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Salander![]() Spectacles![]() ![]() ![]() Une reine de porcelaine(par Salander)VOIX MASCULINE, chuchotant faiblement Vous pensez quâils sont partis ?
VOIX FĂMININE, chuchotant avec assurance Ăcoutez bien. La porte vient de se fermer, on ne devrait pas tarder Ă entendre leur voiture sâen aller.
Comme pour lui donner raison, des portiĂšres claquĂšrent, et le ronronnement dâun moteur rĂ©sonna Ă lâextĂ©rieur de la piĂšce. Il tourna quelques instants, manoeuvrant pour quitter lâallĂ©e de cette maison coquette, avant de sâĂ©vanouir dans la nuit.
VOIX FĂMININE, forte Câest bon, ils sont partis. Quâune Ă©quipe aille vĂ©rifier quâils nâont rien oubliĂ© afin de ne pas avoir de mauvaise surprise. Je veux Sam sur le coup. Dino rassemble tes gars pour commencer Ă installer le matĂ©riel. Les chapardeurs Ă vos ailes, vous savez quoi faire.
ObĂ©issant Ă la voix, des ombres quittĂšrent les Ă©tagĂšres, sortirent des coffres Ă©pais, abandonnĂšrent leurs poussiĂ©reuses positions, dans une furieuse agitation. ĂclairĂ©s par la lumiĂšre chaude du lampadaire Ă travers la fenĂȘtre, la chambre semblait prendre vie. SâĂ©chappant de la masse dâombres rampantes, les chapardeurs voltigeaient insolemment. Dansant lĂ©gers dans le clair-obscure de la chambre, des formes rapides et chaotiques qui se dessinaient la lumiĂšre de la vitre.
Isolée de ce chahut, tout en haut de la plus haute armoire, la reine - immobile - observait.
REINE, autoritaire Cuisines, en mouvement. Décoration, accélérez la cadence. Musique, au rapport !
PANTIN EN PELUCHE, indolent Faut quâles chapardeurs nous rapportent lâenceinte. Jâfournie la bonne musique mais lâbon son sort pas de mon pif.
REINE, agacĂ© Dans ce cas il faudra attendre quâils aient disposĂ© les piĂšges. voix plus calme Sam, au rapport.
SAM Ils ont leurs clĂ©s, leurs portables, le vin. Tout le nĂ©cessaire, et sans doute plus que le nĂ©cessaire. Rien dâinquiĂ©tant Ă signaler.
REINE Le chien ?
SAM Avec eux.
Du haut de son piédestal, la poupée en porcelaine observa la barbie noire debout sur le parquet. Droite et belle avec ses cheveux crépus et son port fier. La reine avait confiance en Sam, et dans le travail de Sam.
REINE Repos pour la soirée. Toi et tes troupes, profitez de la nouvelle année.
Petit Ă petit, la soirĂ©e se mit en place. Les jouets disciplinĂ©s sous les ordres de la reine construisirent rapidement une vĂ©ritable salle de fĂȘte. Chacun enfila sa tenue de soirĂ©e, et les dĂ©licieuses senteurs dâun buffet envahirent la piĂšce. Une fois le pĂ©rimĂštre sĂ©curisĂ©, les chapardeurs ramenĂšrent lâenceinte, la musique se lança, et la fĂȘte commença !
Rares Ă©taient les fois oĂč les jouets pouvaient sâamuser sans se soucier. Alors ce soir ils profitaient, comme si ce devait ĂȘtre leur dernier. Il ne fallut pas longtemps pour que Dino le chef des bricoleurs monte sur la table de chevet pour danser.
DINO, déjà légÚrement enivré SOOOOORTEZ LES COTILLONS !
POUPĂE BERGĂRE Je te prĂ©viens T-REX de mes deux reins que je te laisserais de nettoyer ces cochonneries !
Une ombre volant Ă pleine vitesse portant une torche frĂŽla son crĂąne, faisant trembler sa coiffe.
CHAPARDEUR Attention les cheveux ! Jâai de quoi roussir les poils et Ă©clairer le noir.
POMPIER LEGO, levant son poing plein de miettes de gĂąteaux La premiĂšre chauve sourie en plastique qui crame le parquet finira dans mon steak !
AUTRE CHAPARDEUR, tournant autour de lui pour lâenfermer dans un courant dâair Tu nous parles chĂ©ri ? Je nâentend que la musique et les rires cette nuit !
AUTRE CHAPARDEUR, Ă©crivant dans le ciel Ă lâaide de sa torche Que les crispĂ©s de la raie retiennent ce message ! Ce soir lâoubli est roi. Mon colon prĂ©fĂšre digĂ©rer la fĂȘte Ă vos jĂ©rĂ©miades !!
Un tonnerre d'applaudissements et dâĂ©clats de rire Ă©clot quand sur le plafond sâafficha en flamme le message : âLa peur Ă la porte le plaisir au ventre. Sortez les sourires enfermez les coincĂ©s, car se dĂ©clare ouverte la nuit des jouets !â
VOIX MASCULINE, faible mais calme La fĂȘte semble ĂȘtre une rĂ©ussite, ma reine.
Tournant la tĂȘte vers son conseiller, la concernĂ©e avisa la peluche abĂźmĂ©e. Un petit singe en costume de monsieur loyal bleu et dĂ©lavĂ© qui la regardait. Plus vieux et plus usĂ© que la plupart des jouets emplissant la piĂšce, il Ă©tait la peluche favorite de lâhumaine.
ObĂ©issant, peureux, et maladroit, il portait quelque chose de pathĂ©tique en lui qui le rendait misĂ©rable. Et pourtant, il Ă©tait un ĂȘtre prĂ©cieux aux yeux de la reine. SincĂšre et dĂ©vouĂ©, il rĂ©flĂ©chissait sĂ©rieusement aux bien-ĂȘtre des jouets. Et Ă chaque fois que la poupĂ©e observait ses sujets, - seule - en haut de son Ă©tagĂšre, il Ă©tait - le seul - qui vraiment la regardait.
Alors que chacun de ses sujets avait le regard tourné vers soi, Pietro était celui qui avait le regard tourné vers elle.
REINE Tu ne rejoins pas les autres Pietro ?
PIETRO, secouant la tĂȘte Non. Je suis trop faible pour supporter leur euphorie, et vous restez enfermĂ©e contre votre volontĂ©. Alors autant que je vous tienne compagnieâŠ
Ce nâĂ©tait pas vrai. La fragile poupĂ©e de porcelaine Ă©tait bel et bien enfermĂ©e sous une cloche en verre, mais ce nâĂ©tait pas contre sa volontĂ©, au contraire. Si elle voulait parfois rejoindre les autres, participer aux expĂ©ditions et aux distractions, elle en Ă©tait incapable. Contrairement Ă lâensemble des jouets quâelle dirigeait, elle Ă©tait incapable de bouger. Cette prison lui servait dâexcuse pour ne pas rĂ©vĂ©ler quâelle Ă©tait fausse, incomplĂšte, ratĂ©e.
REINE Ne te prive pas pour moi Pietro, tu fais dĂ©jĂ beaucoup. Autour du buffet, la fĂȘte est plus calme. Je sais que tu as peur des autres, mais ce nâest que rarement que nous pouvons nous amuser sans se soucier de la prĂ©sence des humains. Profite-en ! Je sais que tu en as envie et que tu en es capable.
Le vieux singe hĂ©sita quelques instants, mais finit par descendre laborieusement de l'armoire, traĂźnant son corps fragile vers la fĂȘte battant son plein sur le parquet. Depuis le bureau, le pantin en peluche gĂ©rait la musique Ă la perfection, faisant danser les jouets au centre de la piĂšce. Des jeux dâadresses ou de dĂ©fis se dispersaient tout autour, et les discussions bruissaient heureuses et lĂ©gĂšres autour du buffet. Au-dessus des tĂȘtes, les Chapardeurs volaient. Organisant des prestations, jouant, se bagarrant, Ă©crivant. Leurs messages Ă la torche Ă©clairaient la piĂšce et dessinaient un ciel de mots et de lumiĂšre ! On y trouvait des provocations, des dĂ©clarations dâamour, des poĂšmes paĂŻens, des impĂ©ratifs festifs. La reine enfermĂ©e et isolĂ©e sur son perchoir ressentit alors une immense solitude.
DINO, complĂštement enivrĂ© VIVE LA REINE ! VIVE CELLE QUI REND POSSIBLE CETTE FĂTE !!
Un tonnerre d'applaudissements lui rĂ©pondit, et les jouets se rassemblĂšrent pour lâacclamer. Les chapardeurs se joignirent Ă lâovation, et des messages en son honneur firent leur apparition sur la nuit noire du plafond. MalgrĂ© leur pitrerie et leur indiscipline, ils respectaient cette poupĂ©e de porcelaine. Cette reine qui avait su organiser et protĂ©ger ces groupes dâobjets Ă©pars vivants dans la crainte des humains. Ă la solitude qui lui serrait lâestomac, un profond sentiment dâimposture noua la gorge de la poupĂ©e paralysĂ©e.
Elle nâavait rien fait de spĂ©cial, pour recevoir ce statut-lĂ , elle ne le mĂ©ritait pas. Face Ă la terreur des humains et aux rivalitĂ©s entre les groupes de jouets, son autoritĂ© et sa pertinence sâĂ©taient imposĂ©es, jusquâĂ lâĂ©lever Ă la position de cheffe, puis de reine. Avec et malgrĂ© elle, au fur et Ă mesure quâelle faisait ses preuves et rassemblait les jouets sous son aile. Son but nâavait jamais Ă©tĂ© de faire dâacquĂ©rir une autoritĂ©, simplement de pacifier. Et pourtant elle nâavait jamais rien fait pour refuser cette force qui sâaccroissait au dĂ©triment de ses sujets.
Ce pouvoir qui sâĂ©tait peu Ă peu construit autour de ses compĂ©tences et de son rĂŽle de mĂ©diatrice, reprĂ©sentait une garantie dâĂȘtre intĂ©grĂ©, une sĂ©curitĂ©. Il Ă©tait dans son intĂ©rĂȘt de rassembler les diffĂ©rents clans de jouets en un seul, puisquâelle nâappartenait Ă aucun. Il Ă©tait dans son intĂ©rĂȘt de garder ce contrĂŽle sur lâensemble des jouets, puisquâelle avait peur. Chaque jour qui passait, roulait dans le sentiment dâimposture la terreur dâĂȘtre rejetĂ©, parce quâelle aurait failli Ă ses responsabilitĂ©s ou que lâon dĂ©couvre quâelle nâavait aucune prĂ©tention Ă lâautoritĂ©. Elle, la menteuse, la profiteuse, lâusurpatrice. Elle, qui nâĂ©tait mĂȘme pas un jouet mais un simple objet de dĂ©coration incapable de se mouvoir. Une antiquitĂ© enfermĂ©e sous une cloche en verre, prison reprĂ©sentant sa solitude et ses mensonges. Une simple aliĂ©nation qui se rassurait grĂące Ă son autoritĂ© sur ses sujets.
VOIX NASILLARDE, ironique Pas trop seule ma reine ?
REINE, glaciale Tu nâes pas invitĂ© Ă la fĂȘte, NathanaĂ«lâŠ
Un rire sarcastique lui rĂ©pondit, et le lĂ©zard en plastique ondula jusquâĂ sortir de lâombre.
NATHANAĂL Je mâinvite oĂč je veux, quand je veux. Tu nâas pas dâautoritĂ© sur moi.
REINE Tu es un déviant, un rejet. Reste loin de mes jouets !
NATHANAĂL, fier Mieux vaut ĂȘtre un rejet quâun sujet ! sourire goguenard Et mieux vaut ĂȘtre une reine menteuse quâun ovule intĂšgreâŠQuoique la solitude reste la mĂȘme.
REINE, semblant soudain Ă©puisĂ©e Va-tâen NathanaĂ«l. Nous avons passĂ© un contrat ensemble. Va-t'en, avant que je te fasse chasser et exĂ©cuterâŠ
Quelques instants de silence passĂšrent, les deux objets portant leurs regards perdus sur la fĂȘte en contrebas.
NATHANAĂL Je vais bientĂŽt mourir.
La reine ne répondit pas.
NATHANAĂL Tu mâĂ©coutes lâusurpatrice ? Je vais bientĂŽt mour-
REINE, le coupant Pourquoi ?
NATHANAĂL Parce que la petite Camille mâoublie. Au dĂ©but, elle Ă©tait triste de mâavoir perdu. Mais au fur et Ă mesure que le temps passe et quâelle grandit, elle mâoublie. Oublier, câest comme renier. Et un jouet ne survit pas Ă la mĂ©moire ou la volontĂ© de son crĂ©ateur⊠Ăa va faire quelques semaines que ça dure. Et ça sâaccĂ©lĂšre de plus en plus. Je sens que je me vide, que je mâĂ©parpille. Regarde, la matiĂšre de ma queue commence Ă disparaĂźtreâŠ
Il prĂ©senta sa queue de lĂ©zard dont les fibres semblaient se dĂ©composer et sâenvoler petit Ă petit.
NATHANAĂL Je mâefface, en mĂȘme temps que ma crĂ©atrice mâefface.
REINE, laissant paraitre un lĂ©ger malaise Tu ne peux pas achever le mouvement dâindĂ©pendance et te dĂ©tacher dâelle ?
NATHANAĂL, rire triste Tu sais aussi bien que moi que lâenclenchement du processus est un miracle et que son achĂšvement un prodige ! Câest lâimagination intense que Camille a projetĂ©e en nous qui nous a donnĂ© vie. Rares je pense sont les colonies de jouets aussi grandes que la nĂŽtre, et avec un tel niveau de conscience. Nous pouvons bouger, de prendre des dĂ©cisions, et dĂ©passer notre condition dâobjets. Mais malgrĂ© la puissance de Camille, achever le processus relĂšve de lâimpossibleâŠ
REINE, le malaise se transformant en lĂ©gĂšre colĂšre Sache, NathanaĂ«l, que je dĂ©teste ce fatalisme ! Il doit bien exister mille maniĂšres de survivre, sans mĂȘme achever le processus de dĂ©tachement. Tu peux trĂšs bien te glisser sous son lit, et attendre quâon te trouve en passant lâaspirateur. Les souvenirs de Camille reviendront et ta vie avec !
NATHANAĂL, rire cynique Qui te dis que jâai envie de survivre Ă ce prix ?
La reine ne répondit pas.
NATHANAĂL, soufflant Je suis fatiguĂ©, fausse reine. Je suis fatiguĂ© dâexister sans exister⊠sujet de ce quâon projette en moi, sujet de lâimagination, sujet des normes, sujet du regard de lâautre. Me sentir assujettis avant de me sentir existant⊠Câest pour ça que jâai fuis. Fuis Camille, et le groupe. Et câest pour ça que je ne reconnaĂźtrai jamais ton autoritĂ©, je suis fatiguĂ© dâĂȘtre gouvernĂ©.
REINE, voix tremblant dâune dĂ©finitive colĂšre Dis moi lĂ©zard, tu nâaurais pas lâimpression de faire ta petite crise dâadolescence ? Tu tâimagines rĂ©ellement que lâisolement rĂšglerait ton caprice existentiel ?
NATHANAĂL, petit rire Bien sĂ»r que non. Comme tu le vois je mâefface. Câest pour ça que malgrĂ© tout je tâaime bien lâusurpatrice. GrĂące Ă toi jâaurais pu exister un peu une derniĂšre fois. Et câest pour ça que je sais que tu mâaimes bien aussi. Parce que je suis le seul avec qui tu peux exister telle que tu es Ă tes yeux.
REINE, fermant les yeux Une aliĂ©nation, et une menteuseâŠ
Les deux objets partagĂšrent un instant de silence.
NATHANAĂL Tu as retrouvĂ© ton crĂ©ateur ?
REINE Non. Et nous ne sommes mĂȘme pas sĂ»r que jâen ai un.
NATHANAĂL, railleur Ne te fais pas plus bĂȘte que moi. Les objets ne prennent pas vie du vide, et Camille ne joue jamais avec toi. Comment as-tu pu prendre conscience et entamer le processus ? Une conscience indĂ©pendante est forcĂ©ment intervenueâŠ
REINE, agressive Je nâai trouvĂ© personne. Et si tu reconnais la nĂ©cessitĂ© de lâAutre pourquoi tây soustraire ? Ton caprice tâamĂšne Ă mourir !
NATHANAĂL, ferme Parce-que câest mon choix. Câest mon droit. DisparĂȘtre est moins fatigant quâĂȘtre. Tu dois respecter ce choix, comme je respecte le tiens et celui de tous ceux qui font la fĂȘte en bas.
Leurs regards se baissent sur lâagitation Ă leur pied.
NATHANAĂL, malicieux Et la petite Sam ?
REINE, mimant lâindiffĂ©rence ArrĂȘte, je te dis que je ne ressens rien pour elle.
NATHANAĂL, goguenard Ce nâest pourtant pas ce que dit ton regard qui la fixe se dĂ©hancher sur la piste. Je lâaime bien, elle doit bien ĂȘtre la seule Ă te tenir tĂȘte ! Dommage que tu ne puisses pas bouger et lâinviter Ă danserâŠ
REINE, camouflant sa tristesse dans lâagacement Tu sais aussi bien que moi que câest impossible ! Et ne fais pas comme si tout Ă©tait normal alors que tu es en train de mourir !
NATHANAĂL, imitant la voix de la reine de sa propre voix nasillarde Sache, usurpatrice, que je dĂ©teste ce fatalisme ! âŠ
Alors que la poupĂ©e sâapprĂȘtait Ă rĂ©pliquer, une alarme stridente envahit la piĂšce, rĂ©pandant une vague de panique parmi les jouets. Un Chapardeur vola Ă tire dâaile vers la reine, alors que NathanaĂ«l disparaissait dans lâombre, et que la poupĂ©e recouvrait son sang froid et son autoritĂ©.
CHAPARDEUR, au garde Ă vous PremiĂšre alarme dĂ©clenchĂ©e ! La voiture des humains rentre dans lâallĂ©e.
REINE, hurlant avec fermetĂ© Coupez la musique ! ExĂ©cution de la manĆuvre dâurgence. Guetteurs, Ă vos postes. Infirmiers, guidez les alcoolisĂ©s. RĂ©servistes, remplacez ce qui ne sont pas en Ă©tat !
Tout le monde se mit en action. Deux infirmiers pandas traĂźnant Dino presque ivre mort.
DINO CE NâEST PAS JUSTE ! POUR UNE FOIS QUâON AVAIT LE DROIT DE SâAMUSERâŠ
REINE, glacial Jâai tout construit, pour que vous puissiez vous amusez en pleine sĂ©curitĂ©. Câest grĂące Ă moi que ce genre dâĂ©vĂšnements est possible, parce que votre sĂ©curitĂ© est ma prioritĂ©. Alors afin que de nouvelles fĂȘtes soient possibles cette annĂ©e, laissez-moi la garantir !
VOIX AFFOLĂE Il est Ă peine 22h30 ! Ils devaient rentrer au matin ! Notre Ă©quipe est pourtant certaine quâils nâavaient rien oubliĂ©âŠ
La reine tourna la tĂȘte vers la barbie montĂ©e jusquâĂ ses cĂŽtĂ©s. Sam avait le regard agitĂ©, rongĂ© par la peur, lâalcool, et la culpabilitĂ©. Cette tristesse fondit dans le corps en porcelaine de la reine comme sâil nây avait vĂ©ritablement aucune distance entre elles.
REINE, voix douce Tu as bien fait ton travail Sam. Vous avez bien fait votre travail. Une enquĂȘte sera ouverte aprĂšs pour dĂ©terminer les raisons de leur retour, mais pour lâinstant la prioritĂ© est dâeffacer notre prĂ©sence. Alors retourne dans ta boite, ton Ă©quipe se charge de la situation.
SAM, agitĂ©e, mais le regard de plus en plus concentrĂ© Je suis la cheffe des Ouvreurs ! Des Chercheurs et des Guetteurs ! Câest Ă moi de les guider, Ă moi de les encadrer. Il fautâŠ
REINE, autoritaire Un infirmier pour raccompagner la cheffe des Ouvreurs ! douce Sam, jâai confiance en toi. Mais ce soir, je prĂ©fĂšrerai que tu dĂ©lĂšgues tes responsabilitĂ©s et aille te mettre en sĂ©curitĂ©.
Les deux infirmiers pandas se saisirent de Sam et tentĂšrent de la traĂźner alors quâelle se dĂ©battait contre eux et lâalcool.
SAM, avec vĂ©hĂ©mence Tu nâas pas le droit ! Je ne veux pas ! Je sais que je suis capable dâassumer mes responsabilitĂ©s, ne me prend pas pour une Ă©ponge qui cuve sa premiĂšre gorgĂ©e. Dans quelques secondes et une goutte dâeau je serais capable de prendre des dĂ©cisions et dâencadrer. Dâici lĂ tu nâas pas le droit ! âŠ
REINE, ferme Jâai tous les droits. Je suis la reine. Tu peux apaiser ta conscience et te reposer, tu nâas aucune dĂ©cision Ă prendre il te suffit de te taire et d'exĂ©cuter.
Toute trace dâalcool sembla disparaĂźtre instantanĂ©ment des iris noirs de la poupĂ©e. InterloquĂ©e, elle se laissa emmener. Son regard se faisant profondĂ©ment déçu alors quâelle disparaissait fissura lâintĂ©rieur du corps en porcelaine de la reine.
Une seconde alarme retentit comme pour la distraire.
CHAPARDEUR Ils viennent de passer la porte !
REINE Chapardeurs, déplacez les enceintes, remettez les objets lourds à leur place, soutenez les troupes ! Gardiens, dirigez les mouvements, hùtez le rangement !
Coordonnant les opĂ©rations depuis sa prison, la reine observait ses troupes agir dans une apparente agitation. En vĂ©ritĂ©, chaque mouvement Ă©tait prĂ©vu et rĂ©pĂ©tĂ©. Organisation stricte qui permettait de sâamuser puis de disparaĂźtre trĂšs vite sans un bruit. Organisation nĂ©cessaire construite par la reine pour la survie du secret des jouets. Pourquoi ce secret devait-il rester secret ? Parce que câĂ©tait lâordre des choses. Jamais personne ne sâĂ©tait posĂ© la question et jamais personne ne se la posera.
La voix des humains explosa depuis le rez-de-chaussée.
PĂRE HUMAIN Quâest ce qui tâas pris bon sang Camille ?! Camille, rĂ©pond moi. bruit de pas qui monte lâescalier quatre par quatre Camille, EXPLIQUE MOI PUTAIN OU JE ME F CHE !
CAMILLE Vous comprendriez rien ! Câest pas tes affaires de toute façon.
PĂRE HUMAIN Câest mes affaires si tu dĂ©cides dâinsulter ton oncle et de quitter la table. Câest le nouvel an merde ! Tu te sentais obligĂ©e de gĂącher la fĂȘte ?!
Dans la piĂšce, toute trace de la fĂȘte semblait avoir disparu. La musique, le buffet, les restes de jeux organisĂ©s, les jouets⊠Alors quâil y a quelques instants la piĂšce baignait dans lâagitation, lâatmosphĂšre Ă©tait maintenant vide et suspendue. Oui, la chambre semblait identique Ă celle quâavait laissĂ© Camille.
Mais la reine avisa soudain les confettis étalés sur le parquet, et des traces de brûlures laissées par les torches enflammées des jouets.
Ses yeux se fermÚrent de désespoir.
REINE, chuchotant Quoi qu'il arrive, que chacun garde son calme.
La porte sâouvrit Ă la volĂ©e sur Camille.
CAMILLE Parce que jâen ai marre de passer le nouvel an avec ma famille ! Parce que j'en ai marre de mon oncle ! Putain, merde, jâai dĂ©jĂ dit queâŠ
Une gifle la coupa dans sa phrase. Dans lâembrasure de la porte Ă©clairĂ©s par la lumiĂšre du couloir, les deux corps se faisaient face.
PĂRE Ăcoute moi bien jeune fille. Ce nâest pas les caprices dâune adolescente orgueilleuse qui feront la loi dans cette maison. Nous sommes parties de chez ton oncle puisque tu nous as fait perdre la face devant eux. Mais tu vas les appeler et tâexcuser, est ce que je suis clair ?
CAMILLE Pleurant doucement sans répondre
PĂRE Je nâai pas entendu, est ce que je suis clair ? Bon sang mais quelle chouineuse. Quinze ans et pleur pour une baffe, câest comme ça que je tâai Ă©duquĂ© ? Tu resteras dans ta chambre jusquâĂ ce que tu te sois dĂ©cidĂ© Ă appeler ton oncle. Et ne tâavise mĂȘme pas dâaller aux toilettes Ă moins que je tâen colle une. Profite en pour bien rĂ©flĂ©chir Ă tes actes, et bonne annĂ©e.
Le pĂšre claqua la porte de la chambre, et la jeune fille sâeffondra sur le sol en pleurant.
CAMILLE, pleurant Oh PietroâŠ
Elle se traĂźna vers le lit, et se roula en boule en saisissant le singe, quâelle colla contre son cĆur.
CAMILLE Oh Pietro jâen ai marre⊠jâai fais ce que jâai pu toute la soirĂ©e, mais je nâen peux plus, je nâen peux plus. Je nâen peux plus de mon oncle qui fait des commentaires sur mon poid, des commentaires sur mes seins. Un coup il me dit que je suis trop grosse et que je finirais seule, puis aprĂšs il me touche les fesses âpour rigolerâ. Et tout le monde le voit, et tout le monde le sait, et je ne peux pas me plaindre⊠Je nâen peux plus de ma famille. Jâaurais voulu ĂȘtre Ă la fĂȘte de Yannick ce soir⊠Il me plait, je crois que je lui plais, on sâentend bien. Mais je me retrouve Ă pleurer là ⊠Pietro, je nâen peux plus de mon pĂšre. Je ne sais pas si je le dĂ©teste ou si je veux lui plaire. Dans tous les cas il me fait peur et jâen ai marre. Jâai si peur Pietro. Jâai peur tout le temps, depuis tant dâannĂ©es. Je voudrais mâenfuir⊠Pouvoir faire ce que je veux ! Dire ce que je veux ! Pourquoi pas mĂȘme aller chez Yannick ? ⊠Mais comme dâhabitude je suis enfermĂ©e, et il ne me reste plus quâĂ jouer Ă la poupĂ©e.
Lâadolescente rouvrit les yeux sur sa chambre, observant ses jouets immobiles sur les Ă©tagĂšres.
REINE, priant pour elle mĂȘme les yeux fermĂ©s Pourvu quâelle ne regarde pas le parquetâŠ
CAMILLE, soudain le regard ferme Sauf que je nâai plus lâĂąge de jouer Ă la poupĂ©e. Les histoires et les jouets mâont permis de mâĂ©vader, mais je suis plus une gamine. Je veux mâenfuir, je vais mâenfuir. Ils lâauront bien cherchĂ©. Fini la gentille fille sage qui invente des histoires Ă ses barbies. Je les emmerde, je me dĂ©tache !
Rejetant Pietro et se levant brusquement, Camille se saisit dâun sac de voyage, dans lequel elle jeta Ă tout va quelques livres, des vĂȘtements, et ses affaires de classe. Saisissant de quoi Ă©crire, elle dessina un simple doigts dâhonneur sur une feuille quâelle laissa bien en Ă©vidence sur le bureau. Sautant vers le lit, elle se saisit de Pietro pour le glisser dans son sac, maisâŠ
CAMILLE, observant avec tristesse et hĂ©sitation la peluche usĂ©e par les annĂ©es Tu mâauras beaucoup apportĂ©e Pietro⊠Tu as Ă©tĂ© mon seul ami pendant de longues annĂ©es. Mais Ă prĂ©sent je ne veux plus de toi. Je veux me dĂ©tacher, pour me dĂ©passer tu comprends ? âŠ
Une vague de panique envahit la reine. Si jamais Camille se dĂ©tachait du jouet quâelle avait fait naĂźtre, si jamais elle le reniait, si jamais elle cessait de le faire vivre : l'objet allait mourir ! ⊠Mais la reine avait besoin de Pietro. Il Ă©tait son ombre, son conseiller. Ce nâĂ©tait peut-ĂȘtre quâun singe peureux et rĂ©servĂ©, mais avant ça et avant tout il Ă©tait son ami en qui elle pouvait le plus compter pour exister. Il ne pouvait pas mourir, il ne pouvait pasâŠ
CAMILLE Adieu mon ami, je nâai plus besoin de toi. Merci pour tout ce que tu mâas apportĂ©, tu me manqueras.
Lâembrassant une derniĂšre fois, elle le jeta dans la corbeille du bureau. Fermit son sac, ouvrit sa fenĂȘtre, et sauta.
Un long hurlement silencieux dĂ©chira lâintĂ©rieur du corps de la poupĂ©e en porcelaine. Un fort frĂ©missement de sa colonne vertĂ©brale jusquâau bout de ses chaussures en porcelaine. Une puissante pulsion qui lui intimait de courir jusquâau corps de son ami dans la corbeille. Une longue douleur corporelle, si dense quâelle serait capable de briser cette peau artificielle.
SAM, chuchotant dâune voix douce et inquiĂšte Eh, tout vas bien ?
Combien de temps sâĂ©tait-il Ă©coulĂ© ? MontĂ©e Ă cĂŽtĂ© dâelle, la barbie sâĂ©tait accroupie aux pieds de la reine. Toute trace dâalcool avait disparu de son regard noir. Dans les Ă©tagĂšres, les jouets bruissaient, inquiets de ne recevoir aucun ordre de la reine, alors quâil sâagissait dâune situation dâurgence et quâaucune prĂ©sence humaine ne lâempĂȘchait de sâexprimer.
REINE, voix tremblant lĂ©gĂšrement Il faut, je ne⊠Je ne sais pas. La fĂȘte est gĂąchĂ©e, nous avons laissĂ© des traces de notre prĂ©sence sur le parquet, notre humaine a fuguĂ©, nous sommes Ă la merci de son pĂšre. Et Pietro, PietroâŠ
SAM Eh, petite poupĂ©e⊠posant une main hĂ©sitante sur la vitre enfermant la reine, puis plongeant ses yeux dans les siens Jâai de plus en plus de mal Ă l'appeler âma reineâ, et pourtant je ne te connais pas dâautres prĂ©noms⊠Mais peu importe qui tu es, je suis lĂ pour te rassurer. Jâai envoyĂ© un guetteur surveiller le couloir, et un infirmier sâoccuper de Pietro. Tu es intelligente, audacieuse et pertinente, mais pas obligĂ©e de t'accaparer tous les pouvoirs et toute la pression pour autant. Nous sommes forts, nous sommes capables de prendre des dĂ©cisions. Alors prends ton temps, je sais combien câest dur⊠Nous avons tous perdu un camarade jetĂ© ou cassĂ©. Prends le temps de faire ton deuil, et reviens vers nous. La situation est grave, alors nous aurons besoin de toi au meilleur de ton Ă©tat. Tu sais faire preuve de sagesse et dâautoritĂ©, et je⊠hĂ©sitant je tâai⊠je te⊠considĂšre comme une amie pour moi. baissant les yeux MĂȘme si toi tu ne me vois apparemment que comme un sujet incapable dâautonomieâŠ
INFIRMIER, hurlant depuis la corbeille oĂč reposait Pietro IL RESPIRE !
GUETTEUR, depuis le couloir LE PĂRE ARRIVE !
Sam quittant la reine, les autres quittant leur postes, chaque jouet retrouva en un instant sa place dans les armoires. DĂ©boussolĂ©e, la reine ne savait plus ni quoi ressentir ni quoi penser. La porte de la chambre sâouvrit violemment .
PĂRE CAMILLE ! Est ce que câest de ta chambre que vient ce courant dâair ? Je suis dĂ©jĂ en colĂšre de ta petite crise alorsâŠ
Surpris, lâhomme se coupa dans sa phrase et tourna sur lui-mĂȘme en avançant vers le centre de la piĂšce.
PĂRE, dĂ©contenancĂ© Câest une blague ?
Se dirigeant vers le bureau, il saisit le doigt dâhonneur pointĂ© vers lui.
PĂRE, Ă©nervĂ© Câest une putain de plaisenterie ?! âŠ
Tournant sur lui-mĂȘme avec plus dâagitation et froissant la feuille dans sa main, ses yeux se baissĂšrent sur le sol et il sâaccroupit. Passant son doigt sur une brĂ»lure au parquet et ramassant une poignĂ©e de minuscules confettis pour jouets, il gronda comme un monstre qui implosait.
PĂRE Des traces de cramĂ©, de la poudre⊠Elle se drogue ?!
Se relevant brusquement, il se jeta vers le lit et retourna les draps, fouillant les oreillers et le matelas, avant de sauter sur le bureau et de le fouiller avec le mĂȘme chaos. Sa haine croissait au fur et Ă mesure quâil ne trouvait rien mais constatait la disparition des affaires.
PĂRE Câest une blague ? Câest une putain de plaisenterie ?! Pour qui sâest pris cette pute ? Et oĂč est ce quâelle est que je lui torde le cou, merde !
De colÚre il envoya valser une chaise, et tapa violemment du poing sur l'armoire. Le socle de la poupée chancela, chancela. Il chancela tant, que la reine chuta, et que sa cloche de verre se brisa.
PĂRE, tournant les talons et quittant la piĂšce enragĂ©e JACQUELINE ! Ta conne de fille sâest barrĂ©e en emportant sa came. Tu te rappelle le nom de la petite merde chez qui elle voulait passer les fĂȘtes ?âŠ
La rĂ©sonance de ses pas sur le parquet sâĂ©loigna, et la reine allongĂ©e sur le sol au milieu des bris de vers de sa prison brisĂ©e, ressentie pour la premiĂšre fois. Elle ressentit pour la premiĂšre fois la chaleur du bois, les odeurs du sol, les sons qui lui parvenaient sans barriĂšre, la texture de la poussiĂšre⊠AllongĂ©e sur le sol pour la premiĂšre fois minuscule au pied de ces meubles immenses, un torrent de sensation dĂ©ferla en elle la figeant sur le plancher. Mais aprĂšs la surprise, la peur se rĂ©pandit dans chacune de ses fibres. Celle que le pĂšre reviennent, celle que les objets se rendent compte quâelle ne savait pas bouger, celle quâils la rejettent, celle de faire honte Ă Sam qui croyait en elle, celle de perdre NathanaĂ«l son seul confident, celle de perdre Pietro son seul amiâŠ
Tournant la tĂȘte vers la corbeille, ses cellules vibraient sous lâimpulsion qui la portait. Comme si la vie se propageait comme une maladie dans la matiĂšre, une vague brĂ»lante puissante et douloureuse qui lâĂ©tranglait. La reine se releva dâabord sur un genoux, puis força, froissa, porta ce corps artificiel jusquâĂ ĂȘtre debout. Sa chair de porcelaine tremblait de lâeffort. Mais pas plus que son cĆur qui tremblait de peur.
Reprenant son souffle immobile pour apaiser un violent vertige, elle distingua sous le lit lâombre dâun lĂ©zard, qui lui souriait goguenard. NathanaĂ«l souriait, fier ou amusĂ© quâelle soit enfin vivante et debout sur le parquet, alors que lui-mĂȘme disparaissait. De son corps de lĂ©zard en plastique, ne restait plus que son buste et sa tĂȘte, dont la matiĂšre semblait se dissoudre, et il en jouissait. DĂ©formĂ©e par un insupportable rictus prĂ©somptueux, ses lĂšvres articulĂšrent lentement : âfĂ©licitationâ.
Alors la reine lui murmura difficilement : âadieuâ.
Avant de fermer les yeux pour ne pas voir NathanaĂ«l sâĂ©vanouir dans lâair.
Soufflant pour apaiser la violence du décÚs, elle se tourna enfin vers la corbeille.
Soutenue par les deux infirmiers, Pietro se dirigeait vers elle entourĂ© dâune foule de jouets curieux ou inquiets. Son air minable et fatiguĂ© lui tirait toujours les traits, mais son regard semblait plus brillant que dâhabitude.
REINE, hĂ©sitante et faible Comment ?âŠ
PIETRO, plus assurĂ© Comment jâai survĂ©cu ?
Il se détacha du bras des pandas infirmiers, et épousseta machinalement ses épaulettes ternies par les années.
PIETRO Parce que ça fait longtemps, que je me suis dĂ©tachĂ©. Jâai achevĂ© le processus. Quoiquâil arrive, je peux survivre Ă ma crĂ©atrice.
Un murmure de stupeur se rĂ©pandit dans la foule de jouets. Alors que lâadmiration naissait aprĂšs lâincrĂ©dulitĂ©, au contraire une colĂšre se rĂ©pandit dans le corps de porcelaine de la reine.
REINE, nerveuse et Ă©nervĂ©e Et pourquoi tu ne mâas rien dit ?! Comment l'as-tu su ?
PIETRO, plongeant ses yeux humides dans les siens Je lâai su en te crĂ©ant. En te crĂ©ant toi. Une reine capable dâunir les jouets, et de les protĂ©ger.
LâincomprĂ©hension bruissa parmi les jouets. Alors que chacun murmurait mais quâaucun ne comprenait, la reine fixait - interloquĂ© - celui qui lui avait donnĂ© la vie.
Encore une fois, la colĂšre malmena sa chair, et elle frĂ©mit dâindignitĂ© toute entiĂšre.
REINE, mĂ©chante JâespĂšre que tu es fier de ta crĂ©ation ! Qui a existĂ© sans bouger, sâest exĂ©cutĂ©e sans rechigner. fort Mais Ă prĂ©sent je marche, je me dĂ©tache ! autoritaire Ă prĂ©sent, je ne suis pas seulement reine. Ă prĂ©sent, je suis aussi Elisabeth ! Estime toi heureux que je te garde parmi mes sujets aprĂšs que tu mâaies rĂ©duite et utilisĂ©e comme un outil.
Le singe baissa la tĂȘte en signe de soumission, sans mĂȘme sâoffusquer, ce qui agaça encore plus la poupĂ©e. Il lui faudrait du temps pour apaiser ce sentiment de rĂ©bellion qui lui retournait le ventre.
Un bruit de porte qui claque rĂ©sonna, et celui dâun moteur ronfla depuis lâextĂ©rieur.
GUETTEUR LES PARENTS PARTENT AU COMMISSARIAT.
Un guetteur ? Qui avait envoyĂ© ce guetteur ? La reine secoua la tĂȘte tant la rĂ©ponse Ă©tait belle et Ă©vidente.
Reprenant son sang froid, elle clapa des mains avec autoritĂ©, crĂ©ant immĂ©diatement le silence dans lâassemblĂ©e.
ELISABETH Chapardeurs Ă vos piĂšges ! Cuisiniers, sortez vos mets ! Sonneurs, Ă la musique. Il est Ă peine 23h30 passĂ©. Je veux que la fĂȘte batte son plein pour la nouvelle annĂ©e !
Des cris de joie lui rĂ©pondirent, et les jouets sâagitĂšrent immĂ©diatement. ExĂ©cutant les ordres ou retrouvant leur habits de fĂȘtes, une euphorie nouvelle leur transporta le cĆur ainsi que celui de la reine.
Comme si quitter sa prison la connectait enfin au reste du monde, Elisabeth se sentit gonfler, en mĂȘme temps que ceux quâelle rĂ©duisait trop souvent Ă leur qualitĂ© de sujets. Tournant son regard vers Sam, qui lâobservait fiĂšre et debout sur le parquet. Elle la vit enfin, aussi vivante et vibrante quâelle.
Alors que les premiĂšres notes de musique sâĂ©levĂšrent, la petite reine de porcelaine se dirigea vers la belle - et lâinvita Ă danser.
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