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Salander![]() Spectacles![]() ![]() ![]() L'attrape rĂȘve est un nombre complexe(par Salander)Le brigadier Ă©crasa sa clope sur la table, et jeta un regard mauvais Ă son suspect. Il tourna, et retourna, son mĂ©got sur le bois, sans quitter des yeux le faux dandy menottĂ© qui glissait sur sa chaise.
VoilĂ deux heures quâil interrogeait ce suspect, sans rien apprendre de nouveau. Et sa frustration, nâavait dâĂ©gal que sa haine, pour cet ahuri qui le faisait tourner en bourrique ! Une fois certain que sa rage sâĂ©tait bien imprimĂ©e sur le bois, il Ă©jecta sa clope dans un coin de la piĂšce, prit un air menaçant, et se pencha Ă nouveau vers le suspect.
— Reprenons depuis le dĂ©but, veux-tu ? Pourquoi as-tu tuĂ© le compte Zalachenko ?
— Je vous lâai dĂ©jĂ dit, M. lâinverse. Je nâai pas tuĂ© le compte Zalachenko, car les papillons me lâont interdit. Expliqua Ă nouveau le grand black dans un sourire.
— Ben voyons les papillons ! ⊠Ironisa Hieronymus. Câest eux aussi qui ont laissĂ© tomber ton arme sur le lieu du crime peut-ĂȘtre ?
— Soyez sĂ©rieux M. lâinverse, les papillons ne peuvent pas porter un pistolet ! Ils nâont que deux coordonnĂ©s. Non. Câest lâexponentiel qui a dĂ©posĂ© mon arme. Parce que je fais partie des coupables.
— Si tu es coupable, pourquoi continuer Ă prĂ©tendre ĂȘtre innocent ? Et bordel ! Hurla le policier cognant du poing sur la table. Appelle moi brigadier et pas âM. lâinverseâ !
LâinterressĂ© se rendit compte quâil sâĂ©tait levĂ©, et souffla, avant de se laisser choir sur sa chaise. Il nâavait pourtant pas pour habitude de sâĂ©nerver pendant les interrogatoires. Hieronymus Waps, Le brigadier, rĂ©putĂ© pour ĂȘtre un policier persĂ©vĂ©rant, un enquĂȘteur chevronnĂ©, un cerveau opiniĂątre. Qui faisait parler aussi bien les scĂšnes de crimes, que les malfrats. Peut-ĂȘtre parce quâil en avait Ă©tĂ© un lui-mĂȘme.
Toujours Ă©tait-il, quâaujourdâhui il sâĂ©tait rangĂ©. Et que malgrĂ© sa longue expĂ©rience, il ne parvenait pas Ă dĂ©terminer si ce suspect Ă©tait sĂ©rieux ou sâil se foutait tout simplement de sa gueule.
— Vassiliev Botcharov. Reprit le flic en sortant une nouvelle cigarette. Aussi appelĂ© le fou, le dandy, ou Ecume-de-Mer, en raison de ta derniĂšre overdose en date. Acheva-t-il en soufflant un premier trait de fumĂ©e. Est-ce que tu te fout de ma gueule ?
— Pas le moins du monde brigadier ! Sourit lâaccusĂ© de ses dents jaunes. Jâaimerais bien vous en dire plus, mais si je parlais trop, on risquerait de me tuer.
Lâinstinct du policier frĂ©mit sous sa peau tannĂ©e. VoilĂ deux heures quâil attendait une ouverture. Et la voilĂ qui arrivait.
— Ah oui ? Et qui voudrait te tuer ? Interrogea-t-il doucereusement en se penchant vers le suspect. Tu sais que la police peut te protĂ©ger ?
— Me protĂ©ger ? Sâesclaffa le dandy. Les chevaliers rouges sont toujours impunis. Mais le jour viendra oĂč la courbe folle vous arrĂȘtera ! Beugla-t-il. âMe protĂ©gerâ vous dites ? hinhinhin⊠Allez dire ça aux esperluettes des jours d'Ă©clipse ! Je prĂ©fĂšre le soleil aux lampes artificielles.
Le rire nerveux du dandy se propagea dans tout son corps. De ses dreadlocks parsemĂ©s de plumes, Ă ses chaussures cirĂ©es. Il tressaillait. Son pied tapotant le sol, sa tĂȘte agitĂ©e de tic nerveux, ses Ă©paules de soubresauts. Il cliquetait. Hieronymus prit du recul sur sa chaise pour observer le jeune camĂ©.
Au fil de la discussion, le quinquagĂ©naire avait compris que les jours d'Ă©clipse reprĂ©sentaient les heures de prison ou de garde-Ă -vue. Et que tout ce qui avait trait Ă la ponctuation, point dâexclamation virgules ou encore les fameuses esperluettes, reprĂ©sentaient la violence et les coups. Une belle vision du systĂšme policier.
Vassiliev Botcharov. Vingt-huit ans. La peau sombre tendue sur ses os lui en donnait quarante. Ses yeux noirs enfoncĂ©s dans leurs orbites larmoyaient en permanence. Il Ă©tait maigre, dĂ©gingandĂ©, et pourtant distinguĂ©. Le jeune homme flottait dans un costume 3 piĂšces violets, auquel il avait accrochĂ© diffĂ©rents attrape-rĂȘve. Pour Ă©loigner les cauchemars.
Vingt-huit ans. Un baccalaurĂ©at. Un dĂ©but dâĂ©tude en mathĂ©matiques. Cinq ans de prison pour suspicion de trafic de stupĂ©fiants. Sorti au bout de quatre ans pour bonne conduite. Trois ans pour sâenliser dans la folie avant d'atterrir ici.
Hieronymus remarqua quâil mĂąchait sa cigarette, et la changea de cĂŽtĂ© dans sa bouche. Il avait souvent ce tic de mĂąchouiller quand il rĂ©flĂ©chissait. Si ce nâĂ©tait une clope, câĂ©tait sa joue. Il essayait dâarrĂȘter Ă cause des aphtes.
Son attention revint vers lâaccusĂ©.
Ce type lĂ , Ă©tait intelligent. Hieronymus le comprenait maintenant. Il lâavait vu glisser lâarriĂšre de ses semelles sous les deux pieds avant de sa chaise. Une tactique comme une autre pour Ă©viter de laisser la pente artificielle nous rabaisser. Les habituĂ©s des interrogatoires savaient que les pieds avant des chaises des suspects Ă©taient sciĂ©s. Une tactique imperceptible pour maintenir les suspects courbĂ©s et mal installĂ©s.
Ce type lĂ , Ă©tait parfaitement sensĂ©. Sâil nâĂ©tait pas capable de communiquer, si ses pensĂ©es partaient de travers, Hieronymus Ă©tait maintenant sĂ»r quâelles menaient Ă la solution du problĂšme. Il suffisait dâapprendre sa langue. Tout comme les esperluettes et les Ă©clipses. Ses propos amphigouriques sur les mathĂ©matiques devaient avoir un sens.
— Je suis coupable. Mais moins que les autres. Murmura soudain Ecume-de-mer. Il faut que lâexponentielle revienne Ă la paix. Parce que la souffrance est croissance.
Il semblait Ă©puisĂ©. Sa paupiĂšre droite tressautait. Et sa respiration sifflait. Cela faisait deux heures quâil brĂ»lait sous les nĂ©ons menottĂ©s Ă une chaise coupĂ©e. Sans boire, ni manger, ni se lever. Le fou qui dansait parmi les poubelles avec ses chaussures cirĂ©es.
Hieronymus fut pris dâun Ă©lan de pitiĂ©. Alors il se pencha une derniĂšre fois vers le dandy. Et cette fois-ci ce nâĂ©tait ni pour impressionner, ni pour soutirer la vĂ©ritĂ©. Pour la premiĂšre fois depuis deux heures, il se penchait pour apaiser.
— Ăcoute Vassiliev. Ă lâheure actuelle, tous les Ă©lĂ©ments de lâenquĂȘte sont contre toi. TĂ©moins, empreintes, armes, horaires. Il ne manque plus que les aveux et le mobile. Seulement, je suis Le brigadier. Si tu Ă©tais le meurtrier en deux heures je te lâaurais dĂ©jĂ fait avouer. Que tu sois coupable je mâen branle, mais pour ce meurtre tu es innocent ! Personne ne me croira, et tu seras placĂ© sous dĂ©tention provisoire. Alors je me chargerais de trouver le vrai coupable. Je te sortirais de lĂ . Mais pour ça, jâai besoin de ta coopĂ©ration. Jâentrave que dalle Ă tes conneries sur la trigonomĂ©trie. Mais on va y arriver. Il suffit de communiquer. Parle moi de lâexponentiel Vassiliev. Je suis prĂšs Ă tâĂ©couter.
Le dandy releva ses yeux de nuit sur lui.
— Lâexponentiel, est la courbe folle. Celle qui meurt en mĂȘme temps quâelle sâĂ©lĂšve. On perd pied quand on sâĂ©loigne des axes. Il faut la ramener Ă lâunitĂ©. Lâexponentiel, est la bombe atomique et le lance-roquette. Le poison, et le mauvais rĂȘve. Jâai Ă©tĂ© coupable il y a bien des annĂ©es. Tout comme plein d'autres. Si jâai la clĂ©mence de la prison, les autres auront lâindiffĂ©rence de la mort. Il y aura dâautres meurtres. Et seul lâinverse peut ramener Ă lâunitĂ© !
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