Le Styx, promesse de mort à quiconque le touche, ma demeure éternelle. Je suis Charon, démon maudit à naviguer à sa surface jusqu’à la fin des temps. Mon maître y a veillé. Ma tâche est simple, traquer les étrangers à ce monde et les convaincre de repartir. Vivants ou membres par membres. Aujourd’hui, c’est une créature des glaces qui n’a rien à faire aux Enfers. Mes rameurs, d’anciens humains dont le corps n’a pas résisté à une possession démoniaque, se hâtent de faire avancer mon embarcation. Ils craignent les punitions que je leur ferai subir en cas de tout retard qu’ils me procureraient. L’embarcation avance à grande vitesse.

Nous allons bientôt atteindre ma cible lorsque je ressens une présence étrangère… hostile… Une présence que je n’avais plus ressenti depuis bien longtemps. Mes priorités changent instantanément. Alors que nous arrivons à un confluent, je lève un bras et le navire change immédiatement de direction. Un grognement attire mon regard vers le ciel. Je n’ai qu’à peine le temps de voir la queue d’un léviathan qui vient de plonger dans les nuages de flammes.

Nous arrivons enfin face à celle qui a attiré mon attention. Cela arrive peu souvent, mais je suis surpris. Cet individu n’a pas l’apparence que je lui connais et est accompagné de terrestres et d’un demi-démon. Je réprime une onde d’agressivité qui tente de me submerger. Aucun des miens n’oserait être de connivence avec cette inférieure. Je sonde sa nature… et comprends mieux. Il ne s’agit pas de la sorcière, ou du moins pas de son enveloppe. D’une façon ou d’une autre, elle a trouvé moyen de se comporter comme un possesseur. Fait intéressant, mais que je ne peux tolérer.

— Je ne sais pas qui vous êtes, humains… Mais je sais qui ELLE est… Que faites-vous ici, ?

Un claquement de doigt suffit à lever l’emprise de l’inférieure sur la terrestre.

— Merci, répond l’humaine libérée.

— Ne me remerciez pas trop vite…

— Nous cherchons Xyrkna, rajoute la seconde terrestre du groupe. Enfin, la véritable Xyrkna.

— La sorcière a été bannie il y a plus de mille quatre cents ans. Pourquoi la cherchez-vous ?

— Elle a enlevé une personne qui nous est précieuse, dit le demi-démon.

Intéressant. Elle manigance dans le monde des humains. Même hors des Enfers, elle reste une surprise. Il faudra que je pense à en informer Lucifer. Remettre un œil sur la sorcière ne serait pas forcément une mauvaise idée.

— Je comprends vos motivations, mais la sorcière est incapable de franchir le portail. Elle a choisi une voie qui n’est pas acceptable chez nous. Mon maître y veille.

— Expliquez-vous mieux… réclama un vampire.

— Je n’ai pas à m’expliquer auprès de vous, hurlè-je.

De quel droit des terrestres pouvait réclamer quoi que ce soit ? Cela était intolérable. Ils allaient devoir en payer le prix.

— La sorcière a interdiction de revenir dans ce monde. Même elle ne s’y risquerait pas.

— Nous luttons contre un ennemi commun alors, dit Nascha.

— Un ennemi ?

Je ris devant l’absurdité de la remarque.

— Un ennemi, c’est quelque chose que l’on craint. Je vous l’ai déjà dit, la sorcière ne reviendra jamais ici. Les ombres, ces inférieurs des Enfers, sont des plaies, mais pas des ennemis. Ils vivent dans un sous-monde de notre monde. Ce sont des parias. Des inexistants. Cette sorcière a trouvé le moyen de vivre dans le monde réel, c’est pour cela qu’elle a été bannie. Un sort qui a dissuadé ses semblables de suivre la même voie qu’elle.

Je tends l’un de mes doigts vers le groupe et mes rameurs ramassent des épées posées à leurs pieds. Se jetant sur mes adversaires, ils leur feront lourdement payer leur impertinence.