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Sourne![]() Spectacles![]() Academy Universe - nouveau lore
![]() ![]() Cela se passera ainsi...(par Sourne)Mordrace, ses lèvres étirées par un sourire sardonique, suintantes de sang séché, expectora dans un dernier râle son ultime raillerie.
— Tu ne m'as pas vaincu, reptile !
Le chevalier sans vie retomba sur le gravier dans un fracas de métal que Sourne n'entendit guère. L'existence même de Mordrace disparut de son attention et de son univers, ses yeux étant dévoués à Solìa. Alitée dans un champ de fleurs blanches dont les pétales viraient au vermeil, son visage blafard paraissait être plongé dans un songe de milles merveilles.
— Princesse Solìa, m'entendez-vous encore ? s'enquit le dragon avec un effroi serein, comme s'il n'avait pas la pleine conscience de son Ă©tat.
Un bref gémissement s'envola de la bouche de Solìa, que Sourne comprit comme une confirmation. Il posa alors le plus délicatement possible une de ses mains sur l'épaule de sa protégée, tentant de lui infuser une partie de sa chaleur.
— Vous souvenez-vous de nos correspondances avec le felìseìzö ? reprit-il, presque enjouĂ©. Pour moi, chacune de vos missives restera gravĂ©e dans ma mĂ©moire, jusqu'Ă ce que l'Ă©ternitĂ© me prenne. Sans vous et votre force, je ne serais jamais venu dans ce monde, et je ne saurais jamais vous gratifier suffisamment pour cela.
Le dragon inspira profondément, ressassant l'entièreté de sa vie en la compagnie de sa princesse, avant leur séparation. Elle fut bien trop courte à son goût, et il le regretta amèrement. Il fit de sa bouffée d'air frais un plus long que nécessaire, afin de profiter une seconde, une fraction de seconde de plus du déroulé d'événements radieux qui se produisait devant ses yeux.
— Je serais Ă vos cĂ´tĂ©s pour l'Ă©ternitĂ©, confia le dragon... MĂŞme s'il faut pour cela que je traverse un vaste ocĂ©an pacifique, de sĂ©rĂ©nitĂ© et de quiĂ©tude pour vous atteindre... Et alors, nous pourrons passer notre nouvelle vie ensemble, Ă rattraper le manque de l'actuelle...
La princesse geignit une nouvelle fois, relevant à grand-peine ses lourdes paupières. Dans un regard porteur de toute sa douleur silencieuse, Solìa tenta de répondre à son gardien. Hélas, ce simple regard astreignit le dragon à la cruelle et implacable vérité, celle qu'il refoulait pourtant.
— Ne vous fatiguez plus princesse... gardez vos yeux clos et laissez-vous bercer par la brume Ă©ternelle qui s'approprie vos sens...
D'un battement de cils, Sourne avait pu constater que le sang avait cessé de couler le long de la falchion, profondément enfoncée dans la poitrine de sa protégée. Le dragon se résigna et il s'abandonna à sa douleur morale, ignorant les élancements et picotements de ses multiples plaies sanguinolentes.
— Mais restez forte et fière princesse, comme vous l'avez toujours Ă©té ! Respirez, et faites fi des algies qui gangrènent votre enveloppe charnelle... Votre âme est aussi bonne que vous, n'ayez crainte des dĂ©mons qui croiseraient votre chemin dans l'au-delĂ ... Ne vous dĂ©filez pas en les voyant et ils seront Ă genoux devant votre splendeur...
L'impuissance saisit Sourne en plein cœur, sachant pertinemment le peu de temps qu'il leur restait. Il ne pouvait plus faire marche arrière et revenir sur sa décision insensée... Jamais il n'aurait dû s'allier à ce reître pour sauver sa princesse ! Pourquoi son pouvoir ne l'avait pas mis en garde contre les intentions malsaines de ce chevalier ?
Lorsque Sourne passa une main sur son sweat rouge déchiré par le combat, des fibres se défirent par milliers et craquèrent dans un son qui lui parut être la rupture du fil de leur vie.
— Je serais Ă vos cĂ´tĂ©s pour l'Ă©ternitĂ©... rĂ©pĂ©ta Sourne tel un refrain sordide. Princesse Solìa... Un ruissellement de larmes tempĂŞta soudainement le long des joues carmin de la princesse, arrachant au dragon un râle plus dĂ©chirant encore que l'agonie qui les guettait.
— Cessez de pleurer... intima le dragon avec autant de pitiĂ© que de peur dans sa voix Ă©touffĂ©e. Ces perles de malheur qui embuent votre radieux visage sont un plus chagrin encore que toutes les Ă©preuves que nous avons endurĂ© pour nous rĂ©unir !
Les gouttes de tristesse inondèrent à cet instant le museau du dragon, qui arqua son cou pour se lover près de sa chère princesse.
— Ne m'abandonnez pas dans ce monde ! lâcha-t-il avec un ton Ă dĂ©fier la mort, mais un ton aussi pĂ©tri de terreur. Je vous rejoindrais aussi dans l'autre monde, dès lors vous aurez rendu votre ultime soupir... Seulement, ordonnez-moi de leur faire, je vous en supplie ! implora le dragon. Vous ĂŞtes la seule cause pour laquelle je vivais, l'unique source de foi et de bontĂ© dans l'Ă©tendue de ce monde corrompu ! Je ne souhaite pas ĂŞtre enchaĂ®nĂ© ici bas, sans votre compagnie... Si seulement j'avais Ă©tĂ© capable de vous protĂ©ger... j'ai toujours failli Ă ce basique devoir...
Peu à peu, les ténèbres rongèrent la vision de Sourne. Il ne s'y opposa pas. Son ouïe faiblissait, laissant place à un silence mortel. Il ne s'y opposa pas. L'espace autour de lui se déroba, il lui parut planer dans une mer calme, sans vague. Il ne s'y opposa pas. Au centre de tout, au centre de ce qui demeurait, il y avait le visage de la princesse, quiet tel un havre de paix dans un océan de tourments incessants. Cette vision, Sourne la garderait pour l'éternité, ne pouvant se résoudre à vivre sans sa tendre Solìa.
Les ultimes réserves du dragon s'épuisèrent. Ses muscles se détendirent et l'allongèrent sur la princesse dans une éternelle posture gardienne. Ses dernières étincelles de vie s'embrasèrent en une résignation. Sa chère Solìa l'avait déjà quittée, sans l'avoir autorisé à veiller sur elle. Il était prisonnier d'un regret infini, qui le garderait sempiternellement.
Alors que ses yeux se fermèrent pour toujours, une fébrile pression tint sa main. La princesse Solìa l’enlaça une toute dernière fois, brûlant des forces qu'elle n'avait plus.
— Accompagne-moi... Sourne...
Ce fut sa toute dernière volonté. Ce fut la toute dernière sentence qu'entendit Sourne. L'éternité les prit avec elle, les portant dans d'insondables abîmes.
Musique ayant inspiré le texte : https://youtu.be/MoqgRYEi8Cg Cette histoire fait partie d'un tout plus grand !
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