Tout le village s’était rassemblé pour l’occasion, tous étaient venus, attirés comme des mouches par un pot de miel, du plus noble le plus décadent au mendiant le plus repoussant.

Le monde entier serait venu s’il avait eu vent de ce qui se jouait sur cette petite place en ce jour sombre.

“Peut— on reprocher à une personne de ne pas avoir choisi le destin qu’on lui destinait?! Écrire sa propre histoire n’est-il pas le vœu que tout un chacun a le droit de voir exaucé?!”

Une semaine s’était écoulée depuis le procès, depuis qu’elle avait dit ces mots, personne n’avait écouté, personne ne la considérait comme un être libre et sentient.

Histoire d’enfoncer le clou, on lui avait coupé les cheveux et bandé les yeux pour qu’elle ne puisse pas voir le soleil, comme si elle était le pire criminel qui ait existé.

Il ne leur avait pas fallu longtemps, à peine deux jours, pour se rendre compte de sa disparition, ils avaient alors tout mis en œuvre pour la retrouver et réussir à l’attraper avant qu’elle n’arrive à la capitale.

“Suffit de pas grand chose, -s’était-elle soufflé à elle même en plaçant sa tête sur le billot- quelques heures de plus et ça n’aurait pas été moi la grande sacrifiée, quelques minutes de plus et j’aurais été libre et en sécurité, quelques secondes de plus et j’aurais la tête tranché. D’un autre côté, au moins, je suis certaine de respecter ma promesse, je ne subirai pas ton sort maman…”

Peu de monde sait ce que cela fait, de voir la mort en face, malgrès son bandeau, Lija la voyait, l’accueillant comme une vieille amie. De rêves, elle n’en avait plus depuis longtemps, elle s’était résignée quand la sainte garde l’avait arrêté près du ruisseau non loin de la porte ouest. Et puis c’est pas comme si quelqu’un allait arriver, lui sauver la vie et l’aider à se construire une vie calme et tranquille…

Le coeur plein de regrets, la jeune fille se prépara au coup libérateur, mais rien ne vint, autour, un fort brouhaha se fit entendre, puis le bruit d’un corps qui tombe, des cris, une étreinte autour de la taille, la sensation d’être soulevé de terre, d’être emmenée quelque part, le cri qui sort et le baillon qui brouille les sens, tout qui s’estompe, le noir.

Tour, détour, lumière éblouissante, noir complet, odeur nauséabonde et douces effluves, tout cela allant et venant avant de disparaître pour laisser place à la douleur, pas vraiment désagréable mais plutôt génante.

“Es— tu un ange? - bafouilla-t-elle en entrevoyant un jeune homme au cheveux noirs et aux yeux luisants d’un bleu pâle-

— … Joué, princ… dors t… besoin -entendit-elle avant de se laisser glisser dans les bras de morphé.”