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Sourne![]() Spectacles![]() Le Royaume merveilleux
![]() ![]() La cour des maraudeurs(par Sourne)Les relents de vin et de sueurs ne faisaient pas ciller la tyranne, assise dans une confortable disgrâce. Toute sa cour décadente chahutait et s’enivrait, plus semblables à des bêtes chapardant des bouts de viande sur une carcasse qu’à des humains. La maîtresse des maraudeurs toisait avec un amusement des plus grands les siens : jamais ils ne quittaient leur brigandine violette, quelques fussent les souillures qui les salissaient. Les miasmes de sang et de mort flottaient autour des siens, comme une ombre indissociable.
D’un geste dédaigneux de la main, la tyranne ordonna à une sans-magie ; elle était chétive, craintive et enveloppée dans des guenilles pitoyables. Le délicat ruissellement de bière dans son gobelet d’ivoire éveilla sa soif comme une traversée du désert. La maîtresse des maraudeurs avala la boisson d’une traite, asséchant le récipient humectant à peine son insatiable gosier.
— Que la fête continue ! Buvez à en rouler par terre ! ordonna la dépravée.
Il n’en fallut guère plus pour que les pilleurs levassent leurs chopes et acclament leur souveraine.
— Que les prochaines campagnes nous apportent butin et alcool ! s’exclamèrent en chœur les maraudeurs. L’ovation et la bière eurent un effet capiteux sur la tyranne. Les yeux mi-clos, elle savoura d’un sourire le plaisir simple de ses pilleurs.
— Que la vie est belle… Du vin, de la bière et de la boustifaille à foison… que demander de plus ? Ses yeux se posèrent sur la sans-magie qu’elle avait asservie ; le cynisme luit dans son regard, son timbre se teinta de sarcasme.
— Et toi, demanderais-tu la liberté ? Quel dommage que je ne te l’accorderai jamais ! Après tout, en dehors de nous… tu n’as aucun espoir de vivre. Tu es faible. Ton peuple est faible. Nous lui faisons une fleur en lui offrant une possibilité de nous servir. Pas vrai, les gars ?
D’une même voix, les maraudeurs portèrent aux nues la tyranne tout en conspuant et raillant les sans-magies. Humiliés par les coups, écrasés par la pression et le mépris, les captifs ne purent que baisser lamentablement le regard.
Soudain, les portes de la cour s’ouvrirent ; la maîtresse des maraudeurs poussa un soupir de lassitude. Sa seconde revenait de son expédition semblait-il, avec des sans-magies supplémentaires mais pas l’ombre d’une barrique de vin ou de venaison. La seconde était plus menue que tous les autres pilleurs, mais d’une magie et d’un sadisme rare. Elle s’avança avec une noble distinction jusqu’au trône, en tenant sa robe pourpre avec soin.
— Maîtresse, je suis parvenue à repérer la tanière des sans-magies, là où ils se sont tous réfugiés ! Leurs savoirs semblent tout simplement prodigieux, leur architecture est des plus ravissantes ! Sans parler des tenues que les femmes arborent, de vraies merveilles qui devraient embellir les nôtres !
— Et tu n’as pas pensé à nous apporter une spécialité locale ? rétorqua avec indifférence la tyranne. Nous allons bientôt être à sec.
— Avec le peu d’effectifs que j’avais, la tâche aurait été ardue… mais j’ai tout de même eu l'opportunité d’incendier une partie de leur cité et capturer quelques artisans compétents !
— Intéressant. Et tu proposes quoi, qu’on mange les chansonnettes ou les habits qu’ils feront ?
Le cramoisi envahit les joues de la seconde, la honte ses pensées. Avant que les mots n’eurent le temps de s’esquisser dans son esprit, l’une des artisanes capturées s’arrogea de la parole.
— Et bien, quelle belle bande de crasseux vous faites ! Le savon, vous ne connaissez pas ? Si vous n’avez pas les compétences les plus élémentaires de la vie en société, les meilleurs artisans de notre monde n’y pourront rien ! Demandez un miracle, ce sera toujours plus fiable que vos cerveaux rongés par la boisson !
Le sourire de défiance que la sans-magie exprimait disparu aussitôt qu’un coude s’enfonça dans sa cage thoracique. Elle déglutit une salive sanguine, qui s’écoula et rejoignit les innombrables salissures qui maculaient le sol.
— Tiens, il paraît que des sans-magies aient du caractère. Voilà qui va bien changer nos habitudes de jeu… Dans ma bonté ma chère, je vais te montrer une bribe de mon pouvoir.
Le rictus sardonique de la tyranne était plus acéré qu’une dague, pourtant il n’était que le préambule du calvaire de l’artisane rebelle.
— Esprit naïf et prétendu sain, goûte donc à la folie et à la démence : Affreuse aliénation !
L’artisane rebelle crut sentir son âme être étirée, écartelée, déchirée. Sa vision se distordit, lui imposant des formes abstraites, des couleurs irréelles, des sentiments délétères. S'abandonner à la démence lui parut être la voie la moins douloureuse, tant la souffrance résonnait dans ses pensées comme un crissement métallique.
— Tu aurais l’amabilité de résister un peu tout de même, hum ? persifla la maîtresse des maraudeurs. Et merci pour ton présent, ma chère seconde… Menez-les aux cachots, je viendrais leur soutirer les informations sur la richesse des sans-magies personnellement !
La seconde blĂŞmit et se redressa.
— Mais… ce n’est pas pour ça que je les aies apportés, mais pour bâtir une cité à notre grandeur ! s’interposa-t-elle timidement.
Feignant l’ignorance, la maîtresse des maraudeurs portant une main insolente à son oreille.
— Voilà qui est curieux, j’ai cru avoir entendu de la dissidence. J’espère me tromper, rajouta-t-elle d’un ton menaçant.
— Je ferais selon vos ordres, gémit la seconde en s’inclinant plus bas que terre. Cette histoire fait partie d'un tout plus grand !
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