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Sourne![]() Spectacles![]() Le Royaume merveilleux
![]() ![]() Les Ténèbres tendent la main(par Sourne)Exténuée après une périlleuse cavalcade, Gerìhà na flatta l'encolure de son destrier. Le pelage était aussi doux que la plus confortable des lingeries, d'un blanc contenant toutes les couleurs du monde. Cependant, du sang le macula. Celui qu'avait l'humaine sur sa main tendre.
Il lui suffit d'un instant plus fugace encore qu'un éclair pour regarder derrière, avant de se concentrer sur ce qui l'attendait. Une épaisse colonne de fumée émanait du village qu'elle avait bâti. Par fortune, le vent soufflait dans la direction opposée, préservant Gerìhà na de l'odeur de la chair brûlée de ses amis et camarades d'armes.
Décidant de faire une halte, l'humaine mit pied à terre, à l'ombre d'un arbre dont le feu avait rongé toute vie. Elle fit quelques pas dans l'herbe teinte d'un jaune maladif, puis elle s'adossa au restant végétal. Pour résister au flot de pensées mortifères qui se pressait contre son barrage de volonté, Gerìhà na tira de son dos une outre emplie de vin. Un léger tressaillement de regret et de mélancolie l'ébranla, qui cessa après la première gorgée d'alcool.
Elle n'avait pas su protéger les résidents de son village. Elle leur avait promis sécurité, vivres et prospérité au sein de la palissade qu'elle avait érigé de ses mains. Ils n'avaient trouvé que la mort dans l'enceinte de ses murs. Combien de temps avait-il fallu à la Horde sombre pour percer et annihiler ses promesses ? Bien moins que l'humaine vivrait encore, menée par une conviction aussi inébranlable que l'étaient ses remords.
Retirant le goulot humide de sa bouche, l'humaine regarda son outre, pour ensuite relever et poser ses yeux sur les ruines de son village. La poche avait été confectionnée par sa plus fervente fidèle, le vin mûrit et issu de vignes travaillées par ceux qui croyaient en elle. Elle rejeta l'outre sur le côté, qui goutta sur le sol cendré. Elle n'en était pas digne.
— Ă” cruelle destinĂ©e, Ă´ ĂŞtre supĂ©rieur, si quelque dieu ou dĂ©mon ouĂŻt mes paroles... venez Ă mon aide je vous prie, guidez ma foi !
S'embuant de larmes chargées d'autant de pitié que de piété, Gerìhà na espéra une voix surnaturelle, venue pour transcender son existence par-delà les frontières de la nature.
— HĂ©, tu as entendu ? fit une voix Ă©touffĂ©e.
L'humaine rescapée se releva d'un bond, balayant les horizons à la recherche de la providence.
— C'est malin, elle va nous repĂ©rer maintenant ! reprocha un homme au ton rustre et brut.
Gerìhà na se retourna brusquement, dégainant son épée à deux mains d'un même geste. Ils n'étaient nullement des anges venus à son secours. Ils étaient des escarmoucheurs de la Légion claire, tel en attestait leur uniforme de tissu précieux, apte à encaisser des centaines d'attaques de lames courtes. Pourvus d'une lance au contraire des reîtres de la Horde sombre munis de haches, ils étaient aussi différents par leur vision des humains normaux.
— Une sans-magie, fit remarquer l'un des Ă©claireurs. Et un beau lot qui plus est ! ajouta-t-il avec envie.
Tout comme elle, ils avaient les cheveux sombres, des yeux améthyste, une peau pâle. Mais eux maîtrisaient de par leur naissance une force extraordinaire, tout comme ceux de la Horde sombre. Une force dont était dépourvue Gerìhà na.
— Alors, tu vas nous suivre sans vague ou devrons-nous te dompter par l'un de nos sorts ?
Vivre en esclave était-il un destin pire que de périr des mains des barbares sanguinaires qui avaient incendié village et promesses ? Ne pouvant s'y résoudre, l'humaine brandit son épée vers son opposant le plus proche, qui la dépassait d'une tête.
— Tu l'auras mĂ©rité ! pesta le second escarmoucheur. Ă‚me nĂ©e sans vertu ni raison, soumets-toi Ă notre volonté : Asservissement !
Ce fut comme si un marteau percuta la conscience de Gerìhà na. Elle fut si étourdie par le heurt psychique qu'elle en vacilla fébrilement, portant à sa tempe suante une main tremblante. Un désir qui n'était pas le sien s'immisça en elle, s'efforçant de la faire tomber sous la coupe de ses ennemis. L'humaine avait beau rassembler ses esprits pour lutter, elle s'évertuait à résister au sort de contrôle.
Gerìhà na n'était plus qu'une conscience brumeuse dans son propre être matériel. Ses muscles ne lui obéissaient plus. Puis vint une voix qui cria en elle. Lutte ! Vaincs ! Sa détermination et ses convictions prirent le dessus et s'emparèrent de son corps, aux dépens du charme des éclaireurs. Sans qu'elle ne sût comment, elle sentit son bras plonger son épée dans le torse armuré du géant. La pointe s'enfonça, mais pas suffisamment pour égratigner la peau du soldat. Tue ! Extermine ! Avec force et espoir, l'acier perfora entièrement le plastron de part en part, répandant un fluide rouge sur le sol.
— Monstre ! Tu vas le regretter, jura le second Ă©claireur. Rebelle servile, notre foi t’assujettira...
Il n'eut guère le temps d'achever son sortilège que ses lèvres devinrent sanguines. L'escarmoucheur expectora une glaire à l'odeur de fer, avant de s'écrouler sans vie.
Sa force et sa foi l'avaient sauvée une nouvelle fois, forgeant davantage sa détermination. Cependant, elle fut plus pragmatique.
— Mon Ă©pĂ©e demeure plus efficace que quelques sorts, affirma l'humaine, pensive.
Arme unique de par sa taille, élaborée par les espoirs de tout un peuple sans-magie opprimé par deux armées, taillée dans l'acier le plus pur et conçue par le plus talentueux forgeron, elle l'accompagnait et la protégeait depuis des mois. Gerìhà na baissa la tête, songeuse. Si un jour elle devait avoir une descendance, alors elle la léguerait en héritage.
— Mon enfant, s'exprima une voix venue d'un autre monde.
Persuadée qu'il s'agissait là d'un nouvel adversaire, l'humaine aiguisa ses sens à sa recherche, déterminée à l'occire. Soudainement, un homme surgit d'un voile de ténèbres, l'air supérieur et hautain. Tranchant avec son apparence malveillante, il souriait chaleureusement. Gerìhà na était perturbée. Il était d'un physique ordinaire, mais il émanait une aura de puissance, renforcée par la tenue prestigieuse et impériale qu'il revêtait.
— Je suis davantage qu'un dieu et je ne suis plus un dĂ©mon, s'amusa-t-il, absent. Mais j'espère que tes prières s'adressaient tout de mĂŞme Ă moi. Tu peux m'appeler Sourne, le Faiseur de mondes.
Il ne faisait pas l'ombre d'un doute que celui qui venait de se matérialiser devant elle n'était pas un homme ordinaire, mais un être supérieur qui avait pris forme humaine. Soulagée, Gerìhà na retomba sur les genoux et elle s'inclina de bonheur. Elle avait été entendue.
— Je vous remercie, Ă´ Sourne le Faiseur de mondes. Elle releva ses yeux embuĂ©s vers les siens. De grâce, je vous implore de nous aider, moi et mes semblables sans-magies !
Un large sourire satisfait s'esquissa sur la mine sombre de l'ancien démon.
— Ainsi ta parole est exaucĂ©e !
D'un revers de la main, Sourne parut dérober toutes les couleurs grisâtres de l'environnement pour les muer en un noir absolu, il sembla avoir rompu l'horizon car ciel et sol disparurent. Décontenancée et perdue, l'humaine tournait la tête dans toutes les directions. Elle se trouvait dans un étrange monde, où tout n'était que noirceur, où toutes ses notions spatiales et temporelles étaient désuètes.
— Nous voici dans les TĂ©nèbres, mon domaine. Ici, je t’octroierai le pĂ©chĂ© et la foi, les deux magies qui battent dans les cĹ“urs de tes ennemis. Et je te pourvoirai de ces deux artefacts, renchĂ©rit l'ancien dĂ©mon après une courte pause. Je te prĂ©sente la couronne des dracs et le sceptre des esprits !
Sidérée par les présents que lui offrait le Faiseur de mondes, l'humaine se prosterna de la manière la plus révérencieuse qu'elle put.
— Je vous remercie, Ă´ misĂ©ricordieux Sourne. Je me dĂ©vouerai Ă Ă©tablir un culte vous vĂ©nĂ©rant, et...
— Ce ne sera pas nĂ©cessaire, coupa brutalement l'ancien dĂ©mon. J'aimerais Ă©viter que mon existence s'Ă©bruite.
Gerìhà na baissa humblement la tête.
— Votre volontĂ© sera respectĂ©e, Ă´ Sourne. Vous me donnez cependant une destinĂ©e, que ma foi suivra ! Mon peuple survivra Ă la guerre qui le dĂ©vaste, et ce grâce Ă vous ! Je serai une prĂŞtresse qui nous guidera vers la prospĂ©ritĂ© promise...
— Je ne te demanderais qu'une chose supplĂ©mentaire, humaine. Essaie de m'Ă©galer ou tout du moins, de me distraire. Cette histoire fait partie d'un tout plus grand !
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