J'attendais ce jour avec impatience. Nous sommes le 3 reculimes ! Enfin, le 31 octobre comme ceux de l'Autre monde l'appelle. Et péché de Sibila, je vais y mettre tout mon cœur et ce sera une véritable fête mortelle pour eux ! Après tout, ce n'est qu'un jour par an, le seul durant lequel je peux voyager entre les mondes.

Les résidents des trois Royaumes me prennent pour une excentrique quand je leur parle de l'Autre monde, mais ils ne savent rien de lui. Ils ne ressentent pas même sa présence, alors que la frontière entre le Royaume désastreux et l'Autre monde est plus ténue qu'une feuille de papier la nuit du 3 reculimes. Pff, les autres démons ne savent pas ce qu'ils manquent.

— Unìvèrspeçàne, mo permitìhè françî lis limĂ ns etri lis mondìns !

C'est presque risible, de penser que ceux de l'Autre monde ignorent tout de la Langue, comme ils sont inconscients que leur destinée est de finir dans notre Royaume. Tandis que moi, j'ai des connaissances qu'ils ne pourront jamais avoir, ni même en comprendre la plus petite bribe.

Le portail dimensionnel est à peine derrière moi que la vapeur de péché de l'Autre monde ravit mes narines. Aaah, cette douce odeur aigre, avec une légère pointe de foi naïve. De quoi me donner des frissons et si c'était de la nourriture, elle m'aurait repue pour les siècles à venir.

Cette maison est réputée hantée par les habitants de l'Autre monde, mais devinez donc qui est l'instigatrice de la rumeur. Loin du plus petit hameau de ce Royaume nommé « Terre », isolée de la magie électrique de l'Autre monde, il faut faire des heures à bord de leur charrette à la magie de feu pour y parvenir.

« Technologie ». Vraiment un nom curieux pour désigner leur magie. Et même si l'étudier pourrait m'occuper pendant... un ou deux mois avant d'en percer tous les secrets, elle n'est pas digne d’intérêt et ne m'apportera pas le même sentiment de complétion que donne l'art du péché.

La porte claque, les planches craquent. Semble-t-il, deux proies sont arrivées d'elles-mêmes pour passer une nuit intime. Mais une invitée surprise va s'immiscer dans leur plan, héhé. Après tout, il faut maintenir la réputation de mon petit manoir, et me repaître de leur délicieuse peur.

Ils sont à présent dans la chambre à coucher, visibles à travers le petit trou au-dessus d'eux. Héhé, les deux namoureux ne me voient pas, cachée dans le grenier, les observant à travers la fente dans le plancher partiellement pourri.

Par quoi commencer ? Chute de serpents, nuée d'araignées, squelette animé ? Classique, trop classique tout ça. Grr, le sceptique dit à sa conquête qu'il n'y a rien ici, et qu'il la protégera si un événement étrange survenait. On verra s'il continue son baratin après un peu de mon péché.

Les petits hommes verts ne font pas fête des morts, les fantômes n'existent pas... Escarlata aurait dû venir avec moi, elle les aurait fait mille fois blêmir, en leur parlant de tous les dossiers qu'elle doit encore corriger. Ou Aina. Non, elle les aurait tués juste en leur adressant un regard d'indifférence.

Comment se fait-il que moi, la plus grande sorcière, soit à cours d'idée innovante ? Et puis zut, ces humains-là semblent assez stupides pour craindre la plus simple des malédictions, alors qu'elle ne fait qu'une boule de lumière, toutefois pratique pour le combat spirituel. D'ailleurs, cela m'échappe, mais certains humains ont réussi à en simuler, des « danmaku » qu'ils appellent ça.

— Puìno peçàns.

La sphère de péché pur passe par la fine fente et... Elle est à peine entrée dans la chambre que le « sceptique » est en train de s'enfuir, en caleçon, dehors malgré la pluie et le vent. C'est, c'est... La chose la plus... Un tel spectacle ne s'était pas encore produit ici ! Décidément, cette malédiction aura été la plus rentable qui soit.

Le bruit de la charrette magique perce soudainement le silence de la nuit. Est-il réellement en train d'abandonner dans une maison hantée une jeune fille ? Tiens, cette petite est plus brave que le trouillard et elle décide malgré tout de rester dormir ici. Elle sent le péché et la frustration. Et mon sac est encore garni de quelques mauvaises malédictions, héhé. De quoi bien passer la nuit.