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Un autre point de vue
Salander
Spectacles
  Rencontre(par Salander)Quand Lizbeth Salander entra le bureau aseptisé elle apporta avec elle l’odeur de l’essence et de la cigarette au milieu de celle du papier. Ses Docs raclèrent le plancher comme un orage serré dans ce petit corps qui avançait, et quand elle s’assis sur le fauteuil des invités tous ressentir la tension si particulière du tonnerre qui s’apprête à éclater. Raide sur le cuir, elle sentait la texture de ses vêtements usés se frotter à lui, elle sentait le froid de ses bagues contre celui des accoudoirs, et la sidération du regard de Dirch Frode sur cette enveloppe qui la transportait.
Elle le sentait dans son corps, ce mélange de surprise et de subtil mépris quand on la regardait pour la première fois. Une étrange fascination porté sur cet animal dont on avait du mal à croire qu’elle était aussi humaine que soi. La jeune femme savait qu’elle était incapable d’être appréciée correctement : elle restait froide, avec des expressions faciales et des émotions en décalages. Et à vrai dire, elle ne faisait rien pour changer sa condition : elle s’enlisait en elle même et méprisait avec la même force celles et ceux qui la méprisait. Maquillée avec l’habilité d’un clown, portant des vêtements précisément provoquant, elle affichait sa divergence comme un étendard et répondait avec hostilité à l’avocat qui la dévisageait.
Visiblement gêné par ce regard noir, Dirch Frode tourna le sien vers celui du troisième occupant de la pièce, Dragan Armanskij. Patron de Lizbeth, il était celui qui avait organisé cette rencontre entre sa meilleure agent et le client. Quarantenaire immense et carré, il avait le crâne et les paupières plissés par l’expérience et les préoccupations. La jeune femme estimait cet homme, mais aujourd’hui était en colère qu’il l’ait convoqué à cet entretiens, en colère qu’il prenne cet air gêné en la présentant. Lui le fils d’immigré ayant monté une des plus grande entreprise de sécurité du pays, avait honte d’elle et de ce qu’elle était. C’est pour cette raison qu’elle avait accepté de se présenter aujourd’hui, se présenter en affichant tout ce qui pouvait attiser le mépris et représenter avec le plus de justesse ce qu’elle était en apparence : la pauvreté et la différence.
— Eh bien, que pouvez vous me dire sur Mikael Blomkvist ? Interrogea l’avocat à destination de Dragan dans une mauvaise imitation de l’indifférence.
Un amusement ironique crissa dans la gorge de la détective, face à la visible gêne de son patron et de la tentative manifeste de Frode d’ignorer Lizbeth. Lui qui avait tant insisté pour rencontrer la personne chargé de l’enquête revenait maintenant sur ses voeux et souhaitait l’annihiler de la pièce. Armanskij tourna avec appréhension un regard sur son employée, il avait peur, peur de Salander et de ce qu’elle pouvait faire sous la colère. Le visage maigre de la jeune femme affichait la froideur profonde qu’elle ressentait pour l’avocat. Une distance telle qu’elle prenait la forme de l’indifférence, car elle savait que c’était là la meilleure forme pour lutter et laisser sous la froideur la colère couver.
— Voici donc Mlle Salander qui a rédigé le rapport, tenta le patron avec un discret mouvement de main en direction de la concernée. Après une hésitation gêné et un sourire crispé il continua : Ne soyez pas étonné par sa jeunesse. Elle est incontestablement notre meilleur limier.
— J’en suis persuadé, répondit Frode d’une voix sèche qui sous-tendait le contraire. Racontez-moi ce qu’elle a trouvé.
Le claquement d’un bulle de chewing-gum fissura l’air de la pièce, et le silence se retrouva un instant suspendu jusqu’à ce que l’avocat cligne des yeux et tourne un sa tête de grenouille outrée celle l’impassible détective.
— Peux-tu vérifier avec le client s’il désire la version longue ou courte ?
Ses orbes noires fixées Dragan pinçant les lèvres face à l’insolence de son employée, Salander vit du coin de l’oeil Frode rougir et froncer les sourcils. Redressant la tête et changeant d’approche face à l’animal, il adopta un ton paternel pour garder son autorité sur la jeune femme.
— Je vous serais très reconnaissant, mademoiselle, si vous pouviez me résumer de vive voix ce que vous avez trouvé.
Un vent souffla sur la haine couvant peau rigide de la détective, des braises attisées sous sa froideur et qui brûlèrent dans son regard jusqu’à faire frissonner Dirch Frode et chacun de ses os. Lizbeth connaissait cet homme, elle avait fait suffisamment de recherche sur lui pour savoir qu’il ne méritait ni la prison ni son mépris. Mais il faisait partie de ces hommes riches et rangés qui inconsciemment seraient incapable de la considérer, et elle ne pouvait s’empêcher de haïr ce regard qu’elle portait sur elle et de vouloir le détruire avec toute la cruauté qu’elle portait en elle.
Mais presque aussitôt son visage s’adoucit, elle tourna son regard vers son patron et se mua en une fonctionnaire impassible. Quand elle prit la parole, ce fut avec un professionnalisme effrayant.
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