Départ en vacances
(par Noon)(Thème : En musique)(dernière modification : 18/04/2022)
Camille était une petite fille tout ce qu’il y avait de plus tranquille. Elle le savait. Depuis sa plus tendre enfance, on le lui répétait. Pas un seul jour ne passait sans qu’un de ces adultes ne lui fasse remarquer à quel point elle était « sage », « mignonne » et « bien éduquée ».
Ces commentaires étaient sa plus grande fierté. Elle avait, dans sa chambre un pot en verre dans lequel elle rangeait les bons points que lui donnaient son professeur. Et pour la récompenser, ses parents avaient décidés de l’emmener en vacances pour tout l’été.
Dans moins d’une heure, sur la banquette arrière de leur voiture familiale, elle partirait en direction de la mer. Elle avait toujours rêvé de voir la mer et les plages ensoleillées.
Camille finissait de faire son sac. Son Ninin, sa console, son cahier de vacances et son livre préféré. En moins de temps qu’il ne faille pour le dire, ils étaient partis. La route était longue, très longue, et Camille, après s’être endormie, fut réveillée par l’arrêt doux de la voiture. Elle colla son visage à la fenêtre, persuadée d’être en face de la mer, mais le seul paysage qui s’étendait devant ses yeux était celui, morne, d’une aire d’autoroute. Qu’à cela ne tienne, la mer pouvait attendre puisque c’était l’heure du gouter.
La brioche de cette aire de repos n’était pas si mauvaise, et après l’avoir dévorée, Camille et sa famille remontèrent dans la voiture et reprirent la route. Bien réveillée, la petite fille ouvrit son sac, pour passer le temps, elle n’avait qu’à jouer à Pokemon. En sortant sa console, un drôle de sentiment l’envahit. Comme s’il manquait quelque chose. Quelque chose de très important. Elle porta de nouveau ses yeux vers son sac. A l’intérieur, son cahier de vacances, sa trousse et ses cartouches de console attendaient bien sagement. Mais il manquait quelque chose. Quelque chose de plus important que tout le reste. Ninin. Elle se l’était fait voler !
— Il faut y retourner !
Son cri avait résonné dans l’habitacle, et elle avait vu sa mère sursauter derrière le volant. Son père s’était tourné vers elle.
— Qu’est-ce qu’il y a ma puce
— Mon Ninin. On me l'a volĂ© sur le parking !Â
Ses parents Ă©changèrent un regard inquiet.Â
— Tu es sĂ»re qu'on te l’a volĂ© ? Tu ne l'aurais pas oubliĂ© Ă la maison ? Sur le canapĂ© ?
— NON, hurla Camille, je l'avais en partant, je l'avais avant qu'on s'arrĂŞte, on me l'a volĂ© !
Alors que la colère gonflait en elle, Camille avait l'impression que le siège de la voiture rétrécissait. Ou peut-être était-ce elle qui grandissait. Ses muscles se tendaient petit à petit, faisant craquer son débardeur à carreaux. Bientôt, le toit de la voiture était trop bas pour elle. Sa mère s'était garée sur la bande d'arrêt d'urgence et Camille en profita pour jaillir de la voiture.
Elle entama sa course en direction de l'air d'autoroute. Et plus elle courait, plus elle avait l'impression d'aller vite. Comme si ses jambes s'allongeaient. Camille réalisa soudain qu'en utilisant ses quatre pattes, elle pourrait aller beaucoup plus vite. Alors elle se pencha en avant, toujours à toute vitesse et ses paumes heurtèrent le sol avec un bruit feutré.
Tout le long de l'autoroute, les conducteurs et passagers se demandaient ce que faisait un ours ici. Camille vit bientôt l'aire sur laquelle elle s'était arrêtée avec ses parents toujours aussi bondée.
Il ne fallut que quelques secondes à Camille pour repérer le vilain de cette histoire, un petit garçon, qui tenait son Ninin serré dans ses mains, tandis que ses parents le pressaient de repartir. Camille bondit par-dessus le grillage et atterrit face à cet odieux voleur. D'un rugissement sourd, elle lui intima de lui rendre l'objet. Peut-être ne l'avait-il pas compris. Le garçon reste immobile comme pétrifié. Pourtant, Camille était une petite fille tout ce qu'il y avait de plus normal. Un fourrure brune, des crocs longs d'une dizaine de centimètre et des griffes acérées. Exactement comme tous les enfants. Camille soupira. Puisqu'il ne comprenait pas, elle allait devoir reprendre son Ninin de force. D'un mouvement de patte brusque, elle lui arracha des mains, avant de repartir là d'où elle venait.
En se rapprochant de la voiture de ses parents, Camille sentit la fatigue la gagner, courir devenait plus difficile avec deux petites jambes, et elle allait beaucoup moins vite qu'avant. Elle finit par arriver devant eux, et leur montra Ninin avec fierté.
— Je l'ai rĂ©cupĂ©rĂ© !Â
Alors qu'elle le tenait à la hauteur de ses yeux, elle remarqua une petite tache d'un rouge sombre sur Ninin, elle fronça les sourcils. En plus de l'avoir volé, il l'avait abimé, marqué avec de la confiture ! Camille remonta sur la banquette arrière de la voiture de ses parents, attendant sagement qu'ils repartent. Parce qu'après tout, Camille était une petite fille tout ce qu'il y avait de plus tranquille. Et qui avait hâte d'arriver à la mer pour ses vacances d'été.
Musique ayant inspiré le texte : https://www.youtube.com/watch?v=soHesQ2_uBo