L'Académie de Lu





Pas encore inscrit ? /


Lien d'invitation discord : https://discord.gg/5GEqPrwCEY


Tous les thèmes
Rechercher dans le texte ou le titre
Expression exacte
Rechercher par auteur
Rechercher par type de défi
Tous les textes


PseudoMot de passe

Mot de passe perdu ?

Nouvel an


Une reine de porcelaine

(par Salander)
(Thème : Nouvel an)



VOIX MASCULINE, chuchotant faiblement

Vous pensez qu’ils sont partis ?


VOIX FÉMININE, chuchotant avec assurance

Écoutez bien. La porte vient de se fermer, on ne devrait pas tarder à entendre leur voiture s’en aller.


Comme pour lui donner raison, des portiĂšres claquĂšrent, et le ronronnement d’un moteur rĂ©sonna Ă  l’extĂ©rieur de la piĂšce. Il tourna quelques instants, manoeuvrant pour quitter l’allĂ©e de cette maison coquette, avant de s’évanouir dans la nuit.


VOIX FÉMININE, forte

C’est bon, ils sont partis. Qu’une Ă©quipe aille vĂ©rifier qu’ils n’ont rien oubliĂ© afin de ne pas avoir de mauvaise surprise. Je veux Sam sur le coup. Dino rassemble tes gars pour commencer Ă  installer le matĂ©riel. Les chapardeurs Ă  vos ailes, vous savez quoi faire.


ObĂ©issant Ă  la voix, des ombres quittĂšrent les Ă©tagĂšres, sortirent des coffres Ă©pais, abandonnĂšrent leurs poussiĂ©reuses positions, dans une furieuse agitation. ÉclairĂ©s par la lumiĂšre chaude du lampadaire Ă  travers la fenĂȘtre, la chambre semblait prendre vie. S’échappant de la masse d’ombres rampantes, les chapardeurs voltigeaient insolemment. Dansant lĂ©gers dans le clair-obscure de la chambre, des formes rapides et chaotiques qui se dessinaient la lumiĂšre de la vitre.


Isolée de ce chahut, tout en haut de la plus haute armoire, la reine - immobile - observait.


REINE, autoritaire

Cuisines, en mouvement. DĂ©coration, accĂ©lĂ©rez la cadence. Musique, au rapport !


PANTIN EN PELUCHE, indolent

Faut qu’les chapardeurs nous rapportent l’enceinte. J’fournie la bonne musique mais l’bon son sort pas de mon pif.


REINE, agacé

Dans ce cas il faudra attendre qu’ils aient disposĂ© les piĂšges. voix plus calme Sam, au rapport.


SAM

Ils ont leurs clĂ©s, leurs portables, le vin. Tout le nĂ©cessaire, et sans doute plus que le nĂ©cessaire. Rien d’inquiĂ©tant Ă  signaler.


REINE

Le chien ?


SAM

Avec eux.


Du haut de son piédestal, la poupée en porcelaine observa la barbie noire debout sur le parquet. Droite et belle avec ses cheveux crépus et son port fier. La reine avait confiance en Sam, et dans le travail de Sam.


REINE

Repos pour la soirée. Toi et tes troupes, profitez de la nouvelle année.


Petit Ă  petit, la soirĂ©e se mit en place. Les jouets disciplinĂ©s sous les ordres de la reine construisirent rapidement une vĂ©ritable salle de fĂȘte. Chacun enfila sa tenue de soirĂ©e, et les dĂ©licieuses senteurs d’un buffet envahirent la piĂšce. Une fois le pĂ©rimĂštre sĂ©curisĂ©, les chapardeurs ramenĂšrent l’enceinte, la musique se lança, et la fĂȘte commença !


Rares Ă©taient les fois oĂč les jouets pouvaient s’amuser sans se soucier. Alors ce soir ils profitaient, comme si ce devait ĂȘtre leur dernier. Il ne fallut pas longtemps pour que Dino le chef des bricoleurs monte sur la table de chevet pour danser.


DINO, déjà légÚrement enivré

SOOOOORTEZ LES COTILLONS !


POUPÉE BERGÈRE

Je te prĂ©viens T-REX de mes deux reins que je te laisserais de nettoyer ces cochonneries !


Une ombre volant Ă  pleine vitesse portant une torche frĂŽla son crĂąne, faisant trembler sa coiffe.


CHAPARDEUR

Attention les cheveux ! J’ai de quoi roussir les poils et Ă©clairer le noir.


POMPIER LEGO, levant son poing plein de miettes de gĂąteaux

La premiĂšre chauve sourie en plastique qui crame le parquet finira dans mon steak !


AUTRE CHAPARDEUR, tournant autour de lui pour l’enfermer dans un courant d’air

Tu nous parles chĂ©ri ? Je n’entend que la musique et les rires cette nuit !


AUTRE CHAPARDEUR, Ă©crivant dans le ciel Ă  l’aide de sa torche

Que les crispĂ©s de la raie retiennent ce message ! Ce soir l’oubli est roi. Mon colon prĂ©fĂšre digĂ©rer la fĂȘte Ă  vos jĂ©rĂ©miades !!


Un tonnerre d'applaudissements et d’éclats de rire Ă©clot quand sur le plafond s’afficha en flamme le message : “La peur Ă  la porte le plaisir au ventre. Sortez les sourires enfermez les coincĂ©s, car se dĂ©clare ouverte la nuit des jouets !”


VOIX MASCULINE, faible mais calme

La fĂȘte semble ĂȘtre une rĂ©ussite, ma reine.


Tournant la tĂȘte vers son conseiller, la concernĂ©e avisa la peluche abĂźmĂ©e. Un petit singe en costume de monsieur loyal bleu et dĂ©lavĂ© qui la regardait. Plus vieux et plus usĂ© que la plupart des jouets emplissant la piĂšce, il Ă©tait la peluche favorite de l’humaine.


ObĂ©issant, peureux, et maladroit, il portait quelque chose de pathĂ©tique en lui qui le rendait misĂ©rable. Et pourtant, il Ă©tait un ĂȘtre prĂ©cieux aux yeux de la reine. SincĂšre et dĂ©vouĂ©, il rĂ©flĂ©chissait sĂ©rieusement aux bien-ĂȘtre des jouets. Et Ă  chaque fois que la poupĂ©e observait ses sujets, - seule - en haut de son Ă©tagĂšre, il Ă©tait - le seul - qui vraiment la regardait.


Alors que chacun de ses sujets avait le regard tourné vers soi, Pietro était celui qui avait le regard tourné vers elle.


REINE

Tu ne rejoins pas les autres Pietro ?


PIETRO, secouant la tĂȘte

Non. Je suis trop faible pour supporter leur euphorie, et vous restez enfermée contre votre volonté. Alors autant que je vous tienne compagnie



Ce n’était pas vrai. La fragile poupĂ©e de porcelaine Ă©tait bel et bien enfermĂ©e sous une cloche en verre, mais ce n’était pas contre sa volontĂ©, au contraire. Si elle voulait parfois rejoindre les autres, participer aux expĂ©ditions et aux distractions, elle en Ă©tait incapable. Contrairement Ă  l’ensemble des jouets qu’elle dirigeait, elle Ă©tait incapable de bouger. Cette prison lui servait d’excuse pour ne pas rĂ©vĂ©ler qu’elle Ă©tait fausse, incomplĂšte, ratĂ©e.


REINE

Ne te prive pas pour moi Pietro, tu fais dĂ©jĂ  beaucoup. Autour du buffet, la fĂȘte est plus calme. Je sais que tu as peur des autres, mais ce n’est que rarement que nous pouvons nous amuser sans se soucier de la prĂ©sence des humains. Profite-en ! Je sais que tu en as envie et que tu en es capable.


Le vieux singe hĂ©sita quelques instants, mais finit par descendre laborieusement de l'armoire, traĂźnant son corps fragile vers la fĂȘte battant son plein sur le parquet. Depuis le bureau, le pantin en peluche gĂ©rait la musique Ă  la perfection, faisant danser les jouets au centre de la piĂšce. Des jeux d’adresses ou de dĂ©fis se dispersaient tout autour, et les discussions bruissaient heureuses et lĂ©gĂšres autour du buffet. Au-dessus des tĂȘtes, les Chapardeurs volaient. Organisant des prestations, jouant, se bagarrant, Ă©crivant. Leurs messages Ă  la torche Ă©clairaient la piĂšce et dessinaient un ciel de mots et de lumiĂšre ! On y trouvait des provocations, des dĂ©clarations d’amour, des poĂšmes paĂŻens, des impĂ©ratifs festifs. La reine enfermĂ©e et isolĂ©e sur son perchoir ressentit alors une immense solitude.


DINO, complÚtement enivré

VIVE LA REINE ! VIVE CELLE QUI REND POSSIBLE CETTE FÊTE !!


Un tonnerre d'applaudissements lui rĂ©pondit, et les jouets se rassemblĂšrent pour l’acclamer. Les chapardeurs se joignirent Ă  l’ovation, et des messages en son honneur firent leur apparition sur la nuit noire du plafond. MalgrĂ© leur pitrerie et leur indiscipline, ils respectaient cette poupĂ©e de porcelaine. Cette reine qui avait su organiser et protĂ©ger ces groupes d’objets Ă©pars vivants dans la crainte des humains. À la solitude qui lui serrait l’estomac, un profond sentiment d’imposture noua la gorge de la poupĂ©e paralysĂ©e.


Elle n’avait rien fait de spĂ©cial, pour recevoir ce statut-lĂ , elle ne le mĂ©ritait pas. Face Ă  la terreur des humains et aux rivalitĂ©s entre les groupes de jouets, son autoritĂ© et sa pertinence s’étaient imposĂ©es, jusqu’à l’élever Ă  la position de cheffe, puis de reine. Avec et malgrĂ© elle, au fur et Ă  mesure qu’elle faisait ses preuves et rassemblait les jouets sous son aile. Son but n’avait jamais Ă©tĂ© de faire d’acquĂ©rir une autoritĂ©, simplement de pacifier. Et pourtant elle n’avait jamais rien fait pour refuser cette force qui s’accroissait au dĂ©triment de ses sujets.


Ce pouvoir qui s’était peu Ă  peu construit autour de ses compĂ©tences et de son rĂŽle de mĂ©diatrice, reprĂ©sentait une garantie d’ĂȘtre intĂ©grĂ©, une sĂ©curitĂ©. Il Ă©tait dans son intĂ©rĂȘt de rassembler les diffĂ©rents clans de jouets en un seul, puisqu’elle n’appartenait Ă  aucun. Il Ă©tait dans son intĂ©rĂȘt de garder ce contrĂŽle sur l’ensemble des jouets, puisqu’elle avait peur. Chaque jour qui passait, roulait dans le sentiment d’imposture la terreur d’ĂȘtre rejetĂ©, parce qu’elle aurait failli Ă  ses responsabilitĂ©s ou que l’on dĂ©couvre qu’elle n’avait aucune prĂ©tention Ă  l’autoritĂ©. Elle, la menteuse, la profiteuse, l’usurpatrice. Elle, qui n’était mĂȘme pas un jouet mais un simple objet de dĂ©coration incapable de se mouvoir. Une antiquitĂ© enfermĂ©e sous une cloche en verre, prison reprĂ©sentant sa solitude et ses mensonges. Une simple aliĂ©nation qui se rassurait grĂące Ă  son autoritĂ© sur ses sujets.


VOIX NASILLARDE, ironique

Pas trop seule ma reine ?


REINE, glaciale

Tu n’es pas invitĂ© Ă  la fĂȘte, NathanaĂ«l



Un rire sarcastique lui rĂ©pondit, et le lĂ©zard en plastique ondula jusqu’à sortir de l’ombre.


NATHANAËL

Je m’invite oĂč je veux, quand je veux. Tu n’as pas d’autoritĂ© sur moi.


REINE

Tu es un dĂ©viant, un rejet. Reste loin de mes jouets !


NATHANAËL, fier

Mieux vaut ĂȘtre un rejet qu’un sujet ! sourire goguenard Et mieux vaut ĂȘtre une reine menteuse qu’un ovule intĂšgre
Quoique la solitude reste la mĂȘme.


REINE, semblant soudain épuisée

Va-t’en NathanaĂ«l. Nous avons passĂ© un contrat ensemble. Va-t'en, avant que je te fasse chasser et exĂ©cuter



Quelques instants de silence passĂšrent, les deux objets portant leurs regards perdus sur la fĂȘte en contrebas.


NATHANAËL

Je vais bientĂŽt mourir.


La reine ne répondit pas.


NATHANAËL

Tu m’écoutes l’usurpatrice ? Je vais bientĂŽt mour-


REINE, le coupant

Pourquoi ?


NATHANAËL

Parce que la petite Camille m’oublie. Au dĂ©but, elle Ă©tait triste de m’avoir perdu. Mais au fur et Ă  mesure que le temps passe et qu’elle grandit, elle m’oublie. Oublier, c’est comme renier. Et un jouet ne survit pas Ă  la mĂ©moire ou la volontĂ© de son crĂ©ateur
 Ça va faire quelques semaines que ça dure. Et ça s’accĂ©lĂšre de plus en plus. Je sens que je me vide, que je m’éparpille. Regarde, la matiĂšre de ma queue commence Ă  disparaĂźtre



Il prĂ©senta sa queue de lĂ©zard dont les fibres semblaient se dĂ©composer et s’envoler petit Ă  petit.


NATHANAËL

Je m’efface, en mĂȘme temps que ma crĂ©atrice m’efface.


REINE, laissant paraitre un léger malaise

Tu ne peux pas achever le mouvement d’indĂ©pendance et te dĂ©tacher d’elle ?


NATHANAËL, rire triste

Tu sais aussi bien que moi que l’enclenchement du processus est un miracle et que son achĂšvement un prodige ! C’est l’imagination intense que Camille a projetĂ©e en nous qui nous a donnĂ© vie. Rares je pense sont les colonies de jouets aussi grandes que la nĂŽtre, et avec un tel niveau de conscience. Nous pouvons bouger, de prendre des dĂ©cisions, et dĂ©passer notre condition d’objets. Mais malgrĂ© la puissance de Camille, achever le processus relĂšve de l’impossible



REINE, le malaise se transformant en légÚre colÚre

Sache, NathanaĂ«l, que je dĂ©teste ce fatalisme ! Il doit bien exister mille maniĂšres de survivre, sans mĂȘme achever le processus de dĂ©tachement. Tu peux trĂšs bien te glisser sous son lit, et attendre qu’on te trouve en passant l’aspirateur. Les souvenirs de Camille reviendront et ta vie avec !


NATHANAËL, rire cynique

Qui te dis que j’ai envie de survivre Ă  ce prix ?


La reine ne répondit pas.


NATHANAËL, soufflant

Je suis fatiguĂ©, fausse reine. Je suis fatiguĂ© d’exister sans exister
 sujet de ce qu’on projette en moi, sujet de l’imagination, sujet des normes, sujet du regard de l’autre. Me sentir assujettis avant de me sentir existant
 C’est pour ça que j’ai fuis. Fuis Camille, et le groupe. Et c’est pour ça que je ne reconnaĂźtrai jamais ton autoritĂ©, je suis fatiguĂ© d’ĂȘtre gouvernĂ©.


REINE, voix tremblant d’une dĂ©finitive colĂšre

Dis moi lĂ©zard, tu n’aurais pas l’impression de faire ta petite crise d’adolescence ? Tu t’imagines rĂ©ellement que l’isolement rĂšglerait ton caprice existentiel ?


NATHANAËL, petit rire

Bien sĂ»r que non. Comme tu le vois je m’efface. C’est pour ça que malgrĂ© tout je t’aime bien l’usurpatrice. GrĂące Ă  toi j’aurais pu exister un peu une derniĂšre fois. Et c’est pour ça que je sais que tu m’aimes bien aussi. Parce que je suis le seul avec qui tu peux exister telle que tu es Ă  tes yeux.


REINE, fermant les yeux

Une aliénation, et une menteuse



Les deux objets partagĂšrent un instant de silence.


NATHANAËL

Tu as retrouvĂ© ton crĂ©ateur ?


REINE

Non. Et nous ne sommes mĂȘme pas sĂ»r que j’en ai un.


NATHANAËL, railleur

Ne te fais pas plus bĂȘte que moi. Les objets ne prennent pas vie du vide, et Camille ne joue jamais avec toi. Comment as-tu pu prendre conscience et entamer le processus ? Une conscience indĂ©pendante est forcĂ©ment intervenue



REINE, agressive

Je n’ai trouvĂ© personne. Et si tu reconnais la nĂ©cessitĂ© de l’Autre pourquoi t’y soustraire ? Ton caprice t’amĂšne Ă  mourir !


NATHANAËL, ferme

Parce-que c’est mon choix. C’est mon droit. DisparĂȘtre est moins fatigant qu’ĂȘtre. Tu dois respecter ce choix, comme je respecte le tiens et celui de tous ceux qui font la fĂȘte en bas.


Leurs regards se baissent sur l’agitation à leur pied.


NATHANAËL, malicieux

Et la petite Sam ?


REINE, mimant l’indiffĂ©rence

ArrĂȘte, je te dis que je ne ressens rien pour elle.


NATHANAËL, goguenard

Ce n’est pourtant pas ce que dit ton regard qui la fixe se dĂ©hancher sur la piste. Je l’aime bien, elle doit bien ĂȘtre la seule Ă  te tenir tĂȘte ! Dommage que tu ne puisses pas bouger et l’inviter Ă  danser



REINE, camouflant sa tristesse dans l’agacement

Tu sais aussi bien que moi que c’est impossible ! Et ne fais pas comme si tout Ă©tait normal alors que tu es en train de mourir !


NATHANAËL, imitant la voix de la reine de sa propre voix nasillarde

Sache, usurpatrice, que je dĂ©teste ce fatalisme ! 



Alors que la poupĂ©e s’apprĂȘtait Ă  rĂ©pliquer, une alarme stridente envahit la piĂšce, rĂ©pandant une vague de panique parmi les jouets. Un Chapardeur vola Ă  tire d’aile vers la reine, alors que NathanaĂ«l disparaissait dans l’ombre, et que la poupĂ©e recouvrait son sang froid et son autoritĂ©.


CHAPARDEUR, au garde Ă  vous

PremiĂšre alarme dĂ©clenchĂ©e ! La voiture des humains rentre dans l’allĂ©e.


REINE, hurlant avec fermeté

Coupez la musique ! ExĂ©cution de la manƓuvre d’urgence. Guetteurs, Ă  vos postes. Infirmiers, guidez les alcoolisĂ©s. RĂ©servistes, remplacez ce qui ne sont pas en Ă©tat !


Tout le monde se mit en action. Deux infirmiers pandas traĂźnant Dino presque ivre mort.


DINO

CE N’EST PAS JUSTE ! POUR UNE FOIS QU’ON AVAIT LE DROIT DE S’AMUSER



REINE, glacial

J’ai tout construit, pour que vous puissiez vous amusez en pleine sĂ©curitĂ©. C’est grĂące Ă  moi que ce genre d’évĂšnements est possible, parce que votre sĂ©curitĂ© est ma prioritĂ©. Alors afin que de nouvelles fĂȘtes soient possibles cette annĂ©e, laissez-moi la garantir !


VOIX AFFOLÉE

Il est Ă  peine 22h30 ! Ils devaient rentrer au matin ! Notre Ă©quipe est pourtant certaine qu’ils n’avaient rien oublié 


La reine tourna la tĂȘte vers la barbie montĂ©e jusqu’à ses cĂŽtĂ©s. Sam avait le regard agitĂ©, rongĂ© par la peur, l’alcool, et la culpabilitĂ©. Cette tristesse fondit dans le corps en porcelaine de la reine comme s’il n’y avait vĂ©ritablement aucune distance entre elles.


REINE, voix douce

Tu as bien fait ton travail Sam. Vous avez bien fait votre travail. Une enquĂȘte sera ouverte aprĂšs pour dĂ©terminer les raisons de leur retour, mais pour l’instant la prioritĂ© est d’effacer notre prĂ©sence. Alors retourne dans ta boite, ton Ă©quipe se charge de la situation.


SAM, agitée, mais le regard de plus en plus concentré

Je suis la cheffe des Ouvreurs ! Des Chercheurs et des Guetteurs ! C’est Ă  moi de les guider, Ă  moi de les encadrer. Il faut



REINE, autoritaire

Un infirmier pour raccompagner la cheffe des Ouvreurs ! douce Sam, j’ai confiance en toi. Mais ce soir, je prĂ©fĂšrerai que tu dĂ©lĂšgues tes responsabilitĂ©s et aille te mettre en sĂ©curitĂ©.


Les deux infirmiers pandas se saisirent de Sam et tentĂšrent de la traĂźner alors qu’elle se dĂ©battait contre eux et l’alcool.


SAM, avec véhémence

Tu n’as pas le droit ! Je ne veux pas ! Je sais que je suis capable d’assumer mes responsabilitĂ©s, ne me prend pas pour une Ă©ponge qui cuve sa premiĂšre gorgĂ©e. Dans quelques secondes et une goutte d’eau je serais capable de prendre des dĂ©cisions et d’encadrer. D’ici lĂ  tu n’as pas le droit ! 



REINE, ferme

J’ai tous les droits. Je suis la reine. Tu peux apaiser ta conscience et te reposer, tu n’as aucune dĂ©cision Ă  prendre il te suffit de te taire et d'exĂ©cuter.


Toute trace d’alcool sembla disparaĂźtre instantanĂ©ment des iris noirs de la poupĂ©e. InterloquĂ©e, elle se laissa emmener. Son regard se faisant profondĂ©ment déçu alors qu’elle disparaissait fissura l’intĂ©rieur du corps en porcelaine de la reine.


Une seconde alarme retentit comme pour la distraire.


CHAPARDEUR

Ils viennent de passer la porte !


REINE

Chapardeurs, dĂ©placez les enceintes, remettez les objets lourds Ă  leur place, soutenez les troupes ! Gardiens, dirigez les mouvements, hĂątez le rangement !


Coordonnant les opĂ©rations depuis sa prison, la reine observait ses troupes agir dans une apparente agitation. En vĂ©ritĂ©, chaque mouvement Ă©tait prĂ©vu et rĂ©pĂ©tĂ©. Organisation stricte qui permettait de s’amuser puis de disparaĂźtre trĂšs vite sans un bruit. Organisation nĂ©cessaire construite par la reine pour la survie du secret des jouets. Pourquoi ce secret devait-il rester secret ? Parce que c’était l’ordre des choses. Jamais personne ne s’était posĂ© la question et jamais personne ne se la posera.


La voix des humains explosa depuis le rez-de-chaussée.


PÈRE HUMAIN

Qu’est ce qui t’as pris bon sang Camille ?! Camille, rĂ©pond moi. bruit de pas qui monte l’escalier quatre par quatre Camille, EXPLIQUE MOI PUTAIN OU JE ME F CHE !


CAMILLE

Vous comprendriez rien ! C’est pas tes affaires de toute façon.


PÈRE HUMAIN

C’est mes affaires si tu dĂ©cides d’insulter ton oncle et de quitter la table. C’est le nouvel an merde ! Tu te sentais obligĂ©e de gĂącher la fĂȘte ?!


Dans la piĂšce, toute trace de la fĂȘte semblait avoir disparu. La musique, le buffet, les restes de jeux organisĂ©s, les jouets
 Alors qu’il y a quelques instants la piĂšce baignait dans l’agitation, l’atmosphĂšre Ă©tait maintenant vide et suspendue. Oui, la chambre semblait identique Ă  celle qu’avait laissĂ© Camille.


Mais la reine avisa soudain les confettis étalés sur le parquet, et des traces de brûlures laissées par les torches enflammées des jouets.


Ses yeux se fermÚrent de désespoir.


REINE, chuchotant

Quoi qu'il arrive, que chacun garde son calme.


La porte s’ouvrit Ă  la volĂ©e sur Camille.


CAMILLE

Parce que j’en ai marre de passer le nouvel an avec ma famille ! Parce que j'en ai marre de mon oncle ! Putain, merde, j’ai dĂ©jĂ  dit que



Une gifle la coupa dans sa phrase. Dans l’embrasure de la porte Ă©clairĂ©s par la lumiĂšre du couloir, les deux corps se faisaient face.


PÈRE

Écoute moi bien jeune fille. Ce n’est pas les caprices d’une adolescente orgueilleuse qui feront la loi dans cette maison. Nous sommes parties de chez ton oncle puisque tu nous as fait perdre la face devant eux. Mais tu vas les appeler et t’excuser, est ce que je suis clair ?


CAMILLE

Pleurant doucement sans répondre


PÈRE

Je n’ai pas entendu, est ce que je suis clair ? Bon sang mais quelle chouineuse. Quinze ans et pleur pour une baffe, c’est comme ça que je t’ai Ă©duquĂ© ? Tu resteras dans ta chambre jusqu’à ce que tu te sois dĂ©cidĂ© Ă  appeler ton oncle. Et ne t’avise mĂȘme pas d’aller aux toilettes Ă  moins que je t’en colle une. Profite en pour bien rĂ©flĂ©chir Ă  tes actes, et bonne annĂ©e.


Le pùre claqua la porte de la chambre, et la jeune fille s’effondra sur le sol en pleurant.


CAMILLE, pleurant

Oh Pietro



Elle se traüna vers le lit, et se roula en boule en saisissant le singe, qu’elle colla contre son cƓur.


CAMILLE

Oh Pietro j’en ai marre
 j’ai fais ce que j’ai pu toute la soirĂ©e, mais je n’en peux plus, je n’en peux plus. Je n’en peux plus de mon oncle qui fait des commentaires sur mon poid, des commentaires sur mes seins. Un coup il me dit que je suis trop grosse et que je finirais seule, puis aprĂšs il me touche les fesses “pour rigoler”. Et tout le monde le voit, et tout le monde le sait, et je ne peux pas me plaindre
 Je n’en peux plus de ma famille. J’aurais voulu ĂȘtre Ă  la fĂȘte de Yannick ce soir
 Il me plait, je crois que je lui plais, on s’entend bien. Mais je me retrouve Ă  pleurer là
 Pietro, je n’en peux plus de mon pĂšre. Je ne sais pas si je le dĂ©teste ou si je veux lui plaire. Dans tous les cas il me fait peur et j’en ai marre. J’ai si peur Pietro. J’ai peur tout le temps, depuis tant d’annĂ©es. Je voudrais m’enfuir
 Pouvoir faire ce que je veux ! Dire ce que je veux ! Pourquoi pas mĂȘme aller chez Yannick ? 
 Mais comme d’habitude je suis enfermĂ©e, et il ne me reste plus qu’à jouer Ă  la poupĂ©e.


L’adolescente rouvrit les yeux sur sa chambre, observant ses jouets immobiles sur les Ă©tagĂšres.


REINE, priant pour elle mĂȘme les yeux fermĂ©s

Pourvu qu’elle ne regarde pas le parquet



CAMILLE, soudain le regard ferme

Sauf que je n’ai plus l’ñge de jouer Ă  la poupĂ©e. Les histoires et les jouets m’ont permis de m’évader, mais je suis plus une gamine. Je veux m’enfuir, je vais m’enfuir. Ils l’auront bien cherchĂ©. Fini la gentille fille sage qui invente des histoires Ă  ses barbies. Je les emmerde, je me dĂ©tache !


Rejetant Pietro et se levant brusquement, Camille se saisit d’un sac de voyage, dans lequel elle jeta Ă  tout va quelques livres, des vĂȘtements, et ses affaires de classe. Saisissant de quoi Ă©crire, elle dessina un simple doigts d’honneur sur une feuille qu’elle laissa bien en Ă©vidence sur le bureau. Sautant vers le lit, elle se saisit de Pietro pour le glisser dans son sac, mais



CAMILLE, observant avec tristesse et hésitation la peluche usée par les années

Tu m’auras beaucoup apportĂ©e Pietro
 Tu as Ă©tĂ© mon seul ami pendant de longues annĂ©es. Mais Ă  prĂ©sent je ne veux plus de toi. Je veux me dĂ©tacher, pour me dĂ©passer tu comprends ? 



Une vague de panique envahit la reine. Si jamais Camille se dĂ©tachait du jouet qu’elle avait fait naĂźtre, si jamais elle le reniait, si jamais elle cessait de le faire vivre : l'objet allait mourir ! 
 Mais la reine avait besoin de Pietro. Il Ă©tait son ombre, son conseiller. Ce n’était peut-ĂȘtre qu’un singe peureux et rĂ©servĂ©, mais avant ça et avant tout il Ă©tait son ami en qui elle pouvait le plus compter pour exister. Il ne pouvait pas mourir, il ne pouvait pas



CAMILLE

Adieu mon ami, je n’ai plus besoin de toi. Merci pour tout ce que tu m’as apportĂ©, tu me manqueras.


L’embrassant une derniĂšre fois, elle le jeta dans la corbeille du bureau. Fermit son sac, ouvrit sa fenĂȘtre, et sauta.


Un long hurlement silencieux dĂ©chira l’intĂ©rieur du corps de la poupĂ©e en porcelaine. Un fort frĂ©missement de sa colonne vertĂ©brale jusqu’au bout de ses chaussures en porcelaine. Une puissante pulsion qui lui intimait de courir jusqu’au corps de son ami dans la corbeille. Une longue douleur corporelle, si dense qu’elle serait capable de briser cette peau artificielle.


SAM, chuchotant d’une voix douce et inquiùte

Eh, tout vas bien ?


Combien de temps s’était-il Ă©coulĂ© ? MontĂ©e Ă  cĂŽtĂ© d’elle, la barbie s’était accroupie aux pieds de la reine. Toute trace d’alcool avait disparu de son regard noir. Dans les Ă©tagĂšres, les jouets bruissaient, inquiets de ne recevoir aucun ordre de la reine, alors qu’il s’agissait d’une situation d’urgence et qu’aucune prĂ©sence humaine ne l’empĂȘchait de s’exprimer.


REINE, voix tremblant légÚrement

Il faut, je ne
 Je ne sais pas. La fĂȘte est gĂąchĂ©e, nous avons laissĂ© des traces de notre prĂ©sence sur le parquet, notre humaine a fuguĂ©, nous sommes Ă  la merci de son pĂšre. Et Pietro, Pietro



SAM

Eh, petite poupĂ©e
 posant une main hĂ©sitante sur la vitre enfermant la reine, puis plongeant ses yeux dans les siens J’ai de plus en plus de mal Ă  l'appeler “ma reine”, et pourtant je ne te connais pas d’autres prĂ©noms
 Mais peu importe qui tu es, je suis lĂ  pour te rassurer. J’ai envoyĂ© un guetteur surveiller le couloir, et un infirmier s’occuper de Pietro. Tu es intelligente, audacieuse et pertinente, mais pas obligĂ©e de t'accaparer tous les pouvoirs et toute la pression pour autant. Nous sommes forts, nous sommes capables de prendre des dĂ©cisions. Alors prends ton temps, je sais combien c’est dur
 Nous avons tous perdu un camarade jetĂ© ou cassĂ©. Prends le temps de faire ton deuil, et reviens vers nous. La situation est grave, alors nous aurons besoin de toi au meilleur de ton Ă©tat. Tu sais faire preuve de sagesse et d’autoritĂ©, et je
 hĂ©sitant je t’ai
 je te
 considĂšre comme une amie pour moi. baissant les yeux MĂȘme si toi tu ne me vois apparemment que comme un sujet incapable d’autonomie



INFIRMIER, hurlant depuis la corbeille oĂč reposait Pietro

IL RESPIRE !


GUETTEUR, depuis le couloir

LE PÈRE ARRIVE !


Sam quittant la reine, les autres quittant leur postes, chaque jouet retrouva en un instant sa place dans les armoires. DĂ©boussolĂ©e, la reine ne savait plus ni quoi ressentir ni quoi penser. La porte de la chambre s’ouvrit violemment .


PÈRE

CAMILLE ! Est ce que c’est de ta chambre que vient ce courant d’air ? Je suis dĂ©jĂ  en colĂšre de ta petite crise alors



Surpris, l’homme se coupa dans sa phrase et tourna sur lui-mĂȘme en avançant vers le centre de la piĂšce.


PÈRE, décontenancé

C’est une blague ?


Se dirigeant vers le bureau, il saisit le doigt d’honneur pointĂ© vers lui.


PÈRE, énervé

C’est une putain de plaisenterie ?! 



Tournant sur lui-mĂȘme avec plus d’agitation et froissant la feuille dans sa main, ses yeux se baissĂšrent sur le sol et il s’accroupit. Passant son doigt sur une brĂ»lure au parquet et ramassant une poignĂ©e de minuscules confettis pour jouets, il gronda comme un monstre qui implosait.


PÈRE

Des traces de cramĂ©, de la poudre
 Elle se drogue ?!


Se relevant brusquement, il se jeta vers le lit et retourna les draps, fouillant les oreillers et le matelas, avant de sauter sur le bureau et de le fouiller avec le mĂȘme chaos. Sa haine croissait au fur et Ă  mesure qu’il ne trouvait rien mais constatait la disparition des affaires.


PÈRE

C’est une blague ? C’est une putain de plaisenterie ?! Pour qui s’est pris cette pute ? Et oĂč est ce qu’elle est que je lui torde le cou, merde !


De colÚre il envoya valser une chaise, et tapa violemment du poing sur l'armoire. Le socle de la poupée chancela, chancela. Il chancela tant, que la reine chuta, et que sa cloche de verre se brisa.


PÈRE, tournant les talons et quittant la piÚce enragée

JACQUELINE ! Ta conne de fille s’est barrĂ©e en emportant sa came. Tu te rappelle le nom de la petite merde chez qui elle voulait passer les fĂȘtes ?



La rĂ©sonance de ses pas sur le parquet s’éloigna, et la reine allongĂ©e sur le sol au milieu des bris de vers de sa prison brisĂ©e, ressentie pour la premiĂšre fois. Elle ressentit pour la premiĂšre fois la chaleur du bois, les odeurs du sol, les sons qui lui parvenaient sans barriĂšre, la texture de la poussiĂšre
 AllongĂ©e sur le sol pour la premiĂšre fois minuscule au pied de ces meubles immenses, un torrent de sensation dĂ©ferla en elle la figeant sur le plancher. Mais aprĂšs la surprise, la peur se rĂ©pandit dans chacune de ses fibres. Celle que le pĂšre reviennent, celle que les objets se rendent compte qu’elle ne savait pas bouger, celle qu’ils la rejettent, celle de faire honte Ă  Sam qui croyait en elle, celle de perdre NathanaĂ«l son seul confident, celle de perdre Pietro son seul ami



Tournant la tĂȘte vers la corbeille, ses cellules vibraient sous l’impulsion qui la portait. Comme si la vie se propageait comme une maladie dans la matiĂšre, une vague brĂ»lante puissante et douloureuse qui l’étranglait. La reine se releva d’abord sur un genoux, puis força, froissa, porta ce corps artificiel jusqu’à ĂȘtre debout. Sa chair de porcelaine tremblait de l’effort. Mais pas plus que son cƓur qui tremblait de peur.


Reprenant son souffle immobile pour apaiser un violent vertige, elle distingua sous le lit l’ombre d’un lĂ©zard, qui lui souriait goguenard. NathanaĂ«l souriait, fier ou amusĂ© qu’elle soit enfin vivante et debout sur le parquet, alors que lui-mĂȘme disparaissait. De son corps de lĂ©zard en plastique, ne restait plus que son buste et sa tĂȘte, dont la matiĂšre semblait se dissoudre, et il en jouissait. DĂ©formĂ©e par un insupportable rictus prĂ©somptueux, ses lĂšvres articulĂšrent lentement : “fĂ©licitation”.


Alors la reine lui murmura difficilement : “adieu”.


Avant de fermer les yeux pour ne pas voir NathanaĂ«l s’évanouir dans l’air.


Soufflant pour apaiser la violence du décÚs, elle se tourna enfin vers la corbeille.


Soutenue par les deux infirmiers, Pietro se dirigeait vers elle entourĂ© d’une foule de jouets curieux ou inquiets. Son air minable et fatiguĂ© lui tirait toujours les traits, mais son regard semblait plus brillant que d’habitude.


REINE, hésitante et faible

Comment ?



PIETRO, plus assuré

Comment j’ai survĂ©cu ?


Il se détacha du bras des pandas infirmiers, et épousseta machinalement ses épaulettes ternies par les années.


PIETRO

Parce que ça fait longtemps, que je me suis dĂ©tachĂ©. J’ai achevĂ© le processus. Quoiqu’il arrive, je peux survivre Ă  ma crĂ©atrice.


Un murmure de stupeur se rĂ©pandit dans la foule de jouets. Alors que l’admiration naissait aprĂšs l’incrĂ©dulitĂ©, au contraire une colĂšre se rĂ©pandit dans le corps de porcelaine de la reine.


REINE, nerveuse et énervée

Et pourquoi tu ne m’as rien dit ?! Comment l'as-tu su ?


PIETRO, plongeant ses yeux humides dans les siens

Je l’ai su en te crĂ©ant. En te crĂ©ant toi. Une reine capable d’unir les jouets, et de les protĂ©ger.


L’incomprĂ©hension bruissa parmi les jouets. Alors que chacun murmurait mais qu’aucun ne comprenait, la reine fixait - interloquĂ© - celui qui lui avait donnĂ© la vie.


Encore une fois, la colĂšre malmena sa chair, et elle frĂ©mit d’indignitĂ© toute entiĂšre.


REINE, méchante

J’espĂšre que tu es fier de ta crĂ©ation ! Qui a existĂ© sans bouger, s’est exĂ©cutĂ©e sans rechigner. fort Mais Ă  prĂ©sent je marche, je me dĂ©tache ! autoritaire À prĂ©sent, je ne suis pas seulement reine. À prĂ©sent, je suis aussi Elisabeth ! Estime toi heureux que je te garde parmi mes sujets aprĂšs que tu m’aies rĂ©duite et utilisĂ©e comme un outil.


Le singe baissa la tĂȘte en signe de soumission, sans mĂȘme s’offusquer, ce qui agaça encore plus la poupĂ©e. Il lui faudrait du temps pour apaiser ce sentiment de rĂ©bellion qui lui retournait le ventre.


Un bruit de porte qui claque rĂ©sonna, et celui d’un moteur ronfla depuis l’extĂ©rieur.


GUETTEUR

LES PARENTS PARTENT AU COMMISSARIAT.


Un guetteur ? Qui avait envoyĂ© ce guetteur ? La reine secoua la tĂȘte tant la rĂ©ponse Ă©tait belle et Ă©vidente.


Reprenant son sang froid, elle clapa des mains avec autoritĂ©, crĂ©ant immĂ©diatement le silence dans l’assemblĂ©e.


ELISABETH

Chapardeurs Ă  vos piĂšges ! Cuisiniers, sortez vos mets ! Sonneurs, Ă  la musique. Il est Ă  peine 23h30 passĂ©. Je veux que la fĂȘte batte son plein pour la nouvelle annĂ©e !


Des cris de joie lui rĂ©pondirent, et les jouets s’agitĂšrent immĂ©diatement. ExĂ©cutant les ordres ou retrouvant leur habits de fĂȘtes, une euphorie nouvelle leur transporta le cƓur ainsi que celui de la reine.


Comme si quitter sa prison la connectait enfin au reste du monde, Elisabeth se sentit gonfler, en mĂȘme temps que ceux qu’elle rĂ©duisait trop souvent Ă  leur qualitĂ© de sujets. Tournant son regard vers Sam, qui l’observait fiĂšre et debout sur le parquet. Elle la vit enfin, aussi vivante et vibrante qu’elle.


Alors que les premiĂšres notes de musique s’élevĂšrent, la petite reine de porcelaine se dirigea vers la belle - et l’invita Ă  danser.














Awoken

J'ai beaucoup aimé ton texte, il est chouette. Bravo!


Le 18/01/2023 à 20:00:00

















© 2021 • Conditions générales d'utilisationsMentions légalesHaut de page