L'Académie de Lu





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Oiseau froissé

(par Salander)
(Thème : Message caché)






J’ai joué du piano jusqu’à mes douze ans, chaque jours jusqu’à avoir les doigts engourdis de sang. La force des sons résonnaient dans le salons, et faisaient danser les meubles qui m’observaient quand j’étais seul. Révolte blanche, où les instants noirs sont des bémols. Coeur exalté d’être enfin écouté. Et libérant les sons je jouais chaque jour pour exister. Le silence était l’encre qui imbibait l’instant. Fer qui me trainait vers une sombre conscience. Au bout du morceau, l’angoisse de ce silence était si grande. Poing ouvert et tendu je me précipitais sur ces marteaux blancs.


Dans la maison il y avait une cuisine aux carrelages bleus et blancs. Là haut au plafond pendaient des casseroles et sur la cuisinière des cuillères. Gorge gorgé du goût de cellophane emprisonnant ma nourriture froide. Un seul instant de silence en mangeant suffisait à me faire utiliser cuillères et casserole et salières et inventer un orchestre. Éclats de génial à chaque bruit qui devenait son, je passais des heures à manger froid et rire chaud. Qui laisse un enfant seul ne s’étonne qu’il s’invente une famille. Déforme et modèle ce qu’il attrape pour leur parler et leur sourire. Ma famille était faite de sons et je la recréais chaque jour. Voix mêlées qui me parlaient et avec lesquelles je chantais.


Rien ne m’a plus blessé que le retour de mes parents. Ne supportant pas les sons, ils chassèrent leurs remplaçants. Peu d’aussi méprisables jaloux ne passèrent dans ma vie. Sortir de l’ombre avec leurs titres et leurs orgueils d’adultes leur a donné le droit de vendre le piano et m’interdir la cuisine. De mots s’est remplie ma vie, mais je ne les comprenais pas. Moi qui chantais avec le soleil et dansais avec le sel, j’ai dû apprendre à me taire. Que de noir s’est remplie ma vie, aussi agressifs que des dièses. La saveur amère des mots a remplie mes oreilles. Haine tendue quand on me demandait de parler, haine éclatée quand malgré leurs menaces je me taisais. Depuis qu’on m’avait dérobé au sons, mes lèvres restaient fermées. Que d’efforts ont été fait pour me plier à leur monde. Lame découpant mon coeur ils ont fait de moi un puzzle social. Est attentif celui qui voit que je ne suis qu’une marionette rapiécé, oiseau perdu parmi les guignols de la télé. Entrée dans ce monde de mots où les bruits sont chassés, j’ai perdu les couleurs dont mon enfance était parée. Dans ma gorge les sons se sont éteints et dans mon regard la mélodie aussi. Ma voix a accueillis des mots que je ne comprenais pas et qui ont tout détruit. Peau froide et coeur fanée, en m’effaçant face aux mots c’est tout mon corps qui a cessé de chanter.


Ma vie en noir et blanc ne sonnait plus comme un piano. Blessure ouverte à chaque son je les étouffais pour ne pas qu’ils recouvrent les mots. Saigne l’oreille qui chasse et désire la musique. De haine je me gorgeais comme mes vrais parents me l’avaient appris. Colère et peine quotidienne car j’étais privé de ma langue maternelle. Et quand ton chant est entré en moi c’est tout mon corps qui s’est remplie de peur, de stupeur, de désir, et de joie. Sang séché sur mes oreilles j’ai tangué sous les applaudissements. Sons qui dansaient avec toi qui les entendais comme l’oiseau en moi. Mes larmes ont brillé et attiré ton regard. Mots et sons ont empli ma gorge et j’ai chanté avec toi.




























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