. Je regarde un instant mes mains… Jamais elles n’ont tenu d’outils, mais pour Elea je suis prĂŞt Ă m’abaisser Ă des travaux manuels. Et au pire, si cette idĂ©e s’avĂ©rait irrĂ©alisable, je serais mĂŞme capable de vivre une vie de roturier par amour pour elle. Mais mes rĂŞveries ne durent que trop peu de temps et mon père me rejoint dans la chambre. — Mon fils ! La sorcière a mis le feu au château. Nous avons pu le circonscrire et y mettre fin, mais elle en a profitĂ© pour s’évader. Je me doutais que cette crĂ©ature allait se servir de pouvoirs diaboliques pour nous nuire. — Père, je suis sĂ»r que vous avez pris les meilleures dĂ©cisions possibles. Maintenant qu’elle est partie, nous pouvons tous ĂŞtre soulagĂ©s. — Elea avait l’air de tenir Ă toi… Je crains qu’elle ne tente de t’attirer Ă elle. J’ai donc demandĂ© Ă l’ÉvĂŞque d’avancer le mariage. Une fois que Dieu l’aura bĂ©ni, cet ĂŞtre de tĂ©nèbres ne pourra plus rien contre toi. Tu vas donc Ă©pouser la Baronne dès ce soir et les festivitĂ©s auront lieu toute la nuit. Eulalie est impatiente de te rencontrer… Je suis si fier que son père accepte votre mariage. Je baisse les yeux. Je ne sais que rĂ©pondre. Je ne veux pas de ce mariage. Mais quel autre choix s’offre Ă moi ? Aucune chance que mon père me fasse laisser seul jusque lĂ . Je ne vais pas pouvoir m’éclipser… Un report ! Je dois obtenir un simple report ! — Père ? — Qu’y a-t-il, mon fils ? — C’est avec grande joie que j’apprends cette nouvelle, mais… PrĂ©cipiter la cĂ©rĂ©monie ne risque-t-il pas de nous porter prĂ©judice ? — Davantage que de voir revenir cette sorcière ? — Nombre de nos amis ne seront pas arrivĂ©s avant le dĂ©but du jour prochain… Et mon frère ? Avez-vous pensĂ© Ă mon frère ? Un jour de cheval nous sĂ©pare. — Ne t’inquiète pas pour cela, il a dĂ©jĂ Ă©tĂ© prĂ©venu. Il sera lĂ Ă temps… Quant Ă nos amis… Il faudra que nous nous passions d’eux. Ta sĂ©curitĂ© est plus importante que tout Ă mes yeux. — Mais… et les cuisiniers auront-ils le temps de… — Amaury ! Cesse cela immĂ©diatement ! Je comprends ta nervositĂ©, mais laisse-moi m’occuper de l’organisation et contente-toi de profiter de ton mariage. Ta mère aurait Ă©tĂ© si fière de te savoir mariĂ© Ă une jeune femme de si haute position. — Je… Oui, sans doute. Mon père m’abandonne et je m’assieds sur mon lit… Comment la rejoindre ? Je ne le sais...
Lorsque je reprends connaissance, le soleil a entamĂ© depuis longtemps sa descente dans le ciel. InstantanĂ©ment, je pense Ă Amaury. Je ne serai pas au rendez-vous. Et s'il ne m'attend pas ? Et s'il croit que je ne l'ai pas attendu ? Je dois partir dès maintenant, et avec un peu de chance, je ne le raterai pas. Mais, je suis dans l'incapacitĂ© de me lever. Je souffre le martyre. Un coup d’œil au reste de mon corps me confirme l'horreur : je suis recouverte de brĂ»lures. Chacune que je vois a un aspect plus grave que la prĂ©cĂ©dente. Sans parler du sang que j'ai perdu suite aux coups rĂ©pĂ©tĂ©s des brigands. — N'essaye mĂŞme pas de quitter cet endroit, tu ne passeras pas la nuit. La voix que je viens d'entendre me fait frissonner. Elle semble provenir d'outre-tombe. Je tente de me retourner pour voir Ă qui j'ai Ă faire. La seule position que j'arrive Ă gagner est sur le cĂ´tĂ©, et elle n'est pas confortable. Son seul avantage est de me permettre de voir mon interlocuteur. Et ce que je vois est bien loin de ce que je peux imaginer. Je suis glacĂ©e d'effroi. Un ĂŞtre se dresse devant moi. Ce n'est pas un humain. Il porte une longue cape noire, et une grande capuche lui couvre le visage tout entier. A la main... il tient une faux. — Je suis la grande Faucheuse, chargĂ©e d'envoyer les âmes dont le temps sur cette Terre est finie dans le monde de ma DĂ©esse. Et ton temps ici est fini. Non, ce n'est pas possible. Je ne peux pas mourir. Pas sans l'avoir revu. Pas sans avoir vĂ©cu notre histoire comme nous l'aurions voulu. Je dois le retrouver. Il ne peut en ĂŞtre autrement. Alors, je fais la chose la plus insensĂ©e qui peut se produire dans ma vie : j'essaye de nĂ©gocier avec la Mort. — Madame la Mort... — La Mort est ma maĂ®tresse. Je ne suis que la Faucheuse. — Pardonnez moi. Madame la Faucheuse donc...Mais je ne peux pas mourir. Je ne peux pas, vous comprenez ? J'ai encore tellement de choses Ă vivre ! S'il vous plaĂ®t, laissez moi partir ! — Pfff... Ils disent tous ça. Ce n'est pas mon heure. J'ai encore trop de choses Ă vivre. Laissez moi partir. Ton nom est sur ma liste, et rien ne pourra le changer. Accepte ton sort. La pitiĂ© ne fonctionnera pas avec elle. Il faut que je trouve autre chose... Quelque chose qui lui serait profitable Ă©galement. Une idĂ©e me vient en tĂŞte... mais elle est risquĂ©e. Très risquĂ©e. Cependant, j'ai confiance en lui. Je sais qu'il viendra. Alors, je lui dis, de ma voix la plus forte possible : — J'ai un marchĂ© Ă vous proposer. J'attends quelqu'un qui doit me retrouver sur la Colline du Bois DorĂ© ce soir. Laissez moi l'attendre jusqu'Ă l'aube. S'il vient, nous serons tous deux libres. — Et que puis-je y gagner ? — Laissez moi finir. S'il ne vient pas, vous pourrez vous servir de nous et de nos âmes comme bon vous semble. Nous serons... les serviteurs de votre dĂ©esse pour toujours. Je prononce avec difficultĂ© ces derniers mots. Ce marchĂ© est risquĂ©. On ne peut plus risquĂ©. Si jamais il ne vient pas... Non, je refuse de penser Ă cela. Il viendra. Je parie aujourd'hui sur mon meilleur atout. J'ai confiance en lui. Il viendra. Sans un mot, la Faucheuse sort un parchemin et y note les termes de notre accord. Puis, elle me prend le doigt et en prĂ©lève une goutte de sang. Une goutte de sang...et quelque chose d'autre, mĂŞme si je ne parviens pas Ă dĂ©terminer quoi. Notre pacte est scellĂ©. Pourvu qu'il ne nous envoie pas en enfer. Puis, elle nous transporte toutes les deux par je ne sais quelle magie au point du rendez-vous. Et l'attente commence. Longue. Douloureuse.
Le soleil se couche et les festivités battent leur plein. Et moi, je m’ennuie… L’Évêque a prononcé nos vœux. Je suis officiellement marié à la jeune femme aux cheveux dorés qui est à mes côtés. Ce n’est pas un mauvais parti en soit. Des hanches faites pour donner naissance. Un visage angélique. Une dot conséquente. Mais c’est d'un mariage d’amour que je désirais. Pas d’un mariage d’intérêt… J’ai fait passer mon devoir avant l’amour… C’est la dernière fois… La toute dernière fois… La dernière fois ? Vraiment ? La Baronne me prend par la main et m’entraîne hors de la salle des fêtes. Mon frère aîné nous voit et me fait un clin d’œil complice. À quoi s’attend-il ? À ce que je consomme le mariage avec une femme que je n’aime pas ? C’est dans ma chambre qu’Eulalie m’emmène. Et bien avant que j’ai pu réaliser ce qu’il se passe, le est au-dessus de moi, à demi nue… et s’unit à moi, contre ma volonté. Je ne fais qu’assez peu d’efforts pour résister. Mon devoir… envers ma famille. Si je la rejette, c’est sur mes frères et mon père que cela se répercutera. Ce n’est que lorsque mon épouse est endormie que je m’empresse de me rhabiller et de récupérer le sac que j’ai préparé dans l’après-midi. La nuit est déjà très avancée. La Lune n’est plus haute dans le ciel depuis longtemps. Pourvu qu’elle m’ait attendu. La fête est toujours très animée. Je peux entendre les musiciens. J’en profite pour quitter les lieux et m’empare d’un cheval, noir comme l’ébène… Il chevauche dans la plaine… Je le force à aller aussi vite qu’il le peut. Où est-elle ? M’attend-elle ? Elle s’est peut-être même enfuie sans moi… Je ne pourrais lui en vouloir. Je vois la Colline du Bois Doré… Et je vois une forme au-dessus, éclairée par la faible lueur lunaire. Ma mie ? Elle m’a attendu ? Je suis soulagé… si soulagé. Les premiers rayons du soleil apparaissent à l’horizon… Plus que quelques centaines de mètres… Le soleil fait son apparition et je reconnais clairement Elea. Je suis désormais suffisamment proche pour voir son visage et… Pourquoi me regarde-t-elle avec tant d’horreur dans son regard. Que s’est-il passé ? Qu’est-ce que…
La nuit passe. Et il ne vient pas. Je ne comprends pas ce qui se passe. M'aurait-il abandonnĂ© ? Lui serait-il arrivĂ© quelque chose ? La nuit avance, la lune poursuit sa course dans le ciel, mais lui ne vient pas. La Faucheuse s'impatiente. Plusieurs fois, je dois lui rappeler qu'il a jusqu'au premier rayon du soleil. Je sais qu'il viendra. Il n'oserait pas m'abandonner... N'est-ce pas ? Plus l'aube se rapproche, plus je suis inquiète. Pourquoi met-il autant de temps ? Plus ma confiance s'Ă©tiole, plus le sourire de la Faucheuse grandit. Elle doit se rĂ©jouir d'avoir deux nouvelles âmes Ă apporter Ă sa dĂ©esse pour le prix d'une. Le clair de lune dĂ©voile par moment sa peau translucide, ses veines... Je frĂ©mis Ă chaque fois que je pose les yeux sur elle. Et puis, alors que le soleil s'apprĂŞte Ă se lever, j'entends les sabots d'un cheval au galop. C'est lui, j'en suis sĂ»re ! Il ne m'a pas laissĂ©e. Mais le temps nous ait comptĂ©, il doit me rejoindre sans tarder. Après, nous pourrons ĂŞtre ensemble. Pour toujours... Et je vois une ombre apparaĂ®tre. Le premier rayon du soleil. Alors que quelques centaines de mètres nous sĂ©parent encore. Il est arrivĂ© trop tard. J'ai jouĂ© nos vies... et je les ai perdues. Lorsqu'il arrive Ă mes cĂ´tĂ©s, je le regarde avec effarement. J'Ă©prouve une immense colère. Contre lui de ne pas ĂŞtre arrivĂ© Ă temps. Contre moi d'avoir pariĂ© sans aucune garantie. Contre le destin qui ne nous a jamais permis de vivre libre et ensemble. La Faucheuse me regarde. Elle a accompli sa part, Ă moi de remplir la mienne. Elle me chuchote : — Choisis bien les paroles que tu lui diras. Ce seront tes dernières. Puis, elle s'Ă©loigne. Elle sait que nous ne pouvons pas nous enfuir. Amaury se prĂ©cipite Ă mes cĂ´tĂ©s. Son visage est effarĂ© parce qu'il voit... Je me souviens de l'Ă©tat de mon corps. Il ne doit pas comprendre ce qui arrive. Et je vais lui expliquer. Mais je ne pourrais plus m'adresser Ă lui qu'une seule et unique fois. Je dois choisir mes mots de façon Ă pouvoir tout lui expliquer. — Je suis dĂ©solĂ©, tellement dĂ©solĂ©... J'ai Ă©tĂ© obligĂ© d'Ă©pouser la Baronne... et de consommer notre mariage. Je suis parti dès que j'ai pu... A ses mots, je ne sais plus quoi penser. Ainsi, il est arrivĂ© trop tard parce qu'il Ă©tait au lit... Alors qu'il s'apprĂŞte Ă parler de nouveau, je pose un doigt sur sa bouche, et je me lance : — Ne parle pas. Le temps comme les paroles nous sont comptĂ©s. Lorsque j'aurais fini de tout te dire, je partirai, et nous ne nous verrons plus jamais. Alors Ă©coute. Et ne m'interromps pas. Comme tu as pu le voir, tout ne s'est pas passĂ© comme prĂ©vu. J'ai recroisĂ© la route des bandits qui nous avaient agressĂ© lors de notre rencontre. Et ce sont eux qui m'ont infligĂ© tout cela... J'ai rĂ©ussi Ă Ă©chapper du bĂ»cher qu'ils ont dressĂ© pour moi... mais pas indemne. J'Ă©tais sur le point de quitter ce monde, quand j'ai passĂ© un accord avec la Faucheuse. Si tu venais avant le premier rayon du soleil, nous Ă©tions libres. Sinon... nous lui appartenions. Il semble comprendre les consĂ©quences de ses actes. Je reprends : — Tu l'as compris, Ă partir de maintenant, nos âmes appartiennent Ă la Mort. Nous entrons Ă son service. Si tu Ă©tais parti quelques minutes plus tĂ´t, tu nous aurais permis d'Ă©chapper Ă ce destin funeste. Mais tu as prĂ©fĂ©rĂ© ton devoir Ă notre amour, et aujourd'hui, tu nous en fais payer le prix. J'ai cru en toi, j'ai cru que tu viendrais avant l'Ă©chĂ©ance... mais Ă©videmment, je me trompais. Je croyais que je passais avant tout Ă tes yeux. Mais non. Ta famille et ton devoir, quoi que tu en dises, passent avant moi. Avant de nous quitter, sache juste une chose. Je t'ai aimĂ©. Plus que tout. Plus que moi-mĂŞme. Mon seul regret est qu'il n'en est pas Ă©tĂ© de mĂŞme pour toi. Je ne sais pas ce qui va t'arriver maintenant, mais tu ne pourras t'en prendre qu'Ă toi mĂŞme. Souviens-toi des paroles que je m'apprĂŞte Ă prononcer, car c'est la dernière fois que tu entendras ma voix. Je reprends un court instant mon souffle, et rĂ©cite les paroles que la Faucheuse m'a apprise pendant la nuit : — Je te maudis, toi, seul et unique responsable de ton destin. En cet instant, je lie ton âme Ă la Mort pour toujours. Tu lui appartiens et la servira pour l'Ă©ternitĂ©. Tu ne pourras te soustraire Ă son autoritĂ© par aucun moyen. Ton âme ne t'appartient plus, ton corps aura pour unique but de servir la mission qu'elle te confiera. Tu n'es plus le maĂ®tre de ton avenir. Sur ces mots, une dernière larme coule de mes yeux. Puis, un coup brutal. Et je quitte ce monde.
Je m’éveille à la lueur d’un nouveau jour. Toute mon existence passée m’est revenue en rêve. Je ne rêve pas. Je ne suis pas censé rêver. Car avoir un rêve, c’est avoir un avenir possible. Et je suis lié à la Mort… Je ne sais pas pourquoi j’ai rêvé… Mais cela est-il un espoir ? Hier soir, Margaux a restauré mon corps mourant. Je dois y voir un signe. Cela ne peut être une coïncidence. Elinor est morte. Son corps sans âme est à mes côtés… Elle a l’air paisible… Son âme a été détruite, elle ne peut pas être restaurée… Mais peut-être… peut-être puis-je parachever ce qu’elle voulait pour nous. Il doit exister un moyen pour défaire le lien qui m’unit à ma toute-puissante Déesse. Je me lève et pose mes pieds au sol. Je suis armé de connaissances nouvelles. Elea est peut-être la clé qui me permettra de mener un combat qui a toujours été inégal. On ne peut vaincre celle qui jamais ne peut être vaincue. On ne peut la vaincre à son propre jeu, mais j’espère qu’il existe un moyen de tricher… de contourner les règles. Les choses prennent un nouveau sens. Je suis supposément immortel. Et je passerai autant de temps que nécessaire à trouver un moyen de me libérer et ainsi, protéger la lignée d’Elinor. C’est tout ce que je peux faire. Je pousse un profond soupir. Une main pressée contre mon épaule, j’observe les alentours. Ils ont bien changé. Cette histoire fait partie d'un tout plus grand !
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