La porte d'Elias
(par Noon)(Thème : MĂ©lilĂ©mots 5)(dernière modification : 21/05/2022)
Lorsqu'il avait aperçu la Porte pour la première fois, Elias était en train de se rendre à son nouveau petit boulot. C'était, encore une fois, un travail dont il n'avait pas du tout envie, distributeur de tracts dans un parc municipale. Et encore plus aujourd'hui, jour du festival de botanique, puisqu'il était chargé de faire la publicité pour le spectacle de Clown qui aurait lieu samedi prochain. Et plus que tout, il détestait les clowns, ce qui, il en avait conscience, n'était pas un trait de caractère des plus extraordinaires. Qui, de nos jours, aimait les Clowns ? Et qui, surtout avait pensé que le public susceptible d’aller à un festival sur les fleurs et les plantes, avaient aussi envie d’aller voir ces affreux personnages en spectacle.
Ce fameux jour donc, où Elias avait aperçu la Porte, il était en retard. Et par en retard, il entendait, beaucoup plus que d'habitude. Il courait sur le trottoir, évitant tant bien que mal les passants qui promenaient leurs chiens, chats ou lapins, se dirigeant à toute vitesse vers l'entrée du jardin. Et c'est là qu'elle était apparue, cette fameuse porte. Adossée à un grillage, semblant ne mener nulle part, d'un noir d'encre et décorée d'oiseaux en argents. La poignée luisait légèrement, comme si elle l’invitait à la saisir. Mais Elias n'avait pas le temps, il était en retard. A vrai dire, il ne lui jeta même pas un regard à cette porte. Il l'avait seulement aperçue, dans un coin de sa vision.
Il Ă©tait arrivĂ© devant le jardin rouge de sueur, avec la dĂ©sagrĂ©able sensation d'avoir deux poumons Ă©clatĂ©s Ă l'intĂ©rieur de sa cage thoracique. Les mains sur les genoux, il tentait de reprendre sa respiration, lorsqu'il releva la tĂŞte, il se retrouva face Ă son patron, qui semblait le toiser depuis dĂ©jĂ un moment.Â
— Tu es en retard.
Le jeune homme bredouilla de rapides excuses, avant d'attraper une pile de tracts et de se précipiter à l'extérieur.
La matinĂ©e lui semblait interminable, les touristes l'ignoraient, le soleil tapait sur son dos et les Clowns dessinĂ©s sur le tract semblaient le narguer.Â
Il se laissa tomber sur un banc, observant avec nostalgie les Ă©cureuils qui grimpaient aux arbres. Lorsqu'il Ă©tait petit, ses parents l'emmenaient toutes les semaines au jardin botanique. Elias se souvenait parfaitement d'une fois, oĂą il avait rĂ©ussi Ă attraper un Ă©cureuil et l'avait ramenĂ© jusqu'Ă la voiture et son père avait criĂ© de peur. Ce dernier dĂ©testait les Ă©cureuils.Â
La tĂŞte posĂ©e entre ses mains, Elias se demandait si ses parents allaient toujours au jardin, maintenant qu'il n'Ă©tait plus lĂ .Â
Une lueur attira son regard, un peu plus loin sous les saules pleureurs, il se leva et avança jusqu'aux arbres, comme attiré par le tintement mélodieux qui s'en échappait. Et c'est là qu'il se retrouva vraiment face à la Porte. C'était toujours la même, noire, recouverte de motifs argentés. La poignée scintillait, l’appelant encore. Et cette fois-ci, il n'y avait rien pour distraire le garçon. Ils étaient seuls, la porte et lui, sous les longues branches du saule pleureur.
Elias s'en approchait, comme hypnotisé par cette poignée d'argent, la main tendue. A peine sa main effleura-t-elle la porte que cette dernière s'ouvrit en grinçant, laissant s'échapper un papillon aux ailes brunes. De l'autre côté de la porte, c'était le noir complet. Mais il n'avait pas peur. Il s'avança d'un pas, puis d'un autre. Et la porte se referma derrière lui en grinçant. Ne laissant sur l'herbe parfaitement tondue, qu'une poignée de tracts pour un spectacle de clowns.