![]()
![]()
![]()
![]() ![]() Contraintes aléatoires Contraintes à sélectionner soi-même Testeur d'auxiliaire Situations aléatoires (défi de Schrödinger) Textes sans commentaires Générateur de situation/synopsis ![]() MĂ©lilĂ©mots (amphigourique, esperluette...)
![]()
Sourne![]() Spectacles![]() ![]() ![]() La violoniste soldat(par Sourne)L'hélicoptère massif qui l'avait transportée au cœur d'une place dévastée s'envola dans le ciel vespéral, l'abandonnant avec le restant de son escouade dans une ville ravagée. Les quelques cheveux noir ténèbres qui dépassaient de son casque de combat voletèrent au gré du vent des rotors de l'aéronef, qui s'éloignait jusqu'à ce que le souffle ne devînt une brise tenue, pour disparaître.
De la grande et vaste place jadis garnie d'antiques statues des guerriers légendaires et fondateurs du Royaume de Novine, il ne demeurait plus guère qu'un champ de bris rocheux, qui ne fut pas restauré les décennies suivantes. Les arbres avaient vu leurs feuilles jaunirent maladivement sous les bienfaits des bombes archéroniennes, qui apportaient prospérité et impérialisme. Les plantes qui n'eurent la chance de voir leur feuillage virer l'eurent léché et rongé par les flammes qui avaient par endroits remplacé l'éclairage public.
Au lieu d'un cœur sain, Aùgùrìa crut qu'une horloge déréglée pulsait dans sa fine poitrine. Elle qui se servait des battements qui résonnaient en elle pour guider sa méditation était égarée dans ses sens. L'inspiration qu'elle prit ne la rasséréna pas, portant au lieu de la sérénité attendue les âpres relents d'essence brûlée et les âcres odeurs de plastique fondu.
— Sergent-chevalier de Melòdìa, soyez aussi droite que la lame de votre sabre ! somma sèchement une voix tonnante.
Aùgùrìa braqua soudainement ses yeux améthyste sur un homme à peine plus grand qu'elle. Son treillis gris-vert était couvert d'un épais gilet pare-balles, renforcé aux articulations de plaques flexibles de céramique. L'officier fit craquer ses épaules dans un crissement d'os, soulevant le sac harnaché à son dos musclé.
— Affirmatif, dit avec peu de foi la soldate.
Une fébrile bourrasque se leva brusquement, emportant dans son sillage une vague de chaleur mais aussi mille râles et complaintes, qui sonnèrent aux oreilles d'Aùgùrìa comme la plus affreuse des cacophonies. Les bruits stridents qu'elle émettait lors de ses premières semaines de violon, lointaines de plusieurs années déjà , lui étaient plus agréables que l'agrégat informe de souffrance qui rugissait à l'horizon.
— Alors, avançons.
Sans attendre quelque réaction de la part de sa subalterne, l'officier s'avança avec assurance, rapidement imité par ses frères et sœurs d'arme. Toutefois, la sergent-chevalier prit un court instant de répit. Elle se chuchota quelques paroles afin de se réconforter et de s'ordonner de suivre la troupe. Sa main passa nerveusement sur l'écusson en forme de violon qui était accroché au-dessus de son cœur avec ses espoirs. Pourquoi son opiniâtre de père, noble acquis à toutes les causes de l'Empereur, l'avait envoyée ici ?
Elle ne se hâta pas pour rejoindre son escouade, qui était déjà à plusieurs pas devant elle, pas plus qu'elle ne regarda derrière elle. Ainsi, elle s'épargna la vue d'une fontaine ébréchée, où l'eau avait pris la teinte et le goût des corps en putréfactions qui y flottaient. Aùgùrìa marcha nonchalamment, la tête basse, le regard vide et absent. Les pavés qui défilaient sous ses pieds étaient noirs d'une suie qui ne se nettoya qu'en versant autant de sueur que du sang qui l'avait engendré, fendus sous le souffle de grenades ou piqués d'impacts de balles.
Une puissante détonation résonna dans la capitale de la Novine, faisant trembler l'ancienne violoniste, qui gratifia ses yeux d'une tout autre vision. Dans le ciel où les nuages cotonneux se mouvaient lentement, que l'Estèl déclinant colorait d'un rose saumon, une patrouille d'avions de chasse effectuait un survol. Aùgùrìa crut reconnaître des A4S standard, sans le moindre doute projeté par le groupe aéronaval croisant dans la baie voisine. Une fugace seconde, elle se souhaitait de revenir à bord du tanguant porte-hélicoptères qui l'avait fait traverser un océan durant d'interminables jours.
Soudainement, la peur reprit le dessus. Elle se savait ennemie sur cette terre séditieuse, en proie aux rebelles qui pouvaient toujours courir dans la ville, se parant à une embuscade. En quelques bonds, elle se hua à la limite de sa troupe, qui marchait toujours au même rythme. Leur cadence était aussi précise et aussi synchronisée qu'un orchestre, dont le major était le chef d'orchestre. Ses camarades ne craignaient pas la mort. Ils ne vivaient que pour servir les desseins de l'Empire d'Archérion.
Aùgùrìa subodorait une nuée de regards qui l'épiaient, dissimulés dans l'environnement dévasté. Cela lui faisait la sensation d'être piquée par un essaim de Noviniens, qui avaient en eux un redoutable poison. La haine dirigée contre l'Empire, une ire si tenace et si dévorante qu'elle ne se tarirait jamais. Cette détestation était une braise, qui n'attendait que l'oxygène de l'Union de l'Est pour reprendre pied.
La soldate raffermit la prise sur son AL-ARA, et bénit le lance-roquette léger fixé à son bras de la protéger. Elle savait que si un tireur embusqué rôdait et la prenait pour cible, ses chances de s'en servir étaient nulles. Toutefois, le poids et l'encombrement de l'arme lui évoquaient celui de son violon, qu'elle tenait il y avait encore quelques mois en arrière. Hélas, elle avait été contrainte de s'engager dans l'Armée Régulière d'Archérion et elle n'avait plus eu le loisir de jouer de son instrument. L'harmonie des notes qu'elle diffusait et la perfection des mouvements de son archet lui manquaient cruellement.
— Halte soldats !
Comme s'ils étaient régis par la même force, les militaires cessèrent tous leur marche. La troupe n'était plus esseulée, tout autour d'elle s'était regroupée toute une armée, qui faisait face au palais de l'autoproclamée République de Novine. En haut de l'escalier se tenait un pupitre, sous le feu du projecteur d'une multitude de caméras. Un homme à la peau marron, somptueusement vêtu dans un costume à la mode impériale, se tenait stoïquement devant la foule. Il s'agissait d'un éminent représentant du peuple novinien, porte-parole du gouvernement central d'Archérion.
Le discours qu'il entreprit ensuite était abscons aux oreilles d'Aùgùrìa, qui se détourna de ce flot de paroles amphigouriques. Les mots de l'émissaire s'évanouirent, quand le regard de la soldate scrutait les immeubles alentour.
Ils étaient plus hauts que ceux de la capitale archéronienne, mais leur mur morne n'était que de béton, là où Archessie était structurée autour de bâtisses soigneusement édifiées. Sur le territoire sous l'autorité immédiate de l'Empereur, les immeubles étaient de cinq étages et de pierres plus blanches que grises, où les balcons étaient décorés de bas-reliefs. Ici, ils étaient éventrés par les tirs d'obus, de roquettes ou de missiles, exhibant leur câblage comme les entrailles d'une bête agonisante.
Aùgùrìa scruta avec attention les fenêtres, d'où pouvait surgir un tireur. Presque aucune ouverture n'avait de vitre intacte et certaines étaient barrées de planches de bois, de bien maigres protections. Il y avait aussi des enseignes écrites dans une langue que la violoniste n'avait jamais apprise, sur lesquelles elle ne reconnut que les esperluettes.
Finalement, le porte-parole du gouvernement central acheva son discours en archéronien, faisant réagir la soldate.
— Frères et Amis venus du Royaume Central d'Archérion, je salue le courage dont vous avez fait preuve afin de faire choir le gouvernement imposteur des rebelles républicains, agités et armés par les Estiens. Le sang que vous avez perdu me lancine autant que l'aveuglement de mon peuple, qui s'est dévoyé de l'autorité impériale. Mes excuses ne suffiront jamais pour réparer la faute impardonnable que les éléments séditieux de ma nation a commise. Néanmoins, je peux vous promettre l'obédience absolue du Royaume de Novine pour les siècles à venir. Gloire à l'Empire, qu'il remporte la victoire finale contre les conspirateurs de l'Union de l'Est !
Sur ces dernières paroles, un dragonnier perché au sommet du palais fit rugir sa monture, qui galvanisa l'armée impériale.
|