Le fabuleux destin d'Angoisse
(par Salander)(Thème : Mélilémots 5)(dernière modification : 24/05/2022)
Angoisse était une petite fille très timide. Si timide, qu’elle se cachait du monde. Elle grimpait dans les arbres. Marchait sur les toits. Se cachait dans les buissons. Personne ne voyait Angoisse, mais elle était là .
Angoisse était une petite fille très observatrice. Elle regardait le monde, dissimulée dans l’ombre. Avec ses grands yeux. Tout bleus. Elle fixait les gens, seule dans ce monde immense.
Angoisse était une petite fille très avide. Elle voulait tout voir, tout toucher, tout comprendre. Le problème c’est qu’en fait bah elle était timide.
En fait, c’était peut-être pour ça qu’elle était très avide.
Puis un jour, Angoisse rencontra Nostalgie. Elles s’aimèrent. Et souffrirent.
— Je veux sortir dehors ! Criait Angoisse. Observer le monde et le comprendre !
— À quoi cela servirait-il ? Répondait Nostalgie en tournant une page de son livre. Tu n’y interviens même pas.
Assise dans un fauteuil en cuir. Dans une pièce en bois. Il n’y avait pas de fenêtre et pas de portes. Juste Angoisse qui gesticulait devant elle.
— À quoi cela sert-il de lire un livre que tu as déjà lu cent fois ! Répliquait Angoisse. Tu restes assise à relire, mais ta tristesse prend toute la place !
— Je ne lis pas, je m’occupe. Répondait Nostalgie en tournant une page de son livre. Toi ta terreur prend toute la place. Celle que tu veux calmer en mangeant le monde sauf, que ça te fait grossir, et que tu prends encore plus de place.
— Je ne t’aime plus. Tu es trop triste, et trop méchante. Souffla Angoisse en tremblant. Laisse-moi grossir ! Peut-être que comme ça j’arriverais à maîtriser ce monde immense qui me paralyse…
— C’est pas un monde, c’est du vide. Répondait Nostalgie en tournant une page de son livre.
Et alors Angoisse pleurait. Parce que même si elle était immense, et Nostalgie aussi, la pièce en bois était vide.
Une explosion les fit sursauter.
— Bonjour ! Je suis le clown !
— Le… le clown ? Murmura Angoisse qui était devenue trop grosse pour se cacher.
— Le clown ! Continua le nouveau venu. Le satellite ! Le courant d'air ! Celui qui vient, qui saute, et qui te fait des faux-espoirs.
— C’est le cas de le dire ! Compléta une voix dans son dos.
Le clown se retourna. Et un deuxième clown collé dans son dos les salua. L’un était noir. L’autre orange. Ils partageaient la tête, le corps, comme une pièce à deux faces. Ils avaient fait sauter le bois. Et une lumière intense s’échappait de là où ils venaient.
— Qui êtes-vous ? Demanda Nostalgie qui avait levé les yeux de son livre. Pourquoi avez-vous ouvert le mur ? Vous voulez nous faire du mal ?
— Au contraire ma chérie ! Répondit le clown noir en lui volant son livre. Vous êtes depuis trop longtemps enfermée. On vient vous donner un petit coup de pied !
— En bref, vous libérer. Expliqua le clown orange en caressant le visage d’Angoisse qui prenait toute la place. Vous êtes devenu tellement énormes que si vous ne sortez pas vous allez finir par étouffer !
— Je sais qui vous êtes ! S’exclama-t-elle en sautant presque sur place. Vous êtes Espoir !
— Et Désespoir. Corrigea le clown noir.
— L’un ne va pas sans l’autre ! Sourit le clown orange.
— Et vous allez nous faire sortir ? Implora Angoisse.
— Bien sûr puisque…
— On ne sortira nulle part ! Coupa une voix.
Nostalgie s’était levée. Et Angoisse s’aperçut soudain de combien elle avait grossi avec les années.
— Nous sommes trop énormes. Si nous sortons, nous écraserons le monde.
— Et il se brisera. Bip-bip ! Rigola le orange en dansant sur les éclats de bois. Vous l’étranglerez, comme un jouet cassé, un trou éclaté, un ballon dégonflé !
— Vous cesserez d’avoir peur et pourrez exister seules ! Completa le noir en tapant des mains.
— Nous mourrons, en même temps que le monde. Les toisa Nostalgie. Et c’est hors de question. Je préfère encore me cacher ici.
— Relire et relire un livre de botanique jusqu’à en manger les pages ? S’esclaffa le clown noir. Tu es un clou pas une plante verte !
— Moi je veux sortir.
Les trois regards se tournèrent vers elles.
— Même si tu meurs ? Demanda Nostalgie.
— Même si tu écrases le monde ? Interrogea le clown orange.
— Même si ça nous tue ? Provoqua le clown noir.
— Oui. Je veux sortir.
Alors Angoisse sortit. Mais au final, ça ne fit rien. Parce que que ce soit la nostalgie, l’espoir, ou des conneries comme ça, bah au final c’est que du vide.