Souvenirs d'une autre vie
(par Awoken)(Thème : MĂ©lilĂ©mots 5)(dernière modification : 29/05/2022)
Trois mois. Trois moi que nous dérivons dans l'espace.
Il a fallu que le moteur tombe en rade pile quand nous traversions le passage de vide entre Altair et Izar.
J'ai demandé à Malaterre s'il y avait une solution. Il m'a répondu que si j'avais un alternateur de fluctuations quantiques en état de marche, il s'en occuperait. Je crois qu'il était ironique. J'ai du mal avec les arakhn. Ils sont si… hermétiques. Pas que je lui demande de faire des expressions de clown, non, juste pouvoir communiqué avec lui.
Je suis retourné dans ma cabine. J'avais les idées qui fusaient dans tous les sens.
Pour me remettre tout ça en place, je me suis saisi de ma clepsydre.
Seul vestige de ma première vie, elle me rappelle des souvenirs, les plus doux, ceux du temps de ma naïveté. Je me sens tout de suite mieux au contact froid du métal.
Je vais m'asseoir en tailleur sur ma couchette et je renverse mon sablier. Je me met ensuite Ă la contempler. Je contemple ses grains aux mille et une couleurs tomber un Ă un dans le fond.
Un sentiment de nostalgie m'envahit. Il y avait si longtemps que je n'avais pas pris le temps de me souvenir.
Je me revois, courant dans la forêt à la poursuite des lièvres et des daims. Je me revois, sautillant autour de ma sœur pour lui faire lever la truffe de ses bouquins de botanique.
Elle me manque tellement. Elle a dû quitter la Terre depuis le temps, c'était son rêve. Je ris. Je la revois me toiser en pointant le ciel et me dire qu'un jour elle connaîtrais toutes les plantes et qu'elle en posséderait au moins une de chaque.
Dire que c'est à cause de moi… Que c'est à cause de moi que nous avons une famille éclatée, que c'est mon départ qui a tout détruit, qui a brisé son équilibre.
Dire que la Capitaine, elle, elle a perdu la sienne définitivement, et que moi… Moi je n'ose pas renouer avec eux.
Si elle le savait, elle me ficherait Ă la rue comme le chien pouilleux que je suis.
Non… Faut pas dire ça. Si elle était comme ça elle m'aurait pas recueilli malgré mon addiction au jeu.
Et puis… peut-être. Peut-être qu'un jour j'y arriverais. Peut-être que j'arriverais à rentrer et à recoller les morceaux…
Non. Non, le mieux c'est qu'ils m'oublient. Je reviendrais pas. Pas le courage. Faut m'attendre.
Je lance Ă haute voix :
— Faut pas m'attendre LaĂŻka ! Tu entends ?! Faut pas !
Et j'ajoute, plus bas, que ce n'est pas la peine.
Je repose ma clepsydre. La sable n'a pas fini de couler.
Je me sens libéré d'un certain poids.
Je retourne à mes occupations, l'artillerie va pas s'entretenir toute seule. Pis faut qu'elle soit en état si jamais on croise une pieuvre cosmique ou une méduse nucléaire. Enfin… Si ça existe.
Cette histoire fait partie d'un tout plus grand !